3.2 : L'Ayava & Balder

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— Qu'as-tu fait ?!

Brynhild se dirigeait à grands pas vers un Balder tout aussi stoïque qu'à son habitude.

Ayava, il est inadmissible qu...
— Dehors !

Le conseiller la regarda, ébahi.

— Mais, ma Reine, il...
— J'ai dit DEHORS !!

Interloqué de se voir mis à la porte comme un vulgaire moins que rien, le conseiller obéit néanmoins.

— Conseiller Hyvald, le retint Brynhild.

Ce dernier se retourna.

— Pas un mot de tout ceci, je vous prie. Si je surprends le moindre bruit de couloir, je vous ferais couper la langue.

L'homme ouvrit de grands yeux effarés, puis hocha sèchement la tête et sortit de la pièce.

— Ce n'est pas ainsi que vous allez gagner des faveurs, Ayava... fit remarquer Balder, son regard d'acier braqué sur elle.

Brynhild tiqua mais ne répondit rien.

— Qu'as-tu fait, Balder ? soupira-t-elle en fermant les yeux.

Aucun indice, dans son attitude, n'indiquait qu'il se sentait coupable. Balder était le plus énigmatique des hommes, et il avait toujours assumé ses actes.

— On a trouvé des hommes sur le rivage, ir iun sem sydän anwyl.

Brynhild tressaillit en l'entendant prononcer les derniers mots.
« Celle qui est chère à mon cœur... »
Elle secoua la tête.

— Sur quel rivage étaient-ils ?!

Le regard d'un bleu profond du guerrier ne cilla pas quand il la regarda.

— Sur les terres, annonça-t-il, imperturbable.

La colère embrasa Brynhild.

— Par tous les Dieux, que t'a-t-il pris d'aller là-bas ?!

Elle commença à faire les cent pas, puis s'arrêta brusquement devant lui et le fixa, furieuse.

— Tu sais ce que tu risques ?!

Balder acquiesça.
Il acceptait son sort avec un calme exaspérant.

— Qui était avec toi ?

Balder resta coi.
Brynhild reprit ses cent pas.

— Bien sûr, tu ne diras rien ! Mais laisse-moi deviner...

Elle s'immobilisa une nouvelle fois et le scruta avec intensité.

— Ton frère, Oden, n'est-ce pas ?

Un muscle joua sur la mâchoire du guerrier.

— Oh, et peut-être Orvar, Jarl et Gunnar ?

Les inséparables...
Comme il se taisait toujours, elle lui décocha un regard ironique.

— Tu pensais vraiment pouvoir les protéger ?!

Elle allait reprendre son va-et-vient lorsqu'il l'attrapa par le bras.

— Que se passe-t-il, Ayava ?

Il aurait pu froncer les sourcils ou afficher une moue inquiète pour appuyer son intérêt ; mais son visage ne montrait aucune trace de sentiment.
La colère de Brynhild s'adoucit.

— Tu aurais fait un bon Roi, murmura-t-elle.

Balder tressaillit à peine.

— Non, répondit-il, impassible. Ce n'est pas un rôle pour moi.

Brynhild le regarda fixement.

— J'aurais aimé que tu sois mon Roi...

Balder secoua la tête et lâcha son bras.

— Je ne suis pas cet homme.

Brynhild se détourna.
Elle aurait tellement souhaité que ce soit plus simple. Pendant un instant, elle envisagea de bouleverser l'ordre des choses et de faire de Balder le roi qu'il aurait dû être.

Mais elle savait qu'elle courrait à sa perte. Il finirait par la détester. Balder n'aurait pas supporté les contraintes liées à sa fonction. Toutes ces obligations, ces protocoles... il serait devenu fou.
Balder était un guerrier avant tout. Un stratège hors pair mais pas un homme de discours. Et c'était un homme libre. L'enchaîner à un trône reviendrait à le tuer à petit feu.

— Tu aurais pu l'être, soupira-t-elle.

Elle sentait le regard de Balder dans son dos.

— Si vous avez peur de perdre ma loyauté, lâcha-t-il, cela n'arrivera pas.

Brunhild se retourna et le défia du regard.

— Même quand il y aura un autre homme dans mon lit ?

Elle aurait aimé qu'il montre quelque chose. De la colère, de la jalousie, de la tristesse. N'importe quoi. Mais encore une fois, il demeura inébranlable.

— Vous vous méprenez sur mes sentiments, Ayava. Je ne suis pas amoureux de vous ; tout comme vous ne l'êtes pas de moi, non plus.

Brynhild soupira.
Il avait raison.

— L'homme que vous mettrez dans votre lit sera celui que vous aurez choisi, sem sydän.

« mon cœur... »

— Si tu n'as pas de sentiments pour moi, cesse de me donner des surnoms affectueux, jeta-t-elle avec agacement.

Balder inclina la tête après une seconde d'hésitation.

— Le moment est venu, n'est-ce pas ?

Brynhild dévisagea l'homme qui partageait sa vie et ses secrets depuis de nombreux mois. Personne n'aurait prédit leur rapprochement. Pas même elle. Pourtant, quelquefois, la vie prenait des chemins détournés.

Oui, c'était le moment pour chacun d'eux de reprendre leur route. Ils savaient qu'un jour, cela arriverait.

Elle acquiesça.

Le silence s'installa entre eux, lourd et pesant.
Brynhild finit par rompre ce fardeau.

— Parle-moi de ces hommes. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ?

Balder la fixa sans bouger.

— Vous ne me demandez pas pourquoi nous étions sur les terres ?

Un éclair d'irritation traversa le regard bleu de Brynhild.

— Ne me prends pas pour quelqu'un de stupide !

L'agacement laissa place à la tristesse, puis à l'inquiétude.

— Je sais pourquoi vous vous êtes rendus là-bas...

Balder s'abstint de commentaires.

— Ils sont trois. L'un d'eux est blessé, il ne survivra peut-être pas. Les deux autres...

Il hésita.

— Qu'ont-ils, les deux autres ?
— Je pense qu'ils sont importants, lâcha-t-il.
— Importants comment ?

Balder la scruta intensément.

— Il s'agit du Roi déchu et de son maître d'armes.

Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant