Chapitre 12 : Réflexions

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6ème jour de Yavië (8 septembre), de l'an 1936

Helwa tourna la page de son livre pour entamer le poème suivant. La jeune femme savourait tranquillement le plaisir de la poésie elfique en ce début de journée de tout début d'automne. Assise sur son petit pont, ses pieds touchant désormais l'eau, elle dévorait littéralement le Lai de Leithian, relatant l'histoire de Beren et Lúthien.

Ce magnifique endroit, découvert cinq ans plus tôt, lors de son premier dîner avec la famille royale, était resté l'un de ses préférés qu'elle partageait parfois de bonne grâce avec Elrohir. Cependant depuis quelques semaines, Helwa ne venait qu'aux moments où elle était sûre de ne croiser personne. Elle avait besoin de réfléchir, de se détendre, de prendre une bouffée de solitude. Le mois de Yavië était l'un de ses favoris. Helwa savait être née à la fin de l'été (Lairë) sans connaître la date exacte. Elle avait donc décidé de fêter sa venue au monde le premier jour de Yavië juste après l'été. La jeune femme venait donc de fêter ses vingt-deux ans quelques jours auparavant, en toute intimité bien entendu. L'extravagance n'était toujours pas un de ses traits de caractère. Bien heureusement ce n'était pas celui des Elfes non plus.

La vie à Fondcombe n'était pas désagréable, loin de là, mais ses journées étaient bien occupées désormais et Helwa savourait chaque instant où elle pouvait se retrouver seule, sa solitude habituelle ayant drastiquement diminué durant ces cinq dernières années.

Comme l'avait annoncé Elladan quelques années plus tôt, rester à Fondcombe avait été un nouveau départ, une renaissance pour Helwa. La meilleure décision de toute sa courte vie. Tout n'était pas rose bien entendu mais elle se sentait bien plus épanouie qu'auparavant. Elle se sentait grandi et plus apaisée. Elle avait appris tant de choses qu'elle n'aurait jamais pensé pouvoir simplement toucher du doigt en toute une vie de paysanne, mariée et mère au foyer.

Helwa parlait désormais couramment sindarin. Dès le premier mois Maître Ardamir avait interdit à tous de lui parler en langue commune et leur avait intimé de ne lui parler qu'en sindarin. L'effet avait été foudroyant. Helwa était restée presque muette pendant quelques jours, effrayée de massacrer une aussi belle langue et de ne pas pouvoir se faire comprendre, puis le déclic s'était fait et l'apprentissage avait été rapide car constant. Elle avait parlé et entendu cette langue tous les jours. Elle était totalement immergée dedans. Le quenya, commencé il y a presque deux ans maintenant, était plus difficile car elle ne pouvait l'apprendre que dans les livres ou avec Maître Ardamir pendant l'après-midi. Cependant elle se débrouillait bien, vive d'esprit et motivée, sa progression était tout de même rapide.

La jeune femme aurait élevé un autel à ses deux précepteurs tant ils avaient fait pour elle. Ils investissaient tant de temps pour elle et lui avaient appris tant de choses ! Helwa voyait le monde d'un œil nouveau depuis cinq ans et c'était grâce à eux.

Maître Ardamir, comme promis, lui avait enseignée l'Histoire de la Terre du Milieu depuis le début des temps. Helwa s'était longuement emmêlée les pinceaux entre les lignées, les guerres, les batailles mais depuis quelques mois tout était enfin parfaitement clair. L'Histoire allant forcément de pair avec la Géographie, Helwa savait absolument tout de son monde et de l'ancien, de la plus haute montagne à la plus petite rivière. L'Astronomie l'avait passionnée et elle s'était délectée de l'air de profonde stupéfaction peint sur le visage de son précepteur lorsqu'elle lui avait nommé certaines constellations et étoiles lors de leur première leçon. Encore aujourd'hui, Helwa souriait en y repensant.

Pour la poésie, la jeune femme s'était tournée seule vers elle. Elle n'avait pas tardé à dévaliser la bibliothèque de tous les livres à sa portée pour les lire à chaque instant de temps libre. Helwa aimait profondément la lecture et elle rattrapait toutes ses années de famine intellectuelle insoupçonnée, ici, à Fondcombe. Son vocabulaire s'était élargi et elle parlait désormais bien mieux qu'auparavant. Elle était devenue une érudite et en était très fière.

Helwa Isil, lune bleue - [Terre du Milieu] - TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant