1.4 : Embuscade

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Les hommes s'engagèrent dans la forêt avec une prudence redoublée. Malgré l'été qui arrivait dans quelques jours, et les températures douces, ils frissonnèrent dès qu'ils posèrent le pied sous les frondaisons. 

Tout était silencieux. À croire que les insectes eux-mêmes sentaient que quelque chose n'allait pas.

Brogan avait rattrapé Niall qui lui avait jeté un coup d'œil torve. Mais il avait ignoré son regard hostile et s'était positionné juste en avant de son cheval.
Ils avancèrent pendant une heure, silencieux et inquiets. Les soldats n'arrêtaient pas de jeter des coups d'œil craintifs autour d'eux. Contrairement à la garde, ils n'avaient pas l'entraînement nécessaire pour surmonter ce genre de tension.

Brogan et Daron restaient stoïques, l'oreille à l'affût du moindre bruit suspect. Niall, quant à lui, et malgré son inquiétude, était loin d'être paniqué. Il avait confiance en son épée, et en sa garde, même si elle ne se composait plus que de deux hommes.

Odhrán, par contre, ne semblait pas mesurer le danger qu'il courait. Ses seules forces étaient tournées vers le maintien de son corps sur la selle.

Niall ne sut jamais ce qui l'avait alerté, mais une seconde auparavant, il avançait lentement, celle d'après, il pointait son épée et chargeait.
Ils étaient cinq et devaient faire face à plus d'une vingtaine d'hommes. De vrais guerriers, cette fois-ci.

Brogan en élimina cinq d'un seul coup d'épée, qu'il fit tournoyer autour de lui d'un puissant mouvement de bras. Le dernier homme fut transpercé par sa lame alors que Brogan posait un genou à terre et repoussait son épée derrière lui.

L'homme baissa les yeux sur son ventre, surpris que son adversaire ne l'ait même pas regardé pour le tuer, puis il tomba dans la terre.
Daron poussa un cri de guerre à donner froid dans le dos. Même Niall se retourna, les yeux écarquillés, persuadé que sa dernière heure était arrivée.

Quand il constata que sa garde prenait le dessus, il tira les rênes de son cheval pour rejoindre son frère.
Il se fraya un passage à coup d'épée jusqu'à lui pour le trouver affalé sur sa selle. La peur s'empara de lui.

— Odhrán !

Son cri le réveilla et il se redressa.

— Niall..., je suis désolée...

Il n'avait pas d'arme, mais même s'il avait eu une épée, il aurait été incapable de la soulever.
Niall se tourna vers les deux soldats.

— Partez devant, je vous couvre. Mettez-le à l'abri !

Les trois hommes traversèrent la ligne de soldats ennemis avec l'aide de Niall qui joua de l'épée aussi violemment que Brogan.
Chacun évita de penser au massacre qu'ils étaient en train de perpétrer. C'était les soldats, ou eux.

Brogan évita une épée qui manqua son flanc d'un cheveu. Il se retourna et balaya de la sienne l'homme qui tomba à la renverse, ensanglanté. Son cheval s'énerva. Les cris, l'odeur du sang, les gestes saccadés de son cavalier mettaient à mal son calme. Il piétina sur place, obligeant Brogan à se pencher pour éviter d'être embroché par un nouveau coup. Cependant, il essayait de garder les rênes en main pour ne pas que la bête parte en cavalcade.

Un nouveau coup d'épée lui fit donner un coup sec sur le mors. Le cheval se cabra, Brogan tenta de rester en selle, mais les secousses de l'animal qui n'arrêtait pas de lever ses antérieurs le déséquilibrèrent.

Il chuta lourdement au sol, roula sur lui-même et se redressa en un instant. Lorsque le cheval, enfin dégagé de son fardeau, s'enfuit, les soldats se ruèrent sur lui.

Il tailla tout ce qu'il put avant de recevoir ses premières blessures. L'entaille sur son biceps saignait abondamment. La douleur lui fit serrer les dents. Celle sur sa poitrine le brûlait, mais la plus dérangeante fût celle au-dessus de son arcade sourcilière. Du sang coulait sans cesse dans ses yeux et l'obligeait à s'essuyer régulièrement. Il perdait en champs de vision, et en vitesse.
Les deux hommes qui les accompagnaient et Odhrán passèrent en trombe devant lui. Certains soldats, surpris, se laissèrent piétiner par les chevaux, sans avoir eu le temps de bouger.

Brogan en profita pour attaquer sans relâche. Trois hommes tombèrent sous ses coups.
Du coin de l'œil, il vit le frère du roi s'échapper. C'était sans doute une bonne chose, cela éviterait à Niall de faire des bêtises, comme se jeter sur les soldats comme il le faisait en cet instant.

Il jura et se fraya un chemin jusqu'à lui.

De la vingtaine de soldats, il en restait encore une dizaine. Même blessés, ils se relevaient sans cesse pour contre-attaquer.

— Sire ! Il faut reculer !

Niall regarda devant lui, vers le chemin où son frère avait disparu avec ses gardes. Il avait encore espoir de les rattraper.
Brogan comprit son désir.

— On ne peut pas ! Ils sont trop nombreux.

C'était un fait. Les soldats faisaient mur devant eux et se battaient comme des lions. Odhrán avait eu de la chance de pouvoir passer, mais Brogan soupçonnait que ce n'était pas à lui que les soldats s'intéressaient.
L'éclair de frénésie qui habitait le regard de Niall l'inquiéta. Il posa une main sur sa jambe.

— Niall, fit-il d'une voix presque douce.

Le roi croisa son regard. Il lui fallut plusieurs secondes pour accepter sa défaite. Il hocha la tête et fit volter son cheval.

Brogan siffla la retraite. Daron s'apprêta à son tour à fuir lorsqu'un homme, plus zélé que les autres, perça sa défense et plongea sa lame dans son ventre.
Daron poussa un râle, se dégagea et donna un coup de pied dans la tête de l'homme avant de faire demi-tour.

Au passage, il tendit le bras à Brogan qui sauta en selle derrière lui. Ils rebroussèrent chemin et s'enfuirent par le chemin par lequel ils étaient venus.
Dans leur dos, des ordres retentirent. Les soldats couraient vers leurs chevaux pour les rattraper.

Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant