— Maîtresse ? Comment vous sentez-vous ?Brynhild ouvrit les yeux difficilement.
Elle se sentait faible et encore nauséeuse, mais elle sentait que le plus dur était passé. Elle avait évacué une grande partie du poison maintenant.
Elle repoussa l'épaisse couverture et se redressa pour regarder la femme qui attendait à côté d'elle.Elle connaissait Freyja depuis qu'elle était gamine. C'était pour ainsi dire elle qui l'avait élevé.
— Ça va mieux, Freyja. Grâce à toi.
Elle sourit avec tendresse, et tendit la main vers sa mère de substitution pour serrer la sienne.
— Que ferais-je sans toi ? C'est la troisième fois que tu me sauves la vie grâce à tes potions.
Freyja secoua la tête.
— Ce ne sont pas les miennes, ma Dame. Oh non, non, non. Ce sont celles de cette vieille sorcière qui vit...
Elle baissa la voix.
— ... à la lisière de Forêt Sombre.
Brynhild sourit.
Le peuple de Tar était encore très impressionné par les superstitions. La Forêt Sombre était une forêt supposée être hantée. Mais Brynhild n'y croyait pas trop. Les gens étaient juste inquiets à la vue du feuillage presque noir des arbres, les seuls de cette couleur sur toute l'île.— Eh bien, tu diras à ta sorcière que ses remèdes ont eu l'effet escompté. Et fais-moi penser à la remercier en personne.
Freyja hocha la tête, puis marmonna dans sa barbe.
— Si seulement vous pouviez être mariée... tout ceci ne vous arriverait pas.
Brynhild soupira et frotta son visage pour se réveiller complètement. Après avoir vomi pendant plus d'une heure, les crampes d'estomac s'étaient atténuées. Elle avait alors plongé dans un sommeil réparateur.— Je sais, Freyja. Je sais... murmura-t-elle, préoccupée.
La femme de chambre se tourna vers elle.
— Vous savez bien que vous ne pouvez pas continuer comme cela ! s'exclama-t-elle d'un seul coup. Cela fait trois fois que l'on essaie de vous empoisonner ! La prochaine fois, peut-être...
Elle s'arrêta, les larmes aux yeux.
— La prochaine fois, je survivrai encore, Freyja.
Brynhild se leva pour l'attraper par les épaules.
— Je t'en fais la promesse !
Freyja renifla.
Elle aimait cette petite comme sa propre fille.— Ça n'arriverait pas si vous étiez mariée, et aviez des enfants. Comme toutes les jeunes femmes de votre âge ! gronda-t-elle avec gentillesse.
Elles avaient déjà eu ce genre de discussion.
Freyja avait raison, et Brynhild en avait bien conscience. Elle avait repoussé l'échéance trop longtemps.Elle était Reine, mais en se mariant, elle transférait son pouvoir à son mari. Il deviendrait Roi. De même qu'à ses enfants à sa mort.
Avec ce mariage, il se serait beaucoup plus difficile de se débarrasser d'elle. Pas impossible, bien sûr, mais bien plus délicat. Car alors, son mari prendrait sa place. Et il faudrait également se débarrasser de lui... ce qui engendrerait beaucoup trop de questions gênantes. Elle était persuadée que son oncle — à qui elle imputait toutes ces tentatives — arrêterait ses manigances.
Brynhild savait qu'elle ne pourrait pas retarder l'échéance plus longtemps.— Tu as raison, Freyja. Il est grand temps que je trouve un mari.
La petite femme de chambre sursauta, puis regarda sa maîtresse avec espoir. Cette dernière leva une main pour l'arrêter.
— Mais ne t'attends pas à ce que ce soit fait demain, tu m'entends ? Il va falloir que je réfléchisse sérieusement au prétendant...
Déjà, dans sa tête, plusieurs noms s'alignaient.
Freyja aussi les épaules.— Et pourquoi pas ce guerrier ? Il a un visage terrible ! Je suis sûre que votre oncle y regarderait à deux fois avant de s'en prendre à lui...
Balder...
Brynhild sourit à son évocation.
Ils n'auraient jamais dû se trouver dans la même pièce, encore moins dans le même lit. Mais quelques fois, le destin prenait des raccourcis tortueux.
Son sourire laissa place à un sentiment d'amertume.— Tu sais très bien qu'il ne peut pas devenir Roi. Sa caste...
— ... n'est pas assez élevée ! J'ai bien compris ! ronchonna Freyja, qui avait visiblement un faible pour le terrible guerrier.Elle aida sa maîtresse à changer d'habits pour le dîner, puis revint à la charge :
— Mais vous êtes l'Ayava. Vous pouvez faire ce que vous voulez !
Brynhild afficha un sourire triste.
Si seulement...Malheureusement, elle ne pouvait pas aller aussi loin. Elle devait déjà faire changer le pouvoir de main, et ce n'était pas une mince affaire. Elle ne pouvait pas, en plus, imposer un homme qui serait rejeté de tous à cause de son statut social.
Et puis, elle connaissait un peu Balder, elle était certaine qu'il ne voudrait jamais devenir Roi. Il était bien trop sauvage, bien trop... lui. Et rien en lui n'était royal, elle devait le reconnaître. Même si elle appréciait qu'il partageât sa couche.
Mais si elle devait être honnête, il y avait une autre raison : elle n'était pas attachée à lui. Elle ne ressentait rien pour lui, à part du désir quand il la caressait. Malgré son caractère ombrageux, il ne se mettait jamais en colère — en tout cas, pas avec elle — et ne prononçait jamais une parole plus haute que l'autre... quand il parlait.
Elle se servait de lui comme il se servait d'elle pour assouvir ce besoin primitif d'accouplement.
Elle voulait un Roi à aimer, quelqu'un qu'elle pourrait admirait, mais avec qui elle pourrait aussi se battre tout en sachant qu'elle ne risquait de perdre la vie. Elle voulait de la passion.Elle finit par secouer la tête.
Elle était Reine ! Elle ne se marierait pas par amour !
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Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]
Romance« Les huit guerriers ont fui. L'attaque des Kingars les a dispersés. Brogan, Niall et Daron se sont échappés vers le Nord-Est et ont délivré Odhrán, avant de fuir à nouveau pour échapper aux représailles des soldats de Darguen, décidés à les capture...