Chapitre 19 : Gueule de bois

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18ème jour de Yavië (20 septembre), de l'an 1936

Quand Helwa se réveilla le lendemain, elle porta automatiquement la main à sa tête. En effet la jeune femme avait l'impression que sa tête était compressée dans un étau. Elle avait un sérieux mal de tête. Helwa avait également froid et se sentait humide.

Quand elle tenta d'ouvrir les yeux, la lumière du jour lui brûla les yeux. Helwa grogna d'inconfort et referma tout de suite ses paupières. Elle se sentait enveloppée dans un brouillard épais. Tout était confus, flou... et douloureux. Helwa ne savait même pas où elle était, ni pourquoi. Se croyant seule, étant désorientée, elle commença à parler en langue commune :

— Valar ! grimaça-t-elle allongée, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Quand Helwa se croyait seule, elle retrouvait ses anciennes habitudes de langage paysan et pouvait devenir vulgaire :

— Une surdose d'alcool peut-être, fit une voix amusée au-dessus d'elle.

La jeune femme ouvrit difficilement les yeux et découvrit le visage d'Elrohir penché au-dessus d'elle. Il lui sourit :

— Ravie de vous revoir parmi les vivants Helwa, lui lança-t-il soulagé.

— Pourquoi ? Que s'est-il passé ? demanda la jeune femme en se relevant pour s'asseoir, J'ai l'impression que tout est flou dans ma tête.

— Disons que vous avez un peu abusé de l'alcool et qu'ensuite vous avez dormi une bonne quinzaine d'heures.

— Quinze heures ! s'exclama Helwa, Mais quelle heure est-il ?

— Dans les environs de midi.

Helwa ne dormait jamais autant. C'était vraiment exceptionnel, tout comme cette histoire d'alcool. Elle s'était jurée de ne plus en boire après le banquet du Seigneur Thranduil :

— Mais je ne bois jamais d'alcool d'habitude... Pourquoi en aurais-je...

Helwa se stoppa net, les pièces du puzzle des événements de la veille commençant à se remettre en ordre. La mort de son grand-père se rappela à elle comme un coup de marteau dans le crâne qui la mit K.O puis la lecture de la lettre dans le bar :

— Tout va bien Helwa ? S'inquiéta Elrohir en la voyant muette, le regard dans le vide.

— Je... mais qu'est-ce qui s'est passé cette nuit ? souffla-t-elle.

— Ah ça, je n'en sais rien, fit-il mi-amusé, mi-contrarié, Quand Elladan et vous êtes rentrés au campement, vous vous êtes écroulée par terre pour vous endormir dans la minute et mon frère n'a rien voulu me dire de ce que vous vous étiez dit ou... aviez fait ensemble. Mais il avait vraiment l'air frustré. Je ne l'avais jamais vu comme cela auparavant, continua-t-il babillant sur tout et rien, l'air détendu.

Encore sonnée par la redécouverte de la mort de son grand-père et des mots de la lettre qui résonnaient dans sa tête, Helwa ne traita pas tout de suite la réponse d'Elrohir mais quand celle-ci arriva à son cerveau, elle paniqua et bondit sur ses pieds.

Qu'avait-elle fait avec Elladan ? Que s'étaient-ils dit ? Avait-il... ou plutôt avait-elle dit quelque chose de compromettant sous l'effet de l'alcool ? Valar ! Sous la panique Helwa n'arrivait pas à se souvenir.

Mais la jeune femme n'eut pas le temps de faire surchauffer plus son cerveau car à peine fut elle sur ses pieds qu'elle fut prise de nausée et dut s'éloigner d'Elrohir pour vomir sur le côté :

— Les désagréments de notre ami l'alcool, plaisanta Elrohir.

Sa nausée passée, Helwa se retourna vers l'Elfe. Elle savait que son ami faisait souvent de l'esprit dans les situations tendues mais là, elle ne le supportait pas :

— Pourriez-vous arrêter de plaisanter sur mon état, je vous prie ? Ce qui s'est passé hier m'a fait très mal et ce n'est pas sujet à rire !

Elrohir leva ses deux mains en l'air en signe de paix et de reddition au ton irrité de la jeune femme. Il comprenait qu'elle ne soit pas de très bonne humeur et il savait qu'une Helwa levée du mauvais pied pouvait être très dangereuse :

— Si votre frère ne vous a rien dit, comment avez-vous su que j'ai abusé de l'alcool ? Demanda Helwa sur la défensive.

— Vous n'êtes pas la seule à savoir apprécier les bienfaits de l'alcool. Elladan et moi avons déjà passé plusieurs soirées dans les caves de Fondcombe. Je connais les signes et les conséquences. Même s'il en faut beaucoup pour rendre un Elfe ivre.

— D'accord... Je vois...

Helwa se massa le crâne doucement pour essayer d'atténuer sa forte migraine :

— Où est Elladan ?

— Parti se laver dans un cours d'eau à deux pas. Vous étiez tous les deux trempés hier soir. Ne voulez-vous pas vous laver vous-aussi ?

— Non. Je suis sèche, répondit Helwa en rangeant ses affaires, Nous devrions partir au plus vite. Je ne veux pas m'attarder ici plus longtemps.

Elrohir acquiesça sans faire de commentaires. Il s'éloigna en ajoutant :

— Très bien, je vais le prévenir que nous partons dans peu de temps.

Quand elle fut seule, Helwa s'allongea dans l'herbe. Ses vêtements avaient séché même si sa cape restait légèrement humide. Elle ferma les yeux. Sa forte migraine la fatiguait tout comme affronter la lumière du jour. Helwa se sentait seule. Elle se sentait perdue. Tout était si compliqué ! Elle soupira profondément comme pour évacuer toutes les choses négatives.

Helwa était triste et la colère la rongeait. Pour tenter d'apaiser son cœur, elle écouta la nature autour d'elle. Souvent cela vidait son esprit. La nature était toujours égale à elle-même contrairement à elle.

La nature était toujours calme et apaisante. Helwa pleurait, criait parfois, sautait de joie également. La nature fonctionnait dans une routine bien formatée. Helwa, elle, déraillait, perdait souvent son chemin puis le retrouvait. Son esprit s'agitait, elle était souvent anxieuse. C'était parce qu'elle était l'opposée de la nature qu'elle s'y réfugiait si souvent. La jeune femme priait tous les jours Yavanna, la Vala de la nature, de lui apporter la paix intérieure.

Cependant cette fois-ci, Helwa ne retrouva pas son calme, les souvenirs de sa conversation avec Elladan et son étreinte revenant par bribes dans son esprit. La mortification au souvenir de sa demande incongrue tourmentait son esprit et ne l'aidait pas à s'apaiser.

Les jumeaux revinrent bien trop vite à son goût et ils durent reprendre la route. Monter à cheval accentuait sa migraine et elle avait hâte qu'ils s'arrêtent pour la nuit.

Pendant les six jours que durèrent le voyage de retour, Helwa se mura dans le silence, galopant en retrait. Les jumeaux avaient décidé d'un commun accord de la laisser tranquille, associant ce silence à son deuil.

Même s'il était vrai qu'Helwa désespérait énormément du décès de son grand-père et de devoir faire le deuil d'une affection longtemps espérée mais jamais obtenue, cela lui était d'une aide salutaire pour éviter de parler à Elladan. C'était une sacrée bonne excuse pour qu'il la laisse tranquille. Peu à peu, les souvenirs de la soirée lui étaient complètement revenus et ce ne l'avait pas vraiment poussé à aller continuer la conversation qu'ils avaient eu tous les deux. Cependant elle connaissait Elladan et elle savait que ce dernier n'allait pas oublier tout ceci et qu'à un moment ou à un autre il reviendrait à la charge, et là Helwa n'aurait plus une goutte d'alcool dans le sang, ni pour lui déclarer sa flamme ni pour lui tenir tête effrontément.

Helwa Isil, lune bleue - [Terre du Milieu] - TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant