QUAND LA NUIT S'ABATTRA

14 Août

Veille du sommet d’états, les deux hommes s’étaient rejoints à Moscou. Chaque dirigeant et son équipe était logée proches du lieu de réunion. Evgeny convia William dans les siens. Alors qu’ils discutaient stratégie, des coups furent frappés à la porte. Le russe alla ouvrir. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant Jasper vaillamment soutenu par Lara et James. Derrière eux, assurant leurs arrières se trouvaient Robert et Amélie.

Exténué, le jeune homme entra et se laissa tomber sur le canapé. Durant la semaine suivant son réveil, il avait pu s’alimenter, reprenant quelques forces, retrouvant un aspect humain. Toutefois, ses muscles avaient définitivement disparu. Se tenir debout lui demandait un effort considérable, qu’il ne pouvait effectuer plus de quelques secondes seul. Il ne pouvait se déplacer seul. La fatigue était aussi bien physique que mentale, et le fait de batailler pour qu’on les laisse passer ne faisait qu’en rajouter une couche. D’ailleurs, il ne devait sa présence qu’à ses camarades. Amélie s’était révélée redoutable pour ouvrir toutes les portes que les gouvernements leur fermaient, faisant preuve d’arguments intraitables. Elle avait dévoilé un côté que personne jusqu’ici ne lui connaissait.

William et Evgeny stupéfaits par cette présence incongrue ne surent comment y réagir, aussi restèrent-ils distants. Les deux hommes portaient désormais le costume d’hommes de main du gouvernement, et chacun avait veillé à gommer toutes émotions. Jasper se confronta à un masque d’impassibilité. Aucun mot pour s’assurer de sa santé, de son rétablissement. Aucun mot sur les traitements, sur ce qui allait se dérouler. Rien.

Quelque peu énervé par ce manque d’éloquence et blessé dans son amour-propre, il décida de ne pas perdre davantage de temps et d’entamer les hostilités.

— Que se passe-t-il maintenant ? demanda-t-il les bras croisés, dans une position défensive.

— Les chefs de tous les états vont se réunir. Evgeny ici présent détient les droits des découvertes scientifiques, par conséquence cela va être l’heure des arrangements entre pays, récita platement l’américain.

— Nous avons différents problèmes techniques dont il faudra discuter. La fabrication et distribution seront abordées.

Jasper reçut ces informations comme un coup de marteau. On lui dépeignait une situation grotesque. Maintenant que le problème de fond était réglé, seul importait le profit qu’en retireraient les états.

— Très bien. J’exige d’y participer. Je pense avoir mon mot à dire, répliqua-t-il en maitrisant à grande peine son écœurement.

Evgeny et William restèrent impassibles, muets. Ce fut Lara qui bondit vers lui.

— Hors de question. Tu viens à peine de te remettre d’un long combat. Tu tiens à peine debout. Tu dois te reposer !

Jasper crut percevoir une lueur inquiète dans les yeux de William, bien vite effacée. En revanche, Evgeny laissa plus rapidement tomber son masque de parfait petit soldat. Il s’approcha de lui.

— Elle a raison Jasper. Tu dois dormir et laisser ton corps récupérer.

Jasper vit rouge. Comment osaient-ils le traiter comme un faible jeune homme, après l’avoir exploité jusqu’à l’épuisement les mois précédents ? Comment osaient-ils se soucier de lui alors qu’ils n’étaient pas à ses cotés à son réveil ?

— Je suis en pleine forme. Si ma santé vous préoccupe tant, pourquoi n’êtes-vous pas restés au laboratoire ? Où étiez-vous lorsque j’étais à deux doigts de la mort ? Et vous osez dire que vous m’aimez ?

— Jasper ce n’est pas prudent, tenta une nouvelle fois le russe.

Le jeune homme repoussa la main d’Evgeny.