6 Août

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Son corps était groggy. Tout ce qui était autour de lui n’était que myriade de couleurs se mélangeant, s’entrecroisant. Des formes floues dansaient devant ses iris sans qu’il ne parvienne à les distinguer. Sa tête lui paraissait aussi lourde qu’une enclume, et sa bouche pâteuse conservait un goût âpre très désagréable. Jasper avait connu de meilleurs réveils.

— Doucement, laisse ton corps se remettre, lui conseilla une voix qu’il connaissait.

Elle était familière, mais il n’arrivait pas à lui coller un visage. Ses souvenirs étaient encore trop nébuleux.

— Calme-toi, ça va revenir.

Inconsciemment, Jasper obéit. Il se recoucha, essayant de trier ses souvenirs. Au bout de quelques heures, des flashs lui vinrent, puis sa mémoire réapparut par brides. Il lui fallut presque la journée entière avant que son cerveau ne parvienne à fonctionner presque normalement. Il se mit alors à observer son environnement. Assise à la droite de son lit, Lara l’observait en souriant. Il pouvait enfin la contempler sans sa combinaison, qu’elle n’avait pas quittée depuis son admission ici.

— Je, je… bafouilla-t-il.

Il était perdu. Il se rappelait la décision d’être plongé dans le coma, et voilà qu’il se réveillait en ayant l’impression qu’une partie de sa vie s’était déroulée sans lui. Si le temps s’était arrêté pour le jeune homme, il n’en était rien pour ceux qui l’entouraient. Ils avaient continué à avancer, le laissant dans l’ignorance totale de la situation actuelle.

Lara comprit son trouble. Elle lui fit un sourire éblouissant et se mit à combler ses lacunes.

— Oui tu es guéri. Tes notes ont permis à l’équipe de te sauver. Ils attendaient avec impatience ton retour parmi nous.

— Où sont-ils ? questionna-t-il incertain.

Dans la chambre il était seul, et peinait à croire la jeune femme. Il réalisait à peine qu’il était vivant. Tiré d’affaire réellement.

— Je les ai mis à la porte. Veux-tu que je les appelle ?

— Oui.

Ils déboulèrent dans la chambre se pressant à son chevet, sous le regard courroucé de la chef des lieux. Le temps que Jasper sorte du coma, chacun avait pu récupérer un peu de leur sommeil volé. Leurs mines resplendissaient, contrairement à celle du jeune homme.

— Oh Jasper, c’est merveilleux !

— Tu es un génie mon pote.

Amélie et James s’extasiaient, chacun racontant comment à partir de ses notes ils en avaient déduit un probable médicament. Ils expliquèrent leurs essais sur les animaux, puis sur les humains. Lui était le premier à avoir bénéficié de cet essai.

— Sans toi on n’y serait jamais arrivé, déclara solennellement Robert.

— Yep !

Jasper sourit devant leur reconnaissance. L’ampleur de sa découverte ne résonnait pas encore en lui. Pour le moment il avait juste envie de replonger dans le sommeil. Lara le remarqua et les somma de le laisser se reposer. Juste avant qu’ils ne le quittent, Jasper attira leur attention.

— Où est mon carnet ?

Robert grimaça.

— C’est Evgeny qui l’a.

Il hésita avant de continuer. Devait-il tout dévoiler, alors que le jeune homme digérait à peine leur découverte d’un traitement ? Finalement, il décida de ne rien lui cacher, de toute manière il n’aurait pas accepté de se reposer sans en savoir davantage.

— Un sommet d’Etats se prépare. Pour le moment seule la Russie procède à des essais cliniques sur le plan d’un vaccin et d’un médicament.

— A sa demande, nous avons fabriqué plusieurs doses, qui ont été envoyées dans différents centres. Les résultats sont plutôt encourageants, précisa Amélie.

Jasper ferma les yeux. Ainsi c’était donc comme ça que la suite allait se dérouler. Les pays allaient se disputer le vaccin et le médicament, car ils constituaient les espoirs de l’humanité. Maintenant que lui, le petit scientifique, avait fourni le travail attendu, on l’écartait de la bataille commerciale qui allait sans doute éclater.

— Aidez-moi à me lever. Je veux voir Evgeny et William, ordonna-t-il.

Il ne les laisserait pas faire. Même si son corps ronchonnait à la moindre de ses sollicitations, il devait se lever. Il devait intervenir.

Lara soupira. Elle le savait, il était trop têtu pour son propre bien. Aussi affaibli, il risquait de se surmener. Ne pouvait-il donc pas rester couché dans son lit ?

— Suffit jeune homme, le retint-elle. Vous êtes ici dans mon domaine, et j’y fais encore la loi !

Lara le repoussa contre les oreillers. Trop faible pour résister, Jasper s’étala sur le lit.

— Ils ont encore beaucoup de détails à régler. Ce ne sera pas pour tout de suite, alors je te conseille de te reposer un peu. Tu viens à peine de te remettre d’un long combat. Il te faudra du temps avant de te réhabituer à ton corps.

Jasper lui obéit. De toute manière sa conscience lui échappait déjà, le si peu de réflexions qu’il avait entrepris l’épuisaient. Bien que guérit, la maladie avait laissé de larges séquelles. Il allait devoir prendre son mal en patience.

QUAND LA NUIT S'ABATTRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant