Candice
Les sourcils froncés, je jette un œil à mon agenda où vient de se greffer le nom d'un nouveau patient. Je n'arriverai jamais à prendre en charge une autre personne, mes journées sont déjà chargées au maximum. Je lève les yeux vers la secrétaire, qui est aussi mon amie, occupée à tapoter rapidement le clavier de son ordinateur, un crayon coincé entre ses lèvres peintes en violet.
— Béa ! supplié-je d'un ton désespéré. Tu ne peux pas donner le patient à quelqu'un d'autre ? Je suis vraiment débordée.
— Désolée, ma grande ! C'est toi que le Choixpeau Magique a désigné ! répond-t-elle en continuant de frapper les touches à la vitesse de l'éclair.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Béa est une fan inconditionnelle d'Harry Potter. Elle n'hésite d'ailleurs pas à faire profiter tout le monde, de petites allusions concernant sa fiction préférée. Mais aujourd'hui, elle aurait mieux fait de s'abstenir, je ne suis pas d'humeur à plaisanter. J'ai des horaires digne d'un Chef d'Etat. Pour ajouter un peu plus de fun à ma vie déjà bien remplie, je me suis réveillée en pleine nuit, des gouttes d'eau provenant du plafond, tombant négligemment sur ma tête. J'ai dû aller frapper chez mes voisins, à deux heures trente du matin, un peignoir sur le dos et les yeux encore tout gonflés par mon réveil forcé.
Autant dire que la journée a mal commencé.
— Ok ! acquiescé-je d'un ton résigné en pointant mon doigt vers elle. Mais si je fais un burn-out, ce sera de ta faute !
Elle me regarde par dessus ses lunettes rouges et lève les yeux au ciel en secouant la tête.
— Allez file ! Je promets de t'acheter un énorme tube de magnésium.
— Madame est trop gentille ! je réponds en mimant une révérence.
J'attrape ma sacoche avant de faire demi-tour, mais la voix de Béa résonne à nouveau à mes oreilles.
— N'oublie pas notre petite sortie de ce soir !
— Si je suis encore en vie ! lancé-je par dessus mon épaule.
Son rire m'accompagne jusqu'à la porte. C'est un sourire sur les lèvres que je quitte le bâtiment, qui renferme l'équipe de cinq kinés, que je viens d'intégrer il n'y a pas si longtemps. Fraîchement diplômée, j'ai eu la chance de trouver cette place -avec ou sans le soutien de mon illustre père- mais cela ne change en rien à mes compétences dans ce métier.
Papa a beau être un chirurgien renommé, je ne dois l'obtention de mon diplôme qu'à mon travail acharné.
Je me rends à l'adresse indiquée sur ma fiche. Une dame d'une soixantaine d'années m'accueille avec un réel soulagement. La pauvre a l'air fatigué, en attestent les traits tirés sur son visage. Je lui envoie un sourire chaleureux tandis qu'elle me fait entrer dans l'appartement.
— Il est dans le salon, prononce-t-elle d'une voix douce.
Je la suis en lançant quelques brefs regards autour de moi. Cet endroit ressemble plus à une garçonnière qu'à l'appartement d'une personne de son âge. Des vêtements traînent un peu partout, des emballages de pizza jonchent la table et une odeur de fauve envahit mes narines. Néanmoins, je ne suis pas en droit de juger les personnes chez qui je me rends. Ça ne me regarde pas ! Je continue de marcher avec l'intime conviction de faire la connaissance de son mari. Pourtant, la carrure impressionnante qui se dessine par dessus le canapé, me laisse croire que je fais peut-être fausse route.
Ou alors, ce monsieur est vraiment bien conservé ! je pense brièvement.
Je fais le tour du canapé pour faire la connaissance de mon nouveau patient, et je déchante aussitôt. Cet homme n'a pas soixante-dix ans, loin de là. Je fais abstraction de son tee-shirt chiffonné et de ses joues recouvertes par une barbe mal entretenue. Malgré son allure de dépravé, il a beaucoup de charme. Ce qui me perturbe le plus, c'est ce regard d'une nuance de brun incroyable. Bien que son comportement détaché me force à croire que je ne suis pas la bienvenue, ses yeux me tiennent un autre discours. Ils me dévorent comme si j'étais une pâtisserie bien appétissante. Malgré moi, une petite chaleur prend vie dans mon corps, mais je me remets sur les rails aussitôt. Je ne suis pas là pour flirter avec mon patient. Désarmée, je lui tends la main et lui lance une de ces remarques idiotes, qui sort toujours de ma bouche dans ce genre de situation :
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la vie arrachée
RomanceA trente-huit ans, Ethan mène la vie qu'il souhaitait. Un métier qui le comble. Une femme qu'il adore. Lorsque, à la suite d'un accident de la route, ce gendarme perd l'usage d'une de ses jambes, son monde s'écroule. Non seulement, il se sent dimin...