C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent tous réunis à table autour d'un gros poulet que Pyrilampe coupa et servit aux enfants.
— Alors qu'avez-vous fait en cours aujourd'hui ? Demanda Hestia.
— Comme d'hab, c'était ennuyeux. Puis après on a joué au basket avec mes potes, dit Marcel. Heureusement que c'est les grandes vacances la semaine prochaine, j'en peux plus.
— Moi j'ai appris plein de choses en histoire !
— C'est bien ça, qu'as-tu appris en cours, Ariane ? Questionna son beau-père.
— La professeur nous a raconté la Dernière Guerre, et j'ai retenu tout ce qu'elle a dit. C'était y a longtemps...
— Il y a cent ans, précisa Pyrilampe.
— Oui, c'est ça ! Eh bien deux pays se sont disputés parce qu'un devait de l'argent à l'autre et il lui avait pas remboursé. Alors le pays riche a fait exploser le pays pauvre mais les autres pays autour n'étaient pas d'accord. Donc ils se sont tous battus, mais personne ne voulait laisser les autres gagner donc ça a duré très longtemps et tout le monde mourait.
— C'est ça ma chérie, tu as bien écouté en cours, la félicita sa mère en souriant.
On l'appelait la Dernière Guerre car quand elle s'était achevée, l'humanité avait décidé que jamais plus on ne laisserait une autre guerre éclater. Il faut dire que celle-ci avait été la plus sanglante et destructrice jamais connue : des armes à feu, des bombes nucléaires, des massacres surprises sur des civils,. . . toutes les horreurs dont l'humanité semblait être capable s'étaient côtoyées, réduisant la population mondiale de deux tiers. Deux ans auparavant, son professeur d'histoire leur avait montré un documentaire, se souvint Ari, contenant les seules images de cette époque ayant été conservées. Mais elles furent d'une telle violence, qu'il les revoyait encore certaines nuits, dans ses cauchemars. Ce jour là, le jeune homme avait compris pourquoi l'être humain avait voulu s'éloigner de tous malheurs et ne cherchait plus que la paix, intérieure comme extérieure.
— Tu auras une bonne note au contrôle. Et puis tu pourras parler de ton grand-père paternel, il a participé à cette guerre tu sais, rajouta Hestia.
— Oui-oui on sait maman, mais à part monter la garde et écrire dans un vieux carnet il a pas fait grand chose.
— Denis! Si tu dis encore quelque chose comme ça...De quoi devrais-je le punir, Sylvestre ?
— De console de jeux, répondit la montre.
— Je te punirai de console de jeux, est-ce clair ? Tu as toujours vécu en paix, tu ne peux pas imaginer comment était cette guerre, et moi non plus d'ailleurs. Mais si elle s'est achevée, c'est grâce à toutes les personnes qui ont été sur le front, comme ton grand-père, et on leur doit le respect. D'accord ?
— Oui maman...
Un silence s'installa dans la salle à manger, la mère de famille regardant son fils avec sévérité.
— Elpis, tu as hâte d'ouvrir tes cadeaux ? Demanda soudain Pyrilampe pour briser la glace.
— Oui, j'ai trop envie d'avoir ma montre comme les grands !
Le petit garçon ne tenait plus en place, sautant presque sur sa chaise pour montrer son impatience.
— Tu dois encore attendre jusqu'au dessert, puis on t'aidera à l'installer.
Les conversations redevinrent plus légères et la suite du repas se passa sans problème. Le petit garçon souffla ensuite ses bougies sous les applaudissements de sa famille, puis vint enfin l'heure des cadeaux.
Ariane, Denis et Marcel s'étaient réunis pour lui offrir un tout nouveau jeu pour la console qu'ils partageaient.
— Et vous comptez y jouer avec lui, si j'ai bien compris ? Demanda Hestia avec un regard soupçonneux.
— C'est un cadeau qui profite à tout le monde en effet, lui céda Marcel.
Quand Ari avait demandé à sa montre, elle lui avait dit d'acheter une peluche dragon, mais il était tombé sur un livre pour enfant dans un vieux magasin, racontant l'histoire d'un aventurier faisant le tour du monde. Il avait préféré prendre le livre, mais le petit garçon le regarda d'un air sceptique.
— C'est un cadeau de vieux les livres, gémit-il. Et puis je sais pas lire.
— Je te le lirai, si tu veux.
— Et maintenant, passons au plus important, intervint Pyrilampe et tendant une boîte bien emballée sous le regard émerveillé de son fils.
Celui-ci s'en saisit et ouvrit l'emballage précautionneusement, comme s'il avait peur de casser son contenu. C'était une montre, sa toute première montre, elle était donc un peu plus petite que celle de ses demi-frères et l'écran était tout noir, comme le bracelet.
— Comment on l'allume ?!
— Attends, on va tout t'expliquer. Mais d'abord calme toi.
Les deux parents sortirent tous les accessoires et les notices de la montre puis Hestia lut les papiers :
— Écoute bien, c'est important...Félicitations, vous venez d'acquérir votre première montre, la société vous juge ainsi en âge de devoir prendre des décisions. Pour commencer, il vous faudra appuyer sur le bouton à l'arrière de la montre afin de l'allumer.
— C'est bon !
— Bonjour, je suis Scapin, votre assistant, dit alors la montre sous le regard ébahit du petit garçon.
— Ensuite, configurez-la pour qu'elle puisse correspondre au mieux à vos attentes. Vous pouvez remplir le formulaire en précisant votre personnalité et vos qualifications, ou bien choisir directement le remplissage « par défaut ».
— Choisis le formulaire par défaut, personne ne s'embête jamais à le remplir en entier, précisa Pyrilampe.
Si, pensa Ari, moi je l'ai rempli entièrement. Et il devait avouer que cela s'était avéré long et fastidieux : on lui demandait une véritable analyse psychologique de lui-même, une introspection des plus précise, voilà pourquoi très peu de gens choisissaient de le remplir. Mais le jeune homme se demandait comment une montre pourrait choisir ce que nous voulions sans nous connaître.
Encore jeune à l'époque, il avait posé la question à sa mère, mais celle-ci - ou plutôt sa montre - lui avait répondu que les programmeurs avaient tout pensé et qu'ils ne se trompaient jamais.
Les programmeurs étaient ceux qui fabriquaient et codaient les montres utilisées par toute la société. A chaque deux-centième naissance, on enlevait l'enfant à ses parents et il était élevé à l'écart du monde, sans aucun contact avec celui-ci. Ainsi, ils gardaient un avis le plus objectif possible et ne pouvaient pas être influencés ; ils passaient alors leur vie à programmer et concevoir des montres. C'était une situation très prestigieuse, et les parents dont les enfants avaient été choisis pour être programmeurs montraient toujours une immense fierté envers leur enfant qu'ils ne verraient jamais.
— N'oubliez pas de recharger votre montre chaque nuit en la branchant au câble à côté de votre lit. Elle sera ainsi prête pour une utilisation journalière. Attention : ne jamais retirer sa montre. Elle permet à quiconque de vous contacter et doit pouvoir vous conseiller à chaque instant. Tu as bien compris, Elpis ? Il ne faut jamais l'enlever, même quand tu dors.
— Et quand je vais à la douche, elle va pas s'abîmer ?
— Mais non, ria Pyrilampe, ne t'inquiètes pas, elles sont étanches. Allez viens mon grand, c'est bientôt l'heure du dodo, je vais te montrer comment brancher ta montre.
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Quand Platon sortit de sa caverne [ Wattys2021]
Science FictionAri est un jeune homme timide issu d'une grande famille de politiciens et dans son monde, plus personne ne réfléchi par lui même car faire des choix n'est cause que de tracas. Ici, les décisions sont donc prisent par des montres programmées pour ass...