Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]

4.5 : Un pion sur l'échiquier

Niall sentit la fureur monter en lui. Il lui fallut plusieurs secondes pour se reprendre.

— Vous n'aurez pas le temps de proposer quoi que ce soit à Darguen qu'il vous aura déjà violée en enchaînée pour mettre la main sur vos terres, que vous m'offrez si généreusement.

Il se détourna avec un juron.
Son cousin n'était qu'un vil usurpateur assoiffé de pouvoir. Il n'était même pas de sa lignée directe. Un cousin éloigné, certainement un bâtard, dont il n'avait entendu parlé qu'une fois adulte.

Et il connaissait ses penchants dégoûtants. Son fils n'avait plus de mère parce qu'il l'avait battu à mort pendant l'un de ses jeux sexuels.
Rien que d'y penser, Niall avait envie de vomir.

Elle attendait toujours sa réponse, mais il n'était pas près à sacrifier sa vie. Pas de cette manière là en tout cas. Pour elle, il n'était qu'un pion sur un échiquier, quelque chose qu'elle pouvait manipuler à sa guise.

Ce qu'il ne comprenait pas, c'est ce qu'elle pouvait retirer d'une telle alliance. Quelque chose lui échappait.

Il n'avait plus rien. Plus de château, plus de couronne. Même son corps commençait à l'abandonner. Il se sentait vieux, avait mal partout — non que cela soit étonnant après les raclées qu'il avait reçu ces derniers jours —, et il en avait juste marre de fuir.

Mais sa proposition n'abondait pas en son sens. Que récolterait-il ?
Certes, il serait roi... ou presque, car il ne lui faisait pas confiance. Peut-être n'aurait-il même pas le droit à ce titre puisqu'il était un étranger. Et il aurait des terres.

Une île.

Mais ce n'était pas son royaume !
Ce n'était pas Kairn, ce n'était pas son château, sa capitale, ses terres.

Et surtout, il n'aurait pas lavé l'affront qu'il avait subi. Impossible de vivre avec cette honte jusqu'à la fin de ses jours.

— Vous n'avez pas misé sur la bonne personne, finit-il par dire. Cette alliance ne m'intéresse pas.

Elle le regarda avec une expression à mi-chemin entre l'incrédulité, et la colère.

— Vous préfèreriez être pendu plutôt que de m'épouser ? souffla-t-elle, interdite.

Il la fixa dans les yeux.

— Je préfère avoir la mainmise sur ma vie. Rien d'autre. Je ne serais pas un pion dont vous pourrez vous servir à votre guise.

Il crût voir passer un éclair de détresse dans ses yeux. Aussitôt remplacé par de l'irritation.

— Vous êtes fou...
— Non, je suis un Roi qui a déjà joué à ce genre de jeu alors que vous n'étiez sûrement même pas née.
— Ne soyez pas stupide ! siffla Brynhild, exaspérée. Vous n'êtes pas si vieux que ça ! Et j'ai vingt-huit ans, pour l'amour du ciel !
— Alors, j'ai douze ans d'avance sur ce jeu, trancha-t-il. Vous n'arriverez pas à me faire plier, je préfère être pendu !

La jeune-femme recula d'un pas, pétrifiée. Elle le fixa un long moment comme si elle s'était attendu à ce qu'il accepte, et qu'elle ne savait plus quel pion jouer.
Il avait gagné.
Échec à la reine.