𝐅𝐀𝐂𝐄 𝐓𝐎 𝐅𝐀𝐂𝐄 " 𝐫𝐮𝐞𝐥

4. amy

J'entends qu'on frappe à la porte de ma chambre. Je pose ma guitare sur mon lit en soupirant.

— Oui ?

Ma mère entre dans ma chambre, le sourire aux lèvres et un tablier noué autour de la taille.

— Je ne te dérange pas, j'espère ?

— Bah, c'est que j'étais en train de jouer ma ch...

— Ah, tant mieux !

Ça y est, je fulmine déjà.

— Alors, je voulais savoir : pour ce soir, tu préfères une tarte myrtilles-amandes ou citron-meringue ?

— Je m'en fiche, demande à Eliot.

Ma mère me regarde avec des yeux pleins de pitié. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose mais je la coupe, n'ayant pas envie d'avoir cette discussion qu'on a déjà eue un millier de fois.

— Bon, j'ai des devoirs à finir.

— Oh, oui bien sûr, dit-elle en se dirigeant vers la porte.

Ce genre de petit mensonge ne fait pas de mal et me permet d'éviter des sujets que je suis lasse d'aborder. Avant de repartir, ma mère se retourne subitement.

— Revois ton précédent chapitre de mathématiques, je te rappelle que tu n'as eu que quinze au dernier examen.

Je soupire et plonge dans mon cahier pour la faire taire. Quand j'entends la porte se refermer, je respire enfin.

Putain, j'en ai marre de cette famille. Ils ne souhaitent pas mon bonheur, seulement que j'aie un métier stable et qui rapporte. C'est pourquoi ils m'ont fortement conseillée, pour ne pas dire obligée, de faire un bac scientifique. Bien sûr, je me débrouille, mais je déteste ça. Je ne sais pas ce que je donnerais pour pouvoir aller dans une école de musique.

L'ambiance au dîner n'est pas franchement agréable. Seul Eliot semble apprécier le repas : il dévore sa tarte aux myrtilles. Il n'a que neuf ans, il ne se rend pas compte que la relation que j'entretiens avec mes parents est extrêmement tendue. Bien sûr, il réalise quand on se dispute, mais il croit que tout redevient à la normale ensuite. En soi, il n'a pas tort si se lancer des regards noirs et s'ignorer et ce qu'on appelle "la normale".

Je me rends dans la cuisine pour aller chercher quelques myrtilles et me préparer une boisson fraîche tandis que mes parents débarrassent la table. Comme ça fait longtemps que je n'ai pas posté sur Instagram, je décide d'en faire mon post du jour.

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Aimé par olivia_watson et 3 063 autres personnes

therealamy follow your dreams, no matter what they say

La photo est un peu floue mais fera l'affaire. Il faut que je poste régulièrement, surtout que mon nombre d'abonnés augmente de jour en jour. Je ne suis encore qu'au lycée, mais grâce à mes chansons et mes covers que je poste sur YouTube et Instagram, j'ai beaucoup de succès. Je partage aussi mes outfits et mon quotidien, ce qui attire beaucoup de monde.

Je m'installe sur le canapé en cuir du salon pour siroter tranquillement ma boisson quand j'entends le téléphone de mon père sonner. Une fois. J'avale une gorgée de mon cocktail. Deux fois. J'attrape une myrtille et la fourre dans ma bouche. Trois f...

— Putain, mais on peut pas boire tranquille dans cette baraque, marmonné-je en me levant du canapé pour aller chercher son portable posé sur le bar.

3 appels manqués de Daniel

C'est qui lui ? Ce nom me dit quelque chose... Ah mais oui ! C'est son associé. Il n'appelle jamais aussi tard, qu'est-ce qu'il peut bien lui vouloir ? Je décide de jouer la carte de la petite fille innocente.

— Papa ! crié-je en me rasseyant sur le canapé.

Mon père déboule dans le salon. Il n'est pas habitué à ce que je lui adresse la parole de mon plein gré, encore moins en criant.

— Ton téléphone n'arrête pas de sonner.

— Oh, dit-il en fronçant les sourcils, signe d'inquiétude chez lui. Hum, merci.

Je ne comprends pas pourquoi mon père a l'air si gêné mais je ne fais pas de commentaire.

— Je devrais le rappeler, me dit-il en faisant coulisser la baie vitrée pour se rendre sur la terrasse.

Comprenant qu'il attend que je m'en aille, je me dirige vers les escaliers. Alors que je m'éloigne, je vois mon père se retourner pour s'accouder à la balustrade et porter son téléphone à son oreille.

Curieuse, je m'approche sur la pointe des pieds. Je plaque mon dos contre le mur en tendant l'oreille.

— Ah, ça y est, il est arrivé ? Super. Comment va-t-il ? [...] Oh, et bien, c'est un peu compliqué, elle est encore sous le choc. [...] Oui, bien sûr.

Attends, il parle de qui comme ça ? Je ne savais pas que ces deux-là étaient si proches...

— Quand tu veux Daniel. Le plus vite sera le mieux. [...] Oui, tout à fait, je pense aussi. [...] Super, on se dit samedi alors. Parfait. [...] Je suis sûr qu'ils s'entendront à merveille !

Subitement, mon père éclate de rire.

— Et plus si affinités ! Hahaha ! Allez, à samedi Dany !

Alors qu'il raccroche, je me rends compte que je ne suis pas censée être ici. Je pose mon verre que je tenais toujours dans les mains et saute par-dessus le dossier du canapé pour me cacher derrière.

J'entends mon père s'éloigner dans le couloir. Ouf, il ne m'a pas vue. C'est alors que je me remémore ses paroles : "Et plus si affinités..." Non mais sérieux, qu'est-ce qu'ils croient ? Je ne sais pas quel est leur plan mais si leur but est de me présenter au fils du collègue de mon père, encore un gosse de riche ennuyeux et inintéressant, non merci.