9. ruel

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— Alors, quel âge as-tu ? dis-je pour faire durer la conversation.

— Dix-huit ans. Et toi ? me demande-t-elle en plantant ses yeux dans les miens.

— J'aurai dix-huit ans cette année.

— Oh, alors tu es encore un enfant ! s'exclame-t-elle en éclatant de rire.

— Je ne te permets pas. Je te signale que tu n'as que quelques mois de plus que moi, dis-je en croisant les bras ce qui la fait sourire.

— N'empêche que moi, je suis majeure.

Je me renfrogne et baisse la tête, ne sachant pas quoi dire.

— Alors comme ça t'es un chanteur ? me demande-t-elle sur un ton moqueur.

Je fronce les sourcils. Le fait qu'elle ne me connaissais pas il y a quelques minutes et qu'elle ne m'ait pas demandé une photo dès qu'elle m'a vu me perturbe un peu. En général, mes fans deviennent totalement ingérables en me voyant, ce que je trouve en réalité très mignon. Le fait qu'elle agisse comme si j'étais un simple camarade de lycée me plaît. Elle ne me met pas dans la case "chanteur connu", elle me considère comme quelqu'un de normal et j'adore ça.

— Oui, je finis par répondre. J'ai sorti mon premier EP il y a deux ans.

Elle pince les lèvres en hochant la tête, les yeux rivés au sol. On dirait qu'elle hésite à me dire quelque chose.

— Et toi ? je dis sur un ton mal assuré. Qu'est-ce que t'aimes faire ?

Elle remet une mèche de ses cheveux en place et relève la tête pour me regarder, encore une fois, avec ces yeux perçants.

— Je chante aussi.

Je hausse les sourcils de surprise.

— Vraiment ?

Elle hoche la tête.

— Je poste mes covers sur YouTube et Instagram, mais aussi mes propres compositions même si je ne suis jamais très à l'aise quand il s'agit de... de déballer mes sentiments, quoi.

J'en reste bouche-bée. Je n'ai pas remarqué ses vidéos quand je suis allé voir son compte Instagram.

— Chante-moi quelque chose, je souffle.

— Pardon ?

— Chante-moi quelque chose, ce que tu veux.

Elle entremêle ses doigts et les tortille dans tous les sens.

— Je sais pas, je...

— Eh, je vais pas te juger. On est entre nous, ne stresse pas. Je veux juste entendre ta voix.

— Je... Mais tu l'as entendue, là, tente-t-elle avec un petit sourire.

— Amy, s'il te plaît.

Elle saute du muret et atterrit sur ses hauts talons en chancelant. Elle lisse sa robe et remet sa coiffure en place. Je crois que je n'ai jamais été aussi attentif. Le calme de la nuit nous enveloppe et l'atmosphère se charge d'électricité. Le regard que je lui jette l'encourage, elle ferme les yeux et se lance.

Well I've heard there was a secret chord,
That David played and it pleased the Lord,
But you don't really care for music, do you?

Mon corps est parcouru de frissons, et ce n'est pas seulement à cause du froid.

Well it goes like this: the fourth, the fifth,
The minor fall and the major lift,
The baffled king composing Hallelujah.

Oh. My. God. Sa voix, quand elle monte dans les aigus, est juste sublime. Je n'ose pas dire un mot. De toute façon, je ne pourrais pas puisque je suis littéralement scotché devant sa prestation.

Hallelujah, Hallelujah, Hallelujah, Hallelu...u...jah.

Elle rouvre les yeux. Je ne sais pas quoi dire. Elle est vraiment magnifique sous la faible lumière du réverbère. Son sourire gêné me ramène à la réalité.

— Je... C'était magnifique, Amy.

Elle baisse la tête et tapote le sol avec son talon.

— Tu as beaucoup de talent, je poursuis. Tu envisages d'aller dans une école de chant, j'espère ?

— Malheureusement non. Mes parents veulent que je fasse des études scientifiques. Pour avoir un métier... plus stable, tu sais, conclut-elle en haussant les épaules.

— Putain, mais c'est du gâchis, je m'indigne.

— C'est gentil.

— Non, il faut leur faire changer d'avis. Il faut qu'ils comprennent que c'est ce que tu veux faire de ta vie. Tu as ça dans la peau, Amy. Et je ne laisserai pas tes parents décider pour toi.

Ses yeux brillent, elle semble émue.

— Mais, tu... On se connaît à peine, parvient-elle à articuler.

— Et alors ? Qui a dit qu'on n'allait pas apprendre à se connaître davantage ? je réponds en plantant mes prunelles dans les siennes.

Son visage s'illumine. Je descends du mur et la prends dans mes bras, un grand sourire aux lèvres. Même avec des talons, elle reste bien plus petite que moi et ça me convient très bien. J'ai envie de me mettre une baffe pour penser à ce genre de choses alors que je l'ai rencontrée le soir-même.

— On devrait rentrer, dis-je en me séparant d'elle à contrecœur.

Elle hoche la tête, un peu troublée.

— Je m'en voudrais si tu venais à attraper froid, expliqué-je.

Je lui ouvre la porte du restaurant et la laisse passer devant moi.

𝐅𝐀𝐂𝐄 𝐓𝐎 𝐅𝐀𝐂𝐄 " 𝐫𝐮𝐞𝐥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant