la vie arrachée

Chapitre 4

Candice

Il est dix-neuf heures quand je passe les portes de mon immeuble. Je prends mon courrier dans la boîte aux lettres, qui se situe au rez-de-chaussée. Tout en inspectant les diverses enveloppes que j'y ai trouvées, j'appuie sur le bouton de l'ascenseur. Je tombe sur un petit mot des locataires de l'appartement du dessus, m'avertissant que leur plomberie a été réparée et qu'ils paieraient les éventuels dégâts que ce petit incident aurait causés. Je soupire, soulagée de ne pas encore devoir me réveiller en sursaut par de vilaines gouttes me tombant sur le crâne. J'ouvre avec satisfaction la porte de mon appartement. Mes clés échouent sur le meuble de l'entrée, mes baskets atterrissent lâchement sur le sol. D'habitude, je ne suis pas du genre bordélique, mais ce soir, je n'ai qu'une envie, prendre une douche et rejoindre mes amies pour essayer d'oublier ma rencontre avec ce type ignoble et arrogant. Notre rendez-vous est dans une heure, pas de temps à perdre. Je me délecte de l'eau chaude, l'esprit encore dans cet appartement où j'ai vécu la situation la plus irréelle de mon existence.

Jamais de toute ma vie, je n'ai laissé quelqu'un me parler sur ce ton !

Après un long moment, je sors de la douche sans avoir réussi à penser à autre chose qu'à cet homme ridiculement têtu. J'enfile un pantalon en cuir noir ainsi qu'un bustier en dentelle blanc et je chausse une paire de talons aiguilles. Un léger maquillage, un collier pour parfaire ma tenue. Je brosse ma longue crinière que je laisse retomber sur mes épaules, et pose enfin mes lunettes sur mon nez. Un dernier coup d'œil dans le miroir.

Que penserait Monsieur le coincé, s'il me voyait habillée de la sorte ?

Je secoue la tête. Il faut que je me sorte ce mec de la tête, ça devient urgent ! J'attrape ma veste et je file vers le bar à thème où doivent déjà m'attendre impatiemment mes amies.

Le bar est bondé. Des gens discutent et rient autour d'un verre, d'autres dansent au son de la musique électro qui résonne à travers les enceintes. J'aime bien cet endroit. L'atmosphère y est détendue et la décoration contemporaine, mêlant bois et couleur noire, lui donne un côté convivial et très moderne. Un énorme comptoir en bois, illuminé par des LED jouxte une incroyable collection de bouteilles d'alcool en tout genre, alignées sur des étagères noires. Des tables, surplombées d'une suspension en verre et en métal, sont disposées sur un parquet en bois, et des canapés en cuir noir les entourent. Le patron organise parfois des soirées karaoké, auxquelles j'aime bien participer. J'adore chanter. À une époque, je voulais en faire mon métier, mais mon père m'en a empêché.

Il a sans doute eu raison !

Je slalome entre les tables pour rejoindre les deux nanas qui sirotent un mojito, tout en matant ouvertement les gars autour d'elles. Elles sont irrécupérables et  complètement perchées, mais ce sont mes meilleures amies. J'ai connu Alice pendant ma première année à la fac. Béa, c'était il y a quelques mois, quand j'ai obtenu la place de kiné dans le cabinet où elle est secrétaire. Nous avons accroché tout de suite, alors je me suis empressée de la présenter à Alice. Malgré leur look totalement différent, elles sont devenues rapidement de bonnes copines. Béa ressemble plus à une geek qu'à une secrétaire. Cheveux rouges et style vestimentaire typé : pantalon jaune, lunettes rouges et tee-shirt à l'effigie d'Harry Potter. Alice est à l'extrême opposé. Blonde, des formes généreuses et des fringues ultra-tendance. Néanmoins, elles ont toutes les deux un point commun : une attirance maladive pour la gent masculine.

— Salut, les filles ! soufflé-je en me laissant tomber sur le canapé en cuir noir.

— Salut, poulette ! lance Alice en m'embrassant sur la joue.