5.2 : Le comptoir

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Les deux hommes rabattirent la capuche de leur caban à l'approche du comptoir. Lochlainn portait sa petite arbalète à deux coups attaché sur son dos, bien en évidence. Il lui suffirait d'un coup d'épaule pour la libérer et l'avoir en main.

La spécialité de Doyle était plutôt les lames. Il en avait caché un peu partout sur son corps. Son adresse au lancer était légendaire dans la garde.
Ils avaient tous deux revêtus des habits sombres : un pantalon de toile qui moulait leurs cuisses musclées, une chemise ample pour ne pas entraver leurs mouvements s'ils venait à se battre, par dessus laquelle ils avaient enfilé une pièce d'armure en cuir épais et matelassé.

Ils étaient en noir de la tête aux pied.
Ils marchaient côte à côte, en silence, et avançait parmi les badauds qui s'étaient donnés rendez-vous.

Il leur avait fallu presque deux heures à cheval pour rallier ce point, cacher leurs chevaux et leurs vivres, puis faire un tour de reconnaissance.
Contrairement aux autres comptoirs qu'ils avaient déjà visité, celui-ci était petit — si tant est que faire l'équivalent d'un champ était considéré comme petit.

Il y avait ce qu'on trouvait dans tous les comptoirs : de la nourriture, des animaux, des objets, des armes, et bien sûr, des esclaves.
Lochlainn avait déjà repéré un marchand, à la lisière de la forêt, un homme maigre dont le simple regard lui avait fait grincé des dents.

Mais Doyle lui avait fait promettre de n'attaquer personne. Il avait raison, Lochlainn devait le reconnaître. Ils devaient absolument se faire oublier ; ils n'étaient pas à l'abri de voir des Capes Rouges débarquer pour détruire ce troc illégal. S'ils se faisaient attraper, ils mettaient tous les autres guerriers en danger, de même que le roi.

Malgré son mauvais caractère, et le fait qu'il ne reconnaissait absolument pas la légitimité de Niall, Lochlainn avait un code d'honneur qu'il n'aurait jamais trahi.
Il était hors de question pour lui de se faire prendre vivant.

Il resterait donc tranquille le temps de trouver les informations qu'ils souhaitaient.
Sur un signe de tête, ils se séparèrent.
Doyle écumerait les points de boissons, pendant que Lochlainn sillonneraient le marché des armes. Sur son passage, les gens se poussaient. Personne n'avait envie d'avoir affaire au guerrier taciturne, à la mine revêche, et au corps massif.

Il fit le tour des marchands d'armes, dépensa quelques pièces pour racheter des carreaux d'arbalète, dont il vérifia, d'un œil expert, le fût court et l'empennage, qu'il soupesa également pour être sûr que les traits étaient assez lourd pour percer une armure, puis il enfourna le tout dans sa besace avant de reprendre son chemin.
Il ne posa aucune question.

Les gens n'avaient pas besoin d'être interrogé pour fournir des renseignements. Les comptoirs étaient des lieux d'échanges, non seulement pour les marchandises, mais aussi pour les nouvelles et autres informations qui pouvaient se revendre à prix d'or.
Il suffisait de laisser traîner ses oreilles.
Malheureusement, il n'entendit rien à propos du roi en fuite, ou de sa garde.
Frustré, il s'éloignait du centre névralgique du comptoir lorsqu'il fut alpagué par une femme.

— Dix pièces, mon beau. Et tu pourras me faire tout ce que tu veux.

Lochlainn s'était crispé sous sa main. Personne ne le touchait. Personne n'osait le faire. En plus, il ne supportait pas ça.
Il résista à l'envie de la repousser avec rudesse pour considérer son offre.
Ses yeux d'airain se fixèrent sur le visage dépourvu de beauté de la femme. Elle n'était plus jeune, son corps n'était plus parfait. Ses jeunes années étaient loin derrière elle. Néanmoins, elle sentait le propre, ses ongles n'était pas noirs, ni ses dents. Et son sourire était presque gracieux.

Des effluves de savon remontèrent à ses narines.
Il sortit les pièces de sa bourse et se laissa entraîner derrière des tentes de peau. Lorsqu'ils s'arrêtèrent aux milieu de arbres, à l'abri des regard, Lochlainn regarda autour de lui. La femme ne sembla avoir aucun abri pour pratiquer ses passes, chose à laquelle il aurait dû s'attendre dans ce genre d'endroit.

De nombreuses femmes désespérées, souvent mères, vendaient leur corps en échange de quelques pièces ou de nourriture.
Il n'était pas là pour juger.
Ils étaient à peine arrêter qu'elle tomba à genou, ouvrit son pantalon et sortit son sexe pour commencer à le caresser.

Lochlainn n'émit aucun son, posa une main sur un arbre pour se tenir et regarda la femme lui donner du plaisir.
Il ne lui fallut que peu de temps pour être totalement dur sous la main et la langue experte de la prostituée.

Rien, dans son corps, à part son sexe tendu et sa respiration plus profonde, n'aurait donné à penser qu'il prenait du plaisir. Lochlainn était incapable d'exprimer cela.
Seules les choses pragmatiques suscitaient son intérêt.

Et se soulager pour libérer son esprit trop encombré en faisait partie. Il savait qu'il serait ensuite soulagé pendant plusieurs semaines de cette envie de sexe.
Il observa la femme le sucer. Son membre rentrait et sortait de sa bouche, humide de salive, veiné de plaisir.

De lui même, son corps commença à avancer alors la bouche féminine l'engloutissait, toujours plus vite, toujours plus loin.
Il plissa les yeux, les traits de son visages se crispèrent.

Lorsqu'elle voulut le prendre dans sa main pour le caresser en même temps que sa langue le léchait, Lochlainn la repoussa et prit lui-même son sexe dans son poing pour le presser fortement.

Son autre main quitta l'arbre et se posa à l'arrière de la tête de la femme pour la maintenir, puis il rua à plusieurs reprises entre ses lèvres, le souffle saccadé. La prostituée agrippa ses hanches et ne bougea plus.

Lochlainn continua ses allers-retours, sa respiration devenue haletante. Il déglutit en sentant la jouissance commencer à monter dans son corps.
À deux reprises, la femme toussa et le repoussa pour respirer. Il reprit alors un rythme plus lent, mais pressa ses joues.

Elle se laissa faire, malgré sa poigne un peu rude.
Il n'avait jamais su être doux avec les femmes.
Lorsqu'enfin le plaisir arriva à son paroxysme, il laissa échapper un grognement sourd. Il pressa une dernière fois son sexe dans la bouche de la prostituée, les yeux fermés, puis se retira.
La femme passa le dos de sa main sur ses lèvres, sans le regarder, puis se détourna pour partir. Il n'avait jamais retenu une femme, d'autant plus une prostituée, mais pour une raison inconnue, il la retint par le bras.

Lorsqu'elle leva des yeux hésitants et craintifs vers lui, il baissa la tête et déposa un baiser sur ces lèvres. Ce n'était ni romantique, ni sensuel, ni amoureux ; la femme le regarda sourcils froncés mais il l'ignora pour se rhabiller.

Dans son dos, il entendit la prostituée reprendre le chemin du comptoir, certainement à la recherche d'un autre homme qui pourrait la payer.
Il préféra couper à travers les arbres pour retrouver les chevaux qu'ils avaient laissé à quelques centaines de mètres. C'était là qu'il devait retrouver Doyle pour échanger leurs informations. Informations qu'il n'avait pas, à vrai dire. Si cette tactique ne marchait pas, ils allaient devoir se rapprocher des villages et des villes plus grandes pour essayer de retrouver leurs camarades.

Ils ne pouvaient pas tous avoir disparu comme ça, bordel !
Il en était à ses réflexions moroses lorsqu'il entendit un cri. Aussitôt, il donna un coup d'épaule pour faire pivoter son arbalète qui atterrit sur son bras. Il l'empoigna et se dirigea vers le bruit.
Il parcourut la distance au pas de course, le dos courbé pour éviter de se faire repérer, louvoyant d'arbre en arbre.

Un autre cri, suivi d'un hurlement.
Lochlainn se crispa.
Le son était trop aigu pour que ce soit celui d'un homme.
Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la scène.

Un esclavagiste.

Devant lui, agenouillé, les fesses nues relevées se tenait un jeune garçon.
Sans réfléchir, il balança son arbalète dans son dos, avança d'un pas rapide, sortit un poignard et déchira le cou du violeur, aspergeant les fesses du gamin de sang.

L'homme s'effondra sans un cri, déjà mort lorsqu'il toucha le sol. Le garçon tomba sur le côté et se recroquevilla sur la terre couverte de feuilles mortes.
Lochlainn le fixa une fraction de seconde avant de se détourner et de s'en aller.

Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant