la vie arrachée

Chapitre 14

Candice

Je sors du bar tout en savourant ma petite victoire, et j'inspire profondément pour permettre à mes poumons asséchés de se gorger d'air frais. Après m'avoir jeté un regard remplit de sous-entendus, les filles m'ont  quand même suivie. La mission est accomplie au delà de mes espérance. Je pousse le fauteuil de mon ex patient, complètement bourré, dont la tête s'incline de gauche à droite dans un mouvement de balancier.

S'il continue, il risque le torticolis demain matin !

À cet instant, je me demande si cette bonne idée en est vraiment une finalement. Me voilà jouant la nounou d'un beau bébé de trente-huit ans, qui somnole en bafouillant je ne sais quoi. J'avance sur le parking, talonnée par mes deux amies que l'alcool a fortement imbibées. Je jette un coup d'œil désapprobateur et irrité par dessus mon épaule. Elles se tiennent aux bras de ces messieurs, qui savourent leur compagnie en riant à gorge déployée.

Tant qu'il y a des hommes dans les parages, leur intelligence frôle le zéro pointé.

J'arrive enfin devant ma voiture. Je vois les filles s'engouffrer dans la berline de leur nouveau plan-cul et je soupire de résignation. Ce n'est pas la première fois qu'elles découchent et je doute que ce soit la dernière.

Après tout, je ne suis pas leur mère!

Je pousse un long soupir alors que je me recentre sur l'énorme paquet cadeau, que je dois faire entrer dans ma petite citadine. Je compare son gabarit à celui de ma Mini tout en haussant un sourcils sceptique.

Il ne rentrera jamais !

— Vous voulez un coup de main ? me propose gentiment Thibaut.

J'accepte sans hésitation, je ne me sens pas capable de m'atteler à cette tâche toute seule. Il m'aide à l'installer dans ma voiture, puis replie le fauteuil qu'il charge difficilement dans le coffre.

— Je vais vous suivre. Comme ça, je pourrais vous aider à le sortir de là ! ajoute-t-il en souriant, son regard glissant rapidement sur mon compagnon de route.

— Merci ! C'est gentil !

Je m'installe derrière le volant et je regarde l'homme assis à côté de moi. Son corps s'est approprié tout l'habitacle. Ses jambes touchent le tableau de bord et sa tête repose contre la vitre dans une position d'extrême lassitude.  Mais qu'est-ce qui m'a prit de lui proposer ça?

Je devrais apprendre à réfléchir avant de parler, me voilà encore dans de beaux draps.

Le trajet se fait dans un silence de plomb. Je n'ai pas allumé la radio puisque mes oreilles souffrent encore de bourdonnements incessants. Bizarre, d'habitude je n'ai pas ce symptôme ! Peut-être est-ce mon cœur qui bat si vite que mes tympans en vibrent ? Cette soirée a été plutôt riche en émotions, mais je dois rester objective. Même si mon charmant compagnon m'a fait du rentre-dedans assez suggestif, son comportement n'est dû qu'à l'absorption massive d'alcool, rien de plus.

Pourtant, une infime part de moi souhaiterait que je me trompe.

Je me gare devant l'immeuble. Thibaut qui m'a suivi, arrive déjà près de ma voiture et sort le fauteuil du coffre. Il ouvre la portière et frappe gentiment l'épaule de mon passager pour le sortir de son état végétatif.

— Allez, mon adjudant ! On est arrivé à bon port ! se moque-t-il tout en l'extirpant du siège.

Mon adjudant ? Les mecs s'affublent parfois de drôles de surnoms !

Celui-ci lui rend un sourire débile et ne fait aucun effort pour sortir de la voiture. J'admire la patience de Thibaut, qui le laisse prendre son temps et qui l'écoute débiter des phrases qui n'ont aucun sens. Une fois installé dans son fauteuil, je vais m'assurer que les filles sont bien conscientes de ce qu'elles vont faire. Je ne suis pas leur chaperon, mais je préfère constater de mes propres yeux que tout est ok pour elles.