Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]

1.5 : attaque d'un autre village

Le feu avait été une tellement bonne diversion que Balder, Oden, Gunnar, Jarl et Orvar purent voler les précieuses denrées sans vraiment être inquiétés.
Ils s'étaient enfuis avant que les hommes ne puissent les contrer. Les sacs remplis de sel et de graines rebondissaient sur leur dos tandis qu'ils couraient vers le littoral.

Le sel ne leur permettrait pas, à proprement parler, de se nourrir. Mais c'était un produit précieux qui valait une fortune sur le marché. Le commerce entre les îliens et les habitants des terres était très ténu et s'était beaucoup amoindri ces dernières années. Les îliens avaient de moins en moins de quoi échanger pour subvenir à leurs besoins. Leur seule ressource était le poisson, qui commençait à se faire rare. Les bateaux devaient naviguer de plus en plus loin pour trouver de quoi nourrir l'île de Tar.

La belle île de Tar, majestueuse et verdoyante du temps de leurs ancêtres, se mourait. Les pluies ne tombaient plus aussi dru qu'auparavant. Il n'y avait plus que l'eau de la mer pour arroser les cultures. Mais le sel détruisait tout.

L'île était devenue un caillou aride avec quelques taches d'herbe par endroit. Les hivers rudes gelaient tout et les étés secs ne permettaient pas à la flore de se reconstituer.

Les hommes en étaient venus à piller les abords du littoral. Mais s'ils se faisaient prendre, c'était la mort assurée. Personne sur leur île n'était au courant. Ils avaient outrepassé les lois de Tar. Qu'ils se fassent prendre ici, sur terre, ou sur Tar, le châtiment serait le même : la mort.

Pourtant, ça ne les arrêterait pas. Leurs familles mouraient de faim, il leur était impossible de rester les bras croisés.

Les cinq hommes coururent jusqu'à être sûrs que personne ne les avait suivis.
Lorsqu'ils s'arrêtèrent enfin, hors d'haleine, la ligne d'horizon commençait à briller. Ils avaient caché leur embarcation non loin de l'endroit où ils avaient débarqué, à l'abri d'une falaise.
Balder posa son sac le premier.

— Cachez les provisions, ordonna-t-il aux autres.

Les hommes le regardèrent perplexes. Ils avaient cru qu'après ce raid, ils rentreraient chez eux. Le soleil se levait, et il devenait dangereux de traîner sur terre.

— Il y a un autre village, à cinq minutes à l'ouest.

Oden, son jumeau, se redressa.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, Balder. Le soleil se lève. Bientôt, il n'y aura plus aucun endroit où se cacher.

D'un geste de la main, il désignait le littoral plat sur des centaines de lieues.
Balder lui fit face. Les deux hommes se fixèrent et la tension crépita dans l'air.
Même Jarl resta en retrait.

Leur ressemblance était frappante, malgré le visage défiguré de Balder. Pourtant, les deux hommes ne dégageaient pas la même aura. Alors qu'Oden mettait les hommes en confiance, Balder faisait ressentir le danger à quiconque l'approchait. Seul son frère osait l'affronter.

— Nous n'avons aucune nourriture à ramener. Les graines ne pousseront pas avant des semaines, voire des mois. Tu veux expliquer à ta femme et à ta fille qu'elles ne mangeront rien aujourd'hui encore.

Balder n'avait pas eu besoin d'élever la voix. Les hommes autour d'eux baissèrent la tête. Aucun d'eux ne souhaitait rentrer les mains vides.
Oden soupira.

Il s'écarta, et laissa son frère avancer vers l'ouest.
— Si l'Ayava apprend qu...
— Je me charge de l'Ayava, le coupa Balder. Contentez-vous de ramener de la nourriture.

Aucun des hommes présents n'était sans savoir que Balder avec quelques affinités avec leur reine. Personne n'aurait osé demander, mais Oden soupçonnait son frère de dormir régulièrement dans le lit royal.

Les relations entre adultes, sur Tar, et la plupart des îles qui l'entouraient, étaient libres. La reine pouvait coucher avec qui elle voulait, tant que cela ne remettait pas en cause son pouvoir et ses décisions — et pour peu qu'elle fasse preuve de discrétion. Balder ne deviendrait jamais roi ; son niveau social l'en empêchait. Mais personne ne voyait d'un mauvais œil les relations sexuelles entre eux.

Même si personne n'en parlait.

*Ayava = Reine*