27 Mai

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Jasper retenait sa respiration. A chaque nouvel essai, les mêmes pensées ressurgissaient. Tout au fond de lui, il y avait cette petite voix qui lui chuchotait que ce pouvait être le bon. Mais il y avait davantage d’espoirs déçus que de résultats positifs. Au fur et à mesure de la dégradation de l’état de sa sœur, la cadence de Jasper s’accéléra. Le vaccin était relégué en second plan. Il prit alors conscience qu’à cet instant il se battait pour lui, pour sa sœur, tel un égoïste. Il n’avait plus rien à faire du monde. Il maudissait même l’humanité qui l’avait mise dans cette situation. Tout d’abord les terroristes qui pour des idéologies plus que discutables plongeaient le monde dans le chaos, et cet homme qui avait peut-être condamné sa sœur. Il l’avait accusé d’être égoïste, mais lui qu’était-il ? Entrainer quelqu’un dans sa chute n’était-il pas égoïste également ?

Dans sa tête tout s’embrouillait, plus rien de bon n’en sortait. Son ventre se serrait à la pensée de l’avenir proche qui s’offrait à lui.

— Tu devrais faire une pause. Va voir ta sœur, lui proposa gentiment Amélie devant sa pâleur Nous, on continue.

Jasper accepta. Il avait besoin de constater son état de ses propres yeux, et non pas rapporté par l’un d’entre eux. Les scientifiques assistaient à chaque injection d’un nouveau médicament, et faisaient un contre-rendu détaillé de leurs observations, alors que Jasper s’escrimait à en trouver d’autres, à les améliorer. Il se dirigea vers la section où se situait sa sœur. Une petite ouverture lui permettait de la voir, tout en étant protégé. Aussi pâle que les draps de son lit, sa sœur somnolait branchée à une dizaine de machines. Son rythme cardiaque était régulier, rien d’alarmant de ce côté, en revanche, sa respiration était sifflante. Son taux d’oxygène dans le sang était dangereusement bas, et sa fièvre bien que désormais stable, restait élevée. Son corps ne tiendrait pas longtemps à ce rythme-là. Dans sa combinaison, Lara faisait tout son possible, mais rien ne semblait fonctionner. William arriva derrière lui.

— Je suis désolé pour elle.

Le jeune homme le regarda, encore à moitié appuyé sur la vitre. L’homme, exceptionnellement, avait laissé ses cheveux libres de leurs mouvements. Ils formaient autour de lui une auréole qui le rendait irréel, tellement hors de sa portée. Son air fermé contribuait à le rendre inaccessible, mais au fil du temps, Jasper avait su faire tomber ses barrières, et aujourd’hui, il se tenait à ses côtés, alors que la vie de sa sœur pouvait à tout moment basculer. Jasper apprécia le savoir près de lui.

— Tu n’y es pour rien. On ne pouvait pas prévoir la réaction de cet homme. Il s’était montré coopératif jusqu’à présent.

William l’enlaça, et Jasper se laissa couler entre ses bras réconfortants. Quelques larmes perlèrent de ses yeux. Il se maudit pour ça. Il s’était promis de ne pas se laisser aller. S’il perdait le cap, il les condamnerait tous. Mais à vingt-deux ans, porter tout ça, même pour un garçon aussi mature que lui était trop. Aujourd’hui, ses nerfs lâchaient.

— Pleure autant que tu veux. Personne ne te voit, et même si c’est le cas, on ne t’en voudra pas, lui murmura-t-il.

Epuisé, le jeune homme abandonna toutes réserves contre William. Il ne broncha pas lorsque ce dernier décida de le conduire dans la chambre qu’il occupait. Pas plus qu’il ne protesta lorsque l’homme le dévêtit.

*

Encore un peu groggy par les quelques heures de sommeil qu’il venait de s’autoriser, Jasper se redressa. Face à son lit, William et Evgeny se tenaient contre le mur, discutant à voix basse.

— Je veux aller la voir, murmura-t-il d’une voix éraillée.

Les deux hommes portèrent leur attention sur le jeune homme. Ils ne l’avaient pas vu se réveiller.

QUAND LA NUIT S'ABATTRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant