Chapitre 6

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Candice

Je quitte l'appartement comme une voleuse. Tout en appuyant frénétiquement sur le bouton d'appel de l'ascenseur, je jure entre mes dents :

Merde, merde et merde !

Mais qu'est-ce qui m'a prit, bon sang ?

Je regarde par dessus mon épaule, anxieuse de voir la porte de son appartement s'ouvrir. Je serais incapable de le confronter s'il venait à se retrouver devant moi. Je sens encore mes pommettes picoter de chaleur. Oh zut ! Je tapote nerveusement des pieds tandis que l'ascenseur s'entrouvre à une vitesse extrêmement lente. Sans perdre une minute, je me précipite à l'intérieur en expirant tout l'air de mes poumons. Je m'appuie contre la cloison, les yeux fermés, et pose naturellement les doigts sur mes lèvres, là où je sens encore la douceur de ce baiser.

Le trajet ne dure que quelques secondes, mais j'ai l'impression inverse. Je m'extirpe de l'ascenseur, et franchit précipitamment les portes de l'immeuble, apeurée de le voir derrière moi. Une fois dans ma voiture, je m'autorise à respirer normalement. Mon cœur bat comme si je venais de faire un run de trois kilomètres. Les mains tremblantes, je repense à ce que j'ai fait et je me sens honteuse d'avoir osé l'embrasser. Il doit me prendre pour une allumeuse et il aurait bien raison. D'habitude, je ne suis pas le genre de nana à prendre les devants mais là, je n'ai pas pu résister. J'ai senti son regard brûlant sur moi durant la demi-heure qu'a duré la séance, et ça m'a perturbé.

— Oh Candice ! Tu n'es qu'une gourde !

J'essaie de me calmer. J'ai encore beaucoup de patients qui m'attendent, et je ne souhaite pas qu'ils fassent les frais de ma négligence parce que j'ai l'esprit accroché à cet homme troublant. Mon cerveau tourne à plein régime Est-ce que je pourrais de nouveau me pointer chez lui, la bouche en cœur ? Franchement, j'ai un gros doute là dessus. Il ne me reste qu'une chose à faire, je n'ai pas le choix. Même si mes deux amies vont se foutre de moi, j'ai besoin de leurs conseils. C'est décidé, réunion de crise chez moi ce soir. Je me gare devant la maison de mon prochain patient, une boule au ventre. J'attrape mon portable et j'envoie un message à l'intention de mes confidentes.

CHEZ MOI CE SOIR A DIX-NEUF HEURE ! URGENT !

Après m'être débarrassé de ces vêtements, qui sentent encore son odeur masculine, je prends une douche rapide. J'enfile un leggings et mon gros pull en laine spécial "coup de blues" à l'effigie de Winnie l'Ourson. Blottie dans mon canapé, un paquet de chamallow entre les jambes, je lance de la musique sur mon smartphone. C'est toujours de cette façon que je fais face à de nombreux cas de déprime. La musique est pour moi ce que la cigarette est à d'autre, un anti-stress. Un son apaisant, un paquet de bonbons gorgés de sucre, et mes soucis me lâchent quelques minutes. La voix de Lana Del Rey retentit et je chantonne :

Blue jeans, white shirt walked into the room (jeans bleu, chemise blanche, entré dans la pièce)

You know you made my eyes burn (tu sais que tu m'as brûlé les yeux)

It was like James Dean for sure (c'était comme James Dean c'est sûr)

You're so fresh to death and sick as cancer (toi, aussi frais que la mort et malsain comme le cancer)

La sonnette de la porte d'entrée retentit et me replonge dans la triste réalité. En traînant les pieds, je vais ouvrir. L'heure de ma pendaison a sonné, elles vont me manger toute crue.

— Oh toi, ça ne va pas ! lance Alice en avisant mon pull.

Elle me connait mieux que personne. Ce pull est synonyme de gros coup de blues, elle le sait. Je fais la moue et rebrousse chemin, pressée de retrouver mon canapé et mes bonbons. Les filles me rejoignent et s'installent de chaque côté de moi.

la vie arrachée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant