23

211 55 13
                                    

Les amies d'Ostrace sonnèrent à la porte une heure plus tard, et Ari fut soulagé de constater qu'elles n'étaient que deux.

— Je te présente Diane et Minerva Parthénos. Mes chers amies, voici Ari Logos.

— Ostrace nous a longuement parlé de toi, j'étais impatiente de te rencontrer, répondit la prénommée Diane.

Celle-ci était plus petite qu'Ari mais sa posture pleine d'assurance lui donnait des airs de grandeurs que son sourire apaisait, elle devait avoir la trentaine. La femme qui lui tenait la main, Minerva, semblait, elle, bien plus sérieuse et avait un petit quelque chose qui lui fit penser à Ostrace, sa tranquillité peut-être, son air sage.

— Bonsoir, dit-il un peu gêné. Excusez-moi mais votre nom de famille me dit quelque chose.

Parthénos. . . où avait-il déjà entendu ce nom ?

— Je suis professeur de collège, intervint Minerva. Je crois avoir ta petite sœur en cours, Ariane ? D'ailleurs elle n'est plus venue en cours depuis deux jours, est-elle malade ?

Le visage souriant de sa sœur lui revint à l'esprit, mais elle ne sourirait plus, plus maintenant. Cette constatation lui serra le cœur douloureusement.

— Je reviens, dit-il par politesse avant de leur tourner le dos pour cacher ses larmes.

Il monta dans sa chambre et s'assit sur son lit respirant de grandes goulées d'aires pour faire reculer les sanglots coincés dans sa gorge. Il avait si mal. . .

A quoi rimait tout ça, bien s'habiller, faire un grand repas, fêter quelque chose qui ne servait à rien ; lui n'avait rien à fêter. Il voulait simplement s'allonger sur le sol, et laisser ses tristes souvenirs l'envahir. Comment pouvait-on oublier ? Lui en était incapable. Oublier leur mort, oublier sa famille, oublier sa vie, oublier son passé, oublier le passé. Comment faisait-on ?!

Une dizaine de minutes plus tard, des pas se firent entendre dans le couloir, suivit de petits coups contre la porte.

— Je me doute que ce n'est pas la période rêvée pour faire la fête, c'est pourquoi sache que je ne te force à rien et je ne te demande pas non plus de faire des efforts. Si tu veux rester dans ta chambre, je t'apporterais quelque chose pour que tu manges un peu. Faits comme tu veux Ari, tu es ici chez toi tant que tu le voudras.

Ari tourna son visage, d'où les larmes perlaient encore, dans sa direction et hocha la tête.

— N'hésites pas à me parler, quand tu le veux, à n'importe quelle heure de la nuit s'il le faut, ajouta Ostrace.

D'un geste tendre, celui-ci effaça les quelques larmes qui coulaient des joues du jeune homme, le faisant sourire.

— C'est juste que...C'est trop dur, d'oublier. Je ne peux pas.

— Personne ne te demande de les oublier, Ari. Et je comprends ta tristesse, elle est légitime : ils étaient ta famille. Il te faudra seulement du temps, pour arriver à penser à eux sans tristesse. Un jour, je t'assure que tu te souviendras d'eux en souriant avec nostalgie, tu te rappelleras du bon vieux temps, de combien tu les aimais. Mais surtout, ne les oublie pas parce que tu penses que ce sera moins douloureux. C'est le jour où tu ne sauras plus te souvenir - du sourire de ta sœur, des bêtises de tes frères, des petites manies de chacun - , qui sera triste. . . Ma famille est partie, et ils me manquent à chaque instant, j'ai également beaucoup de regrets, et c'est douloureux, mais le plus douloureux, c'est d'avoir oublié le son de leurs voix, alors parfois, je me mets à imaginer la vie que j'aurais eu s'ils avaient été là.

— Pourquoi continuez-vous à faire cette fête ? Ça ne rime à rien.

— Pour moi si, ça rime avec mes souvenirs. Et puis, je pensais que tu avais saisi l'importance de la transmission du savoir. Il en est de même pour les traditions : il faut les perpétuer pour ne pas les oublier. Cela peut sembler futile, mais regarde tout ce que nous avons déjà perdu, peut-on se permettre d'effacer un peu plus le passé ?

Quand Platon sortit de sa caverne [ Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant