2. amy

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— Amy, pas de téléphone à table, me réprimande ma mère.

Je lève des yeux dédaigneux vers elle et finis de taper mon message.

De : moi
À : Liv

Je te laisse, je suis à table. N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin. xx

Olivia est ma meilleure amie depuis le collège. Elle est habituée à recevoir ce genre de message car elle sait à quel point mes parents sont stricts.

Je mets mon téléphone en veille et le pose à côté de mon assiette. Mes parents me regardent, dépités.

— Quoi ? dis-je sur un ton agressif.

Du coin de l'oeil, j'aperçois Eliot baisser la tête dans son assiette. Je sais que mon petit frère n'aime pas quand je me dispute avec mes parents et il est vrai qu'en ce moment, c'est notre passe-temps favori...

— Chérie, commence mon père en soupirant, on sait que ta rupture avec Lucas est pour toi une étape difficile à passer, mais...

— Pourquoi est-ce que tu ramènes toujours tout à lui, putain ? Lucas par-ci, Lucas par-là, j'ai le droit d'être juste fatiguée sans entendre parler encore une fois de mon ex ?

— Ce que veut dire ton père, c'est que tu semblais plus heureuse avec lui, poursuit ma mère.

— Ouais. Et ben toutes les bonnes choses ont une fin.

Je me lève en faisant crisser les pieds de ma chaise sur les carreaux noir et blanc de la salle à manger et je me dirige vers le grand escalier en bois.

Une fois arrivée dans ma chambre, je m'allonge sur mon lit en faisant l'étoile de mer. Ma rupture avec Lucas est surtout une étape difficile à passer pour mes parents. Il était le petit-ami parfait : riche, poli, gentleman et, on va pas se mentir, pas dégueulasse. Ils pensaient carrément qu'on allait se marier et fonder une famille. Et bah non, désolée d'avoir détruit vos espoirs, chers parents.

Parce que oui, c'est moi qui ai mis fin à notre histoire, contrairement à ce que j'ai laissé croire à toute ma famille.

Lucas et moi sommes restés ensemble huit mois, mais au bout d'un moment, j'en ai eu marre. Cette relation n'avait rien d'intéressant, tout était prévisible, c'était la routine. On avait dix-huit ans mais on vivait comme un couple qui en avait soixante ; sans action, sans originalité, sans surprises. Le pied, n'est-ce pas ?

Lucas n'a toujours pas compris pourquoi je l'ai quitté du jour au lendemain alors que tout allait pour le mieux entre nous. Mais il est d'autant plus compliqué pour moi de l'oublier car il me harcèle littéralement de messages jour et nuit.

Personne à part Olivia ne semble comprendre que j'ai besoin d'énergie, de découvertes, d'inattendu. J'ai besoin de vivre, putain. La stabilité, je la trouverai bien assez vite : j'ai déjà un avenir tout tracé.

À la fin de l'année, je passerai mon bac puis je deviendrai architecte comme mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père, parce que, comme Papa me l'a toujours répété : "C'est dans le sang de notre famille".

À chaque fois que je présente une nouvelle composition à mes parents, c'est à peine s'ils ont une réaction. Clairement, ils n'en ont rien à battre de la musique. Ils l'associent aux gens incapables de faire de longues études mais ne réalisent pas que ça peut être une réelle passion.

J'ai même dû acheter mon piano et ma guitare avec mon propre argent. Ce n'est pas qu'ils n'avaient pas les moyens, pensez-vous ; non, c'est juste par principe. Ils ne veulent pas dépenser un sou dans ce qu'ils qualifient de "loisir". Mais pour moi, c'est bien plus qu'un simple passe-temps, c'est quelque chose que j'ai dans le sang, et que je n'abandonnerais pour rien au monde, quitte à décevoir encore une fois mes parents.

𝐅𝐀𝐂𝐄 𝐓𝐎 𝐅𝐀𝐂𝐄 " 𝐫𝐮𝐞𝐥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant