12 Avril

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Le lendemain, ils se réunirent une nouvelle fois dans le laboratoire, convoqués par les deux soldats. A voir leur allure, ils n’avaient pas beaucoup dormi, mais avaient surement discuté toute la nuit, mettant au point un plan.

— Robert nous a exposé le fonctionnement de vos essais. Et bien que je pense qu’il soit possible de les enseigner à une tierce personne, je sais que tu n’en démordras pas Jasper, grinça William.

L’homme ne semblait pas approuver la méthode, à moins que ce ne soit les risques liés à cette sortie.

— Le gouvernement ne veut prendre aucun risque quant à une potentielle rébellion de ta part, et nous autorise donc à procéder les essais sur une partie de la population russe. Le lieu a eu des directives d’aménagements pour notre arrivée. Nous allons donc y envoyer un petit groupe, finit-il dans un soupir.

Le groupe comprit que si William dirigeait la situation il les aurait barricadés dans ce laboratoire perdu en Sibérie. Toutefois il n’était pas chez lui, et devait se plier à ses supérieurs.

— James et Robert, vous serez les scientifiques qui partirez. William, Luke ainsi que deux autres de mes hommes vous accompagneront, expliqua Evgeny.

Les noms étaient tombés. Les deux hommes acceptèrent sans broncher leur mission.

— Je refuse !

Tous se tournèrent vers Jasper, étonnés par cette opposition.

— J’ai été nommé chef de ce groupe, c’est donc à moi d’y aller, annonça-t-il très calmement, certain d’être dans son bon droit.

— Hors de question s’opposa immédiatement le russe.

— J’ai besoin de constater les effets sur le terrain, plaida le jeune homme. De plus je ne pense pas que ce soit judicieux d’envoyer plusieurs scientifiques. Si jamais la situation tourne mal, il faut que le maximum d’entre nous puisse poursuivre.

— Justement, tu es la pointe de la flèche. Sans toi, ça ne sert à rien.

— Ton argument ne fonctionne pas. Puisque je suis la pointe de la flèche, je sais mieux que personne ce qu’il faut vérifier.

Les deux hommes se consultèrent brièvement. Le temps jouait contre eux, ils ne pouvaient s’enliser dans des discussions stériles, aussi abdiquèrent-ils.

— Très bien, mais tu ne pourras pas tout faire seul. James t’accompagnera tout de même et Robert assumera tes responsabilités ici.

— Non, l’équipe a besoin de tous ses cerveaux, ils seront plus efficaces unis. J’irai seul.

Ses co-équipiers voulurent protester, mais Clarissa prit les devants.

— Alors je viens avec toi. Je remplacerai James dans son rôle d’assistant. Mes connaissances médicales seront amplement suffisantes pour surveiller les patients, déclara sa sœur d’un ton péremptoire.

Jasper se retrouvait pris à son propre piège. Il devait reconnaitre qu’il ne pourrait tout gérer seul, mais que les scientifiques étaient trop importants pour que l’on risque leur vie. Il avait besoin de quelqu’un de confiance, et même si cela mettait sa sœur en danger, ses choix étaient restreints.

— Très bien, murmura-t-il.

— Alors le groupe sera composé de Jasper, Clarissa, William et Luke, résuma Evgeny. Vous partirez à la tombée de la nuit. Un hélicoptère vous emmènera sur les lieux des tests.

Jasper fit un rapide calcul, ils avaient donc moins de huit heures pour se préparer. Aussitôt l’équipe passa à l’action, ils répétèrent leur protocole, et William vint leur donner les consignes de sécurité. Rien ne devait être laissé au hasard.

*

Jasper enfilait sa combinaison en vue de leur départ imminent, quand Evgeny vint le rejoindre. Face à face, isolés des autres, il le regarda longuement comme s’il allait définitivement disparaitre.

— Fais attention à toi, reste sous la protection de William, lui recommanda-t-il. Ça me tue de dire ça, mais c’est un bon combattant. Il ne laissera rien t’arriver.

Jasper hocha la tête, il le savait déjà. Evgeny lui caressa tendrement la joue, sa chaleur irradiant tout le corps du jeune homme. Jasper se blottit dans le cou d’Evgeny respirant à pleins poumons son effluve exotique.

— Ne joue pas au héros.

Jasper eut un pâle sourire. Ce n’était absolument pas son genre.

— Promis.

— N’oublie pas que j’attends ton retour en pleine forme.

— Je sais.

Evgeny ne tint plus et l’embrassa. Jamais Jasper n’avait gouté au baiser d’adieux. S’il était tendre et doux, il avait un terrible goût de sel et d’amertume, bien loin de celui framboiser qui accompagnait à l’accoutumée le russe. Evgeny se sépara les yeux légèrement humides.

— Je vais te laisser te préparer, on t’attend, murmura-t-il à regret.

Jasper acquiesça puis enfila sa tenue, vérifia que tout était bien étanche. Puis il enfila sa réserve d’oxygène. Depuis qu’ils avaient la certitude que le virus, à défaut de trouver un autre nom, restait plusieurs heures en suspension, ils devaient purifier l’air qui passait dans leur système respiratoire.

Dans le couloir, ils l’attendaient en tenue de cosmonaute eux aussi, ils partaient à l’aventure. Peut-être la dernière de leur existence. En tout cas, elle contenait tous les espoirs de l’humanité, même si celle-ci l’ignorait encore. Au bout du couloir, il aperçut le russe, mais ne s’attarda pas ou toute sa volonté partirait en fumée. Et puis ce n’est pas comme s’ils n’allaient pas revenir. N’est-ce pas ? essaya-t-il de se rassurer.

La porte s’ouvrit. Et l’obscurité la plus totale les avala.

QUAND LA NUIT S'ABATTRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant