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Après l'arrestation de Minerva, ils s'étaient tous réunis chez Ostrace, secoués par cet enchaînement d'événements. Puis Ari leur avait alors raconté son altercation avec Sophia, ce qui avait provoqué de vives réactions :

— On va la faire tomber, déclara Diane avec hargne. On va la détruire et elle chialera à nos pieds.

Depuis qu'il l'avait rencontré, Diane n'était que gentillesse et bonnes intentions, apportant la joie autour d'elle, mais l'expression qu'elle affichait alors, n'avait rien de la Diane qu'il connaissait.

— Je n'arrive pas à croire que la femme d'Ostrace était enceinte, reprit Ganymède. Je me sens encore plus coupable qu'avant.

— Tu ne pouvais pas savoir, le réconforta Hermaphrodite. Même Ostrace ne savait pas qu'il avait une fille.

— Et maintenant, qu'allons-nous faire ? Demanda Ari.

Il avait l'impression de ne jamais s'être senti aussi mal. Sa douleur était tant physique que mentale, il était épuisé, usé, dépassé, et pourtant incapable de fermer les yeux. Sa vie semblait s'effondrer devant lui, le contraignant à rester un simple spectateur. Mais il ne voulait pas être spectateur, il voulait agir, reprendre le contrôle !

Je ne suis pas un héros, pensait-il tristement. Je ne ferai pas bouger des montagnes, je ne deviendrai pas un révolutionnaire. Je suis simplement moi, Ari, juste Ari.

Autour de la table, les trois autres personnes partageaient les mêmes réflexions : ils n'étaient plus que quatre, que pourraient-ils faire ?

— Alors c'est tout ! On va juste abandonner ?! S'écria Diane en se relevant. Si nous ne faisons rien, alors Ostrace est mort pour rien ! Ta famille, Ari, est morte pour rien ! Les députés, empoisonnés sous ordre de Sophia, sont morts pour rien ! Vous voulez abandonner ? Restez là à regarder notre monde sombrer dans la tyrannie ? Très bien, mais ce sera sans moi. N'avez-vous donc rien retenu du dernier conseil d'Ostrace ?

« Ne faut-il que délibérer,
La cour en conseillers foisonne :
Est-il besoin d'exécuter,
L'on ne rencontre plus personne. »

- Restez assis sur votre canapé, si cela vous chante, blâmez-vous, morfondez-vous sur votre sort, mais ce n'est pas ainsi que la situation changera. Minerva est encore en vie, j'en suis persuadée, il est tant d'agir avant qu'il ne soit trop tard ! Alors sachez que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour la sortir de là, que vous vous joigniez à moi ou non.

Touché par ce discours, Ganymède se leva.

— Je suis avec toi.

Et Hermaphrodite suivit son mari, comme iel le faisait toujours.

Ari lui, ne savait que faire : une partie de lui voulait se lever à son tour, combattre l'injustice, changer le monde ! Mais les responsabilités qu'il avait vis-à-vis de son petit frère le bloquaient. Qu'adviendrait-il d'Elpis s'il venait à être arrêté ? D'un autre côté, quel futur aurait-il dans un monde de dictature ?

Finalement, Diane avait raison : ce n'était pas en restant assis sur le canapé à se morfondre qu'il allait offrir un futur à son petit frère.

— Je suis avec vous, dit-il en se levant.

C'est ainsi qu'ils passèrent une partie de la nuit à réfléchir sur une dizaine de plans pour arrêter Sophia avant de finir par tomber de fatigue, dans le canapé du salon de leur défunt ami.

Dans son sommeil, Ari revit le visage vide d'Ostrace, puis celui de sa petite sœur et de ses frères, et de nouveau celui Ostrace, puis ses parents, et encore Ostrace. . . Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, il constata qu'il était le dernier à s'être levé, pourtant la maison était bien silencieuse, encore endeuillée.

Quand Platon sortit de sa caverne [ Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant