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 — Ari, c'est nul ici, y a même pas de livre !

C'était elle, si petite et pourtant si grande, mais elle semblait lointaine, comme les derniers sons un écho. Il fut soulagé de voir qu'il n'avait pas encore oublié sa voix.

— Ariane ! Je suis désolé, tellement désolé, se lamenta Ari.

— C'est ta faute, si tu étais resté à table on aurait jamais été séparé !

Il voulu s'en rapprocher et la serrer dans ses bras, mais à chacun de ses pas, elle s'éloignait un peu plus.

— Je sais, je m'en veux tellement. Pardonne-moi je t'en pris !

Derrière elle, des formes apparurent, de plus en plus nettes : sa mère, son beau-père, Denis et Marcel.

Leurs regards étaient durs, emplis de reproches.

— Je suis tellement désolé, s'excusa encore Ari, les larmes aux yeux.

Mais déjà, leur formes s'effaçaient pour devenir aussi translucides que des fantômes, puis ils disparurent, et Ari eut l'impression de tomber dans un puis sans fond, comme aspiré par le vide.

Et il ouvrit les yeux.

Il était dans la chambre du fils d'Ostrace. Dans son petit lit. Et sa famille était morte.

Sa gorge se serra, tout comme son cœur. Il avait mal, si mal, pourtant il n'était blessé nul part, si ce n'était dans l'âme. Mais il souffrait tellement, chaque jour, chaque nuit, à chaque heure passée loin de son nid. Le plus difficile, c'était ce sentiment de culpabilité qui traînait constamment derrière lui.

Sa respiration était de plus en plus difficile, entrecoupée de sanglot. C'était comme si son corps gelait alors que son âme brûlait, seul, dans le noir. La tristesse, la douleur et la solitude étaient si fortes dans son cœur qu'il pensait étouffer. Il ne voulait pas être seul, plus jamais ! Alors instinctivement il se leva, frissonnant à cause de son pyjama trempé de transpiration et sans un bruit, il se dirigea vers la chambre d'Ostrace, comme il l'avait fait déjà plusieurs nuits.

— Ostrace, chuchota-t-il depuis la porte ouverte.

Celui-ci se retourna dans son lit, et alluma sa lampe de chevet.

— Ari, ça va ? Demanda-t-il d'un air soucieux.

Le jeune homme baissa la tête, n'osant pas avouer que ses cauchemars avaient encore eu raison de lui. Il était grand, merde, un adulte ! Enfin c'est ce qu'il était sensé être. . . Et pourtant, il était incapable de faire face à ses démons tout seul. Alors le plus âgé sortit de son lit et s'approcha de lui.

— Respire, dit Ostrace en posant sa main sur son épaule. Tu n'es pas seul, je suis là. Respire, voilà comme ça.

Au son de cette voix si rassurante, le jeune homme cessa de trembler et son cœur ralenti pour reprendre un rythme à peu près normal.

Ostrace l'entraîna en bas, dans le salon et lui fit un chocolat chaud.

— Encore le même cauchemar ?

Il hocha la tête, laissant la buée de la boisson réchauffer ses mains.

— Ce n'est pas ta faute Ari, je ne sais pas quoi dire pour t'en convaincre. Tu ne dois pas te sentir coupable, ce n'est pas toi qui avais empoisonné le repas.

— Mais...Si j'étais resté. Je l'aurais vu, j'aurais compris.

— Peut-être, ou peut-être pas, peut-être serais-tu mort aussi et alors Elpis aurait été seul.

Quand Platon sortit de sa caverne [ Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant