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"Nikibi fari yôrôbè tôgôfô, abé sé yôrôdôman, ibi yêrê nêni."

Si tu veux nommer chaque partie de ton corps, arrivé sur certains endroits, tu vas t'insulter."

#Lesproverbesdemamère

Paix chez vous, sur vous et sur nous.

Décembre 2013, j'avais décidé d'aller avec les enfants à l'intérieur du pays, loin du brouhaha d'Abidjan surtout durant la fin d'année où on se demande s'il n'y a pas plus d'hommes que de voitures tant les embouteillages sont humains en fait.

Il se trouve que dans la ville en question se trouvait une femme qui devait de l'argent à Na, paix à son âme. Na m'avait donc demandé d'encaisser son argent. La dame avait pris des bazins riches que vendait Na et depuis plusieurs mois, la dame "refusait" de lui rembourser son argent.

Une semaine après mon arrivée, je n'avais toujours pas rencontré la dame. Elle ne savait même pas que j'étais dans la même ville qu'elle. Na me connaissait, ce genre de situation n'est pas celle que j'affectionne particulièrement.

En effet, alors que je venais d'obtenir mon BAC, j'avais fait part à Na de ma volonté de faire une école de commerce à Yamoussoukro.
"Toi, Amy, commerçante? Laisse-moi rire. Tu devrais faire tes études de médecine comme tu as toujours dit. Tu ne sais même pas mentir. Tu es trop sensible. Il suffit qu'on te dise que tu es jolie pour que tu pleures. En plus, tu es trop honnête"
Malgré le fait que j'avais été retenue à la première phase dans 2 cycles différents pour rentrer à l'INPHB Polytechnique, j'ai été recalée à l'entretien. Pourquoi? C'est une autre histoire...

Mais Na avait raison. J'avais plusieurs fois essayé de faire du commerce mais je ne m'en sortais pas. Je n'arrivais pas à encaisser les clients. J'avais ramené des marchandises de Bamako en 2004 pour les placer mais j'envoyais toujours quelqu'un à ma place encaisser les clients.
Une autre fois, c'est dans le commerce de yaourt que je m'étais lancée et de glace grâce à un congélateur que m'avait acheté ma mère. Le yaourt marchait bien sauf que je n'avais pratiquement pas de bénéfices car je faisais mon lait trop lourd. Na disait que c'est parce que je cherchais nom sinon on ne peut pas donner à du yaourt une consistance de tô =D.
Quand mon lait ne "réussissait" pas à mon goût, je ne le vendais pas. La qualité devait être absolument au RDV. Or il y a des jours où même quand on est expert, il peut arriver qu'on rate un plat surtout dans un domaine aussi délicat que le lait....
J'avais aussi placé quelques bazins pour Na. Une femme, vendeuse de pains condiments en avait pris mais entre temps, son époux est décédé, il y a eu la crise et elle a dû arrêter. Je n'avais rien dit à Na de sa situation. J'ai payé ce qu'elle devait à Na et Na est décédée sans jamais savoir que c'est moi qui avait payé et à la dame, j'ai dit qu'elle ne devait plus s'en faire pour son crédit qu'on lui pardonnait.....

Comme Na savait que je ne comptais pas appeler la dame, elle a pris les devants. Elle a appelé elle-même pour l'informer de ma présence.
La femme est passée me voir et ce qu'elle m'a dit m'a donné à réfléchir sur la situation que bon nombre de femmes vivent au quotidien.
Elles sont nombreuses à quitter leurs foyers pour arpenter les marchés, abandonnant leurs maisons et enfants, ce n'est pas de gaieté de cœur mais bien parce qu'en face, un homme, l'époux, le chef de famille a du mal à faire face à ses responsabilités ou tout simplement refuse de le faire.
Elle m'a dit en citant un proverbe que Na aimait bien.

"Ma sœur, tu sais, si tu veux nommer chaque partie de ton corps, arrivé à certains endroits, tu vas t'insulter. C'est pour te dire qu'en voulant révéler la réalité de ce que tu vis, tout ce que tu réussiras à faire, c'est de sortir avec toi-même et t'exposer.

Mon époux a perdu son travail et la situation est difficile. La nourriture des enfants, leurs médicaments, leur école, tout repose sur mes frêles épaules. Mon époux me donne 500 frs quand il peut par jour. Tu es femme, entre nous, 500 frs peuvent régler quoi?
Je ne suis pas fière de le dire mais quand tes bénéfices ne suffisent plus pour faire face à tes responsabilités, ton capital y pense. Sans compter que les femmes ont pris mes marchandises à crédit. Il y en a qui refusent de payer. Je ne parle plus avec certaines. D'autres disent qu'elles aussi ont des problèmes et qu'elles ne peuvent pas payer pour l'heure.

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