𝐅𝐀𝐂𝐄 𝐓𝐎 𝐅𝐀𝐂𝐄 " 𝐫𝐮𝐞𝐥

5. ruel

J'entends qu'on frappe à la porte de ma chambre.

— Une minute ! je dis en fouillant dans ma valise pour trouver un t-shirt à me mettre.

— Ruel, t'es là ? insiste mon ami.

— Oui oui, je...

Soudain, la porte s'ouvre.

— Damn... Ces pecs.

— Putain, Josh ! Une minute c'est trop long pour toi ? Bah je plains Lisa, mec...

— Ah-ah, très drôle. T'en as pas marre de me tacler sur ma relation avec ta cousine ?

— Je trouve ça plutôt drôle, le nargué-je avec un sourire en coin.

— Je vois. T'es jaloux parce que t'es seul depuis la nuit des temps.

— Primo, je suis pas jaloux. Deuxio, si pour toi, trois ans signifient la nuit des temps alors oui, effectivement. Et tercio, bah... va bien te faire foutre, je conclus en enfilant un t-shirt rouge.

— Oh, je l'ai vexé, ricane Josh avec un sourire mesquin.

— Ta gueule, dis-je en lui balançant une basket dans la tête.

— Mais sérieusement, mec. Tu penses pas qu'il serait temps qu'on te trouve une meuf ?

— Tout vient à point à qui sait attendre.

Même moi je me faisais pitié à ressortir des vieux proverbes de grand-mère.

— Pas à moi. J'en ai ma claque que tu sortes des proverbes à tout bout de champ pour esquiver les sujets sérieux.

— Parce que t'appelles ça un sujet sérieux ? Mais qu'est-ce que ça peut te foutre à la fin, que je trouve l'âme sœur ? dis-je sur un ton sarcastique.

— T'étais plus heureux avant, répond-il simplement en haussant les épaules.

Je me passe une main dans les cheveux, ne sachant pas quoi répondre et réalisant surtout qu'il avait très certainement raison. Josh semble ressentir ce malaise et la tension palpable dans l'air puisqu'il me lance avant de quitter la pièce :

— Au fait, le repas est prêt.

Quelques minutes plus tard, je descends l'escalier en verre, les cheveux encore mouillés, et me rends dans la cuisine où tout le monde m'attendait.

— La star se fait attendre ! s'exclame mon oncle.

Je souris timidement en m'asseyant en face de lui. Josh semblait stressé à côté de moi. Pendant tout le repas, lui et Oncle Daniel n'ont cessé de s'échanger des regards insistants. Au moment du dessert, mon oncle toussote en posant sa serviette sur la table. Ce geste ne présage rien de bon. En effet, il prend la parole, malgré les regards noirs que lui lance Josh et les yeux inquiets que Lisa pose sur lui. Il n'y a donc que moi qui ne sais pas ce qui se trame dans cette maison ?

— Hum, Ruel... commence-t-il. J'aimerais te parler de quelque chose...

— Daniel, c'est peut-être pas le meilleur moment, le coupe Josh.

— J'aurais un service a te demander, poursuit celui-ci en ignorant la remarque de mon ami.

Je fronce les sourcils, inquiet mais ne réponds rien.

— Il se trouve que la fille de mon associé vit une passe difficile en ce moment. Son copain vient de la quitter et elle lutte pour remonter la pente. J'ai donc pensé que vous pourriez vous rencontrer et...

— Attends, c'est pour ça que t'as tant insisté pour que je vienne habiter chez toi ?

— Mais non ! Pas du tout. Je pensais simplement que l'air parisien te changerait les idées et t'inspirerait pour écrire ton nouvel album...

Je serre les dents de toutes mes forces ainsi que mes poings sous la table. Je n'en reviens pas.

— C'est quoi votre but exactement ?! m'emporté-je.

— Je veux juste que vous vous rencontriez et passiez un bon moment ensemble, rien de plus, dit mon oncle sur un ton grave. Et puis, poursuit-il d'une voix plus faible, je pense que ça pourrait être une bonne occasion pour que toi aussi, tu puisses trouver quelqu'un qui pourrait...

— Stop ! Ferme-la, éructé-je. J'en ai marre qu'on me dicte quoi faire dans cette maison. Vous pouvez pas comprendre que je suis bien tout seul ?! Je rencontrerai pas cette putain de fille que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Maintenant, foutez-moi la paix, je conclus en me levant bruyamment de ma chaise avant de quitter la salle à manger pour monter dans ma chambre.

Quelques minutes plus tard, alors que je travaillais à mon bureau sur l'écriture d'une chanson, j'entends trois légers coups frappés à la porte. Je sais déjà que ce n'est pas Josh, alors j'autorise la personne à entrer.

— Salut, dit Lisa en passant la tête dans l'entrebâillement de la porte.

Elle semble hésitante, j'ai l'impression qu'elle ne sait pas comment s'y prendre pour s'adresser à moi.

— Tu sais... On te croit. Si tu dis que tu n'as besoin de personne, on te croit, dit-elle en s'asseyant sur mon lit.

Je pose le crayon que je tenais dans ma main.

— Seulement, Papa a l'air de beaucoup y tenir. Peut-être que cette fille est vraiment anéantie et, s'il faut, le simple fait qu'elle te voie la rendra plus heureuse. Enfin, je ne sais pas...

— Écoute, Lisa, j'ai réfléchi. Je vais rencontrer cette fille parce que je suis un gars bien, et si ça peut lui faire plaisir de baver sur moi le temps d'une soirée, alors super. Mais je ferai ça seulement pour elle, moi je vais parfaitement bien. D'accord ?

Elle hoche la tête en souriant et me prend dans ses bras.

— C'est vrai.

— De quoi ?

— Que t'es un gars bien, souffle-t-elle.