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Pour une fois, Ari utilisa le métro afin d'arriver plus rapidement sur son lieu de travail, où Pyrilampe l'attendait de pied ferme.

- Ce n'est pas parce que tu es mon beau-fils que tu peux te permettre de venir quand cela te chante.

- Désolé, ça n'arrivera plus.

- J'espère bien. Aujourd'hui tu as pas mal de paperasse d'ailleurs. Le gérant d'une petite ville a rédigé son rapport à la main et nous l'a fait apporter ici. A la main ! Certaines personnes sont vraiment arriérés. Bref tu vas tout retaper à l'ordi pour qu'on puisse ajouter le document sur la base de données.

Voilà comment Ari se retrouva face à une épaisse pile de papier sur l'économie d'une petite ville, et franchement, c'était beaucoup de pages pour pas grand chose. Il y passa une bonne partie de l'après-midi, sans prendre de pause pour manger, puis il dû transférer toutes ces nouvelles informations sur la base de données sécurisées du député chargé de l'économie générale du pays. A la fin de la journée, il avait mal aux yeux d'avoir passé la journée sur un ordinateur, et ne pensait plus qu'au livre d'Ostrace, qui l'attendait bien sagement dans sa chambre.

Néanmoins il dû le faire attendre encore un peu, car dès qu'ils rentrèrent à la maison, Hestia servit le repas. Contrairement à la veille, Ari resta silencieux, et puisque personne n'avait reparlé de son esclandre, il préféra ne pas en déclencher une autre. Ainsi les garçons racontèrent leur journée et leurs sorties entre amis, sa sœur parla de ses devoirs et tous rirent à la blague que fit Denis.

En observant sa famille converser joyeusement, le jeune homme se sentit quelque peu triste de les voir si ignorant, mais leur ignorance n'avait d'égal que leur joie de vivre, alors peut-être n'était-ce pas plus mal, du moins pour eux.

Ari finit le repas un peu morose, et aida ses parents à débarrasser la table avant de pouvoir enfin se rendre dans sa chambre. Une fois la porte fermée, il ne perdit pas une seconde et sauta sur son lit, le livre fermement maintenu dans ses mains.

La couverture était abîmée, témoin des années qu'il avait traversé. Combien d'autres personnes avant lui avaient tenu ce livre ? Combien de personne avaient lu cet ouvrage d'un autre temps, survivant d'une ancienne époque ? Le titre, un peu estompé, avait dû être doré à l'origine, mais quelqu'un l'avait repassé au stylo noir dans une tentative de rattraper le temps qui avait effacé son encre.

« Une saison en enfer »

Quel drôle de titre, pensa Ari, et le nom de l'auteur, écrit en bas, ne lui disait rien :

« Arthur Rimbaud »

Le jeune homme ouvrit la première de couverture, et commença la lecture de ce recueil de poèmes.
Les heures passèrent au fils des pages qui se tournaient, et la nuit tombait sans qu'Ari ne voit le temps s'envoler.

Elle est retrouvée !
Quoi ? L'éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil

Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.

Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans !
Tu voles selon...

Jamais l'espérance,
Pas d'orietur.
Science et patience,
le supplice est sûr.

Plus de lendemain,
Braises de satins,
Votre ardeur
Est le devoir.

Elle est retrouvée !
-Quoi?-l'Eternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.

Quand Platon sortit de sa caverne [ Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant