28 Février

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Une fois la graine du mal plantée, elle ne fait que croitre. La suspicion était dans tous les regards, effaçant le comportement humain rationnel. Devant le nombre de contaminations et de morts croissant, malgré les mesures de confinement, l’humanité s’était enflammée. On tuait et brulait ceux que l’on croyait malade.

On se méfiait des paroles du gouvernement, devinant les mensonges qu’il proférait. Ce dernier perdait le contrôle, ne parvenant à approvisionner correctement les magasins, ni même maintenir les services publics. Les coupures d’électricité et de gaz étaient monnaie courante. Les scientifiques perdaient également leur crédibilité. La population les traitait d’incompétents. La théorie du complot parcourait les rues. L’humanité n’avait plus foi en rien.

William réunit tout l’équipe de scientifiques dans la salle de réunion, il avait une annonce importante, dont la gravité semblait élevée pour leur en faire part ainsi.

— Je ne vous cache pas que la situation n’est pas idyllique. Des soulèvements ont lieu. Des bâtiments emblématiques du pouvoir sont brûlés. Et nous sommes en danger, souffla-t-il.

L’angoisse agrippa l’équipe de Jasper.

— Tout a été prévu pour tenir un siège, si jamais nous sommes découverts, mais j’ai peur qu’avec la rage du désespoir ils ne parviennent à sa faufiler. Mes hommes se tiendront prêts à les arrêter, mais nous ne sommes pas à l’abris d’une brèche. Je vous demande donc d’être vigilent, de signaler tout ce qui vous paraitra suspect, et surtout d’être prêt à évacuer les lieux rapidement s’il le faut, annonça-t-il d’une voix neutre.

La déclaration de William jeta un froid. Les regards qu’ils échangèrent transpiraient d’effroi et de doutes. Des questions tourbillonnaient dans leur tête. Qu’adviendrait-il s’ils étaient débusqués ? Bien évidemment, ils connaissaient les procédures d’urgence et d’évacuation, mais seulement en théorie. Si les employés de la base avaient pu les tester, il n’en était rien de leur équipe. Au départ, retenus contre leur gré, ils n’avaient pu les mettre en pratique, de peur que l’un d’entre eux n’en profite pour s’échapper.

Le soir même, Jasper vint trouver William. Ce dernier était clairement sur ses gardes, il surveillait depuis un écran les alentours du bunker. Des groupes se déplaçaient méthodiquement, comme s’ils devinaient leur présence.

— Ils sont là quelque part ! Cherchez bien, ne laissez aucune piste non-explorée, entendait-il.

Jasper frissonna. On les recherchait vraiment !

— Le gouvernement a un laboratoire secret dans la zone ! C’est ici qu’a été créé le virus et que se trouve l’antidote. Si on les débusque, l’humanité sera sauvée ! cria le chef.

Jasper serra les poings de frustration. Était-ce vraiment ce qu’ils croyaient ? Que le gouvernement français possédait un antidote, sans leur donner ? Jamais il n’aurait cru que de tels propos pourraient naitre. Puis le sentiment de peur envahit Jasper. Avec de tels préjugés, s’ils parvenaient à s’introduire ici, personne ne pourrait résonner ces hommes. Leur raison avait vacillé, et cela tournerait sans doute au massacre.

Puis une autre question lui vint à l’esprit. Comment les civils avaient-ils eu connaissance de leur base ?

— Nous sommes prêts à fuir, le rassura William se méprenant sur son air pensif.

Le jeune homme hocha distraitement la tête. La théorie d’une arme virologique dévoilée par Evgeny tournait dans sa tête. Et si tout ceci était un coup monté ? S’ils avaient été dénoncés ? L’esprit embrouillé, il préféra ne pas poser la question à William. Par peur de la réponse, et puis de toute façon, l’homme ne lui aurait sans doute pas dit toute la vérité. Après tout il lui avait déjà menti sur l’origine de la maladie.

— Abandonnera-t-on totalement la base ? demanda-t-il néanmoins.

William secoua la tête.

— Non, seule une petite partie de l’équipe sera évacuée. Les autres resteront ici, ou iront dans d’autres bases. Nous devons pouvoir nous faufiler. En petit nombre, nous serons plus facilement mobiles.

Jasper comprenait ce que l’homme voulait dire. Ils abandonneraient derrière eux, tous ceux qui les avaient entourés jusqu’alors. William ne prendrait qu’une petite équipe, le strict minimum pour leur survie.

— Uniquement ton équipe, ta sœur et quelques-uns de mes hommes partiront d’ici.

Evacuer les centaines de personnes qui travaillaient ici était impossible. Tout se ferait dans l’urgence, il faudrait agir rapidement. Et leur salut dépendrait du sacrifice des employés du gouvernement. Avaient-ils été prévenus de la potentielle issue de tout ça avant de s’engager ? Se sacrifiaient-ils volontairement pour permettre au monde de renaitre ?

Il devinait que William bouillait d’être le rat pris au piège. Incapable d’appeler des secours, car leur laboratoire était sûrement clandestin. Les renforts américains ne pouvaient intervenir ici sans compromettre la nationalité du laboratoire. D’ailleurs il se demandait comment les américains avaient-ils pu s’installer ici. Le jeune homme ne parvenait à comprendre les politiques qui régissaient cette crise. Tout était si opaque.

Ce soir-là, Jasper se coucha le cœur lourd, et plein de non-dits. William le rejoignit très tard. Le jeune homme ne s’offusqua même pas quand il l’enlaça, tous deux en avaient besoin. Un peu de tendresse alors que tout était incertain, c’était le seul moyen de ne pas perdre pied, de ne pas se laisser entrainer par la folie, de rester humain.

QUAND LA NUIT S'ABATTRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant