Le soleil était haut dans le ciel quand Brynhild décida d'asseoir sa décision.
Habillée, coiffée, les cheveux relevés en une tresse fixée à son crâne, elle attendit nerveusement la venue du prisonnier qu'elle avait fait demander. Cette fois-ci, elle avait de nouvelles cartes en mains.Grâce à Balder.
Ce dernier l'observa prendre une profonde inspiration, alors qu'ils patientaient dans l'anti chambre. Le temps qui s'étira en longueur mit à mal les nerfs de la jeune femme, autant que le silence pesant de la pièce et l'impassibilité de son guerrier. Quelques fois, elle avait envie de le secouer pour voir s'il était humain. Il faisait montre d'une telle froideur qu'elle avait du mal à reconnaître l'homme au regard brûlant qui s'était glissé dans son lit un soir d'hiver.
— Le chemin est long jusqu'à l'endroit où il détenu, sydän. Détendez-vous.
— ... dit l'homme qui propose de changer l'Histoire, ricana la jeune femme.Un semblant de sourire effleura les lèvres de Balder, tellement surprenant qu'elle le fixa, époustouflée.
— Vous êtes assez forte pour en supporter les conséquences, sydän.
Brynhild marmonna quelques imprécations avant de se taire.
Le silence reprit possession des lieux pendant de longues minutes, avant qu'un bruit de pas ne résonne dans le couloir.
L'Ayava se tendit, prête à la bataille.***
Lorsque la porte s'ouvrit, Niall se sentit piégé.
Il s'était laissé emmené une seconde fois, sous l'œil soucieux de Brogan qui, pour une fois, n'avait pas fait un geste. Peut-être commençait-il à comprendre que la force n'était pas l'option la plus adéquate dans cette situation.Il savait pourquoi il revenait.
Il l'avait su alors qu'il la quittait la première fois : elle n'en resterait pas à un « non ».
Quelque part, il admirait sa persévérance, et en d'autres circonstances, il aurait apprécié côtoyer une femme comme elle.Mais quand il la vit, fatiguée par sa nuit blanche et pourtant prête à le faire plier, son guerrier silencieux derrière son épaule, une alarme retentit dans son crâne, et son sentiment passa de l'admiration à la colère. Avec un infime soupçon d'appréhension.
Il se prépara à livrer bataille.Il se carra devant eux, et croisa les bras sur la poitrine.
Le silence tourbillonna quelques secondes avant que ses adversaires ne reprennent vie. Enfin, plutôt la fille, parce que le guerrier resta aussi immobile qu'une statue.— Avez-vous réfléchi ? demanda la reine dont le visage ne laissait apparaître ni crainte ni désarroi, malgré ses cernes.
— J'avais déjà réfléchi avant de quitter cette pièce la dernière fois, rétorqua Niall froidement.La femme échangea un regard avec le type derrière elle.
Quelque chose se tramait. Il sentit ses entrailles se contracter jusqu'à en devenir douloureux. Il se préparait au coup de grâce.
Il mourrait ce matin...— J'ai quelque chose à vous proposer.
... d'ici quelques minutes.
— Je vous ai déjà dit que votre proposition ne m'intéressait pas.
Même en essayant de ne pas faire montre de la colère qui couvait en lui, son ton sec faisait amplement comprendre son état d'esprit.
La jeune femme soupira.— Quelque chose d'autre, rétorqua-telle avec exaspération.
Niall haussa les sourcils.
Elle lui avait offert son corps et une couronne. Que pouvait-elle offrir de plus ?— Vous souhaitez reprendre Kairn, n'est-ce pas ?
Niall plissa les yeux.
Kairn était le joyaux de son royaume. Reprendre Kairn, c'était reprendre son trône.
Comme il ne répondait toujours pas, elle s'approcha de lui avec une brusquerie qui ne seyait pas à sa silhouette élégante.— Vous êtes une vraie tête de mule !
Niall ouvrit grand les yeux sans savoir s'il devait rire ou s'agacer. Elle avait quelque chose... d'adorable, quand elle le traitait de tête de mule.
Il jeta un coup d'œil sur le guerrier qui n'avait pas réagit.
La femme pointa un doigt sur sa poitrine — geste qui devenait un peu trop une habitude.— Je vous offre de reprendre Kairn.
Niall fronça les sourcils.
— Vous m'offrez... quoi ?!
La jeune femme soupira comme si elle se tenait devant un parfait imbécile, ce qui ne lui plaisait pas du tout.
— Diable ! Vous, les hommes, vous n'êtes vraiment pas doués pour communiquer !
Son regard allait de Niall au guerrier. Ce dernier se tourna vers la reine avec une expression indéfinissable qui souleva la curiosité de Niall. Mais il n'eut pas le temps d'approfondir plus.
— C'est moi qu'elle offre, déclara le guerrier en faisant un pas vers lui.
Cette fois-ci, Niall ouvrit grand la bouche, muet de stupeur.
Il finirait mime, à coup sûr.— Sans vouloir vous offenser, commença-t-il prudemment, son regard allant du guerrier à la femme, je ne suis pas intéressé par... les hommes.
La reine éclata de dire.
Les deux hommes se tournèrent vers elle, l'un en fronçant les sourcils, l'autre toujours aussi impassible que d'habitude. Pourtant, elle sembla voir quelque chose dans l'expression de son guerrier car elle lui lança :— C'était drôle, quand même, Balder, avoue.
Ce dernier resta muet.
— Penser que lui et toi...
Elle fit un geste du doigt allant de l'un à l'autre, avant d'éclater à nouveau de rire, au grand dam de Niall.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, rétorqua l'autre d'une voix plate.
La jeune femme leva les yeux au ciel devant le peu de réaction du guerrier et inspira profondément avant de reprendre :
— Je vous offre des hommes. Mes meilleurs guerriers.
Niall la fixa si longtemps qu'il eut du mal à détacher son regard d'elle lorsqu'il répondit à l'homme.
— Combien de guerriers ?
La reine grimaça.
— Pas beaucoup. Je ne peux pas laisser l'île sans surveillance. Mais Balder vaut dix de vos hommes. Ainsi que ses frères d'armes.
Le dénommé Balder donna l'impression de grandir sur place. Même avec son expression de calme inébranlable, il vit un éclair de fierté passer dans son regard. Il ricana.
— Il ne vaut pas un des sept qui sont avec moi, rétorqua-t-il avec suffisance.
Balder s'approcha de lui pour le toiser. Niall fit de même.
Il était plus grand que le guerrier, mais moins taillé pour les combats.
La femme soupira et se plaça entre les deux, une paume posée sur chaque poitrine pour les empêcher d'en venir aux mains.— Les combats de coqs ne m'intéressent pas, siffla-t-elle, excédée.
Elle éloigna le guerrier qui se laissa faire. Il repartit dans un coin de la pièce.
— Acceptez-vous cette nouvelle offre ? Le mariage contre mes guerriers pour reprendre votre trône. Le temps presse.
Ses paroles détournèrent son attention de Balder.
— Le temps presse pour qui ? Pour moi... ou pour vous ?
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Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]
Romance« Les huit guerriers ont fui. L'attaque des Kingars les a dispersés. Brogan, Niall et Daron se sont échappés vers le Nord-Est et ont délivré Odhrán, avant de fuir à nouveau pour échapper aux représailles des soldats de Darguen, décidés à les capture...