Chapitre 10

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En arrivant à l'immeuble, mes pas s'accélèrent pour atteindre l'appartement de Ben et j'eus l'impression d'un peu trop tambouriner sa porte. Il m'ouvrit assez rapidement et m'invita à entrer. Comme d'habitude.

— Est-ce que tu veux faire quelque chose de particulier ? Continuer de perfectionner notre plan, regarder quelque chose, préparer à manger, ou je ne sais quoi encore...

Il me proposait tout ça, comme si de rien n'était. Rien ne le trahissait dans ses gestes. Tout était si bien contrôlé que je me demandais si je n'étais pas devenue folle la veille.

— Quelque chose ne va pas ? ajouta-t-il en me voyant l'air béa.

— Peut-être bien...

— Si tu veux rentrer chez toi pour te reposer, n'hésite pas. Je comprendrais que ce soit encore compliqué aujourd'hui. On peut reporter ça à demain ou à un tout autre jour...

Il le faisait vraiment exprès. Et pourtant, il n'était pas aussi arrogant que d'habitude. Il semblait sincèrement s'inquiéter pour moi.

— Est-ce qu'on peut reparler de ce qu'il s'est passé hier ? demandai-je brusquement.

Je n'avais plus envie de faire des pieds et des mains alors qu'un seul sujet me brûlait les lèvres tellement j'avais besoin d'en parler.

— Tu veux vraiment parler d'un baiser alors qu'on était alcoolisés ? Ça n'a rien d'extraordinaire. Plein de gens font ça sous alcool.

— Pas comme ça...

— Comment ça "pas comme ça" ? On a utilisé nos bouches comme n'importe qui.

Et il osait jouer au plus malin dans ce genre de conversation ? Était-il sérieusement en train d'esquiver à ce point ?

— Il n'y avait pas que de l'alcool hier ! Tu avais tout de même peur de le regretter le lendemain ! Et au final, c'est pas si loin que ça.

— En effet. Je me doutais bien que tu serais incapable de considérer ça comme le simple délire d'une soirée ! T'es en train de faire toute une histoire pour un simple baiser !

— Un simple baiser ? Ok, embrasse-moi maintenant.

Je croisai mes bras en observant sa réaction stupéfaite.

— Tu espères prouver quoi là ? m'interrogea-t-il, légèrement furieux.

— Que c'est toi qui as un problème avec ça.

— Très bien... Je vais t'embrasser et on en restera là.

Il s'approcha de moi. Je décroisai mes bras alors qu'il prit mon visage entre ses mains. Ses lèvres se collèrent délicatement aux miennes. Il aurait pu me donner un bref et brusque baiser par pure provocation. Au contraire. C'était étrangement doux. Néanmoins, ce fut extrêmement rapide.

— Voilà, contente ?

Il agissait vraiment comme si ça ne l'atteignait pas. C'en était très perturbant. Peut-être qu'une part de moi avait surtout envie de croire qu'il cachait vraiment quelque chose, comme j'avais pu l'apercevoir quelques fois. J'avais surtout envie de croire mon instinct.

— Alors pourquoi tu disais avoir envie de m'embrasser depuis le premier jour ? m'enquis-je, en partie pour le défier.

— Ne te fais pas d'illusion. Si j'ai eu envie de t'embrasser, c'est parce que tu es une très jolie femme Rey. Rien d'autre.

Son ton était extrêmement ferme. Peut-être un peu trop. C'était comme si ce n'était même plus moi qu'il devait convaincre, mais lui-même.

— Je ne comprends vraiment pas... Ne me dis pas que ça ne t'intéressait pas du tout de m'embrasser ni de coucher avec moi, et maintenant que ça a pu se passer en partie, tu fais comme si de rien n'était ?

— Ça tombe bien, moi non plus, je ne comprends pas ce que tu veux, renchérit-il en haussant légèrement la voix. Tu veux que je t'embrasse ? que je couche avec toi ? que je ne te dise je ne sais quoi ? Qu'est-ce que tu veux bordel de merde ? Je suis ton faux petit-ami et jusqu'à maintenant, c'était assez clair que ce n'était qu'une question d'apparence.

Dans le fond, il n'avait pas tort et je repris une longue inspiration. Naïvement, j'avais pensé que ce serait terriblement simple comme plan. J'étais persuadée qu'une fois qu'on se serait affiché en couple auprès de notre entourage, tout irait bien, et qu'on pourrait à la limite se voir tous les trente-six du mois. À quoi pensais-je pour supposer ça ?

— Rey... Je pense qu'il faut que tu redéfinisses ce que tu attends de moi et ce que tu accepteras en conséquences après ce plan, ajouta-t-il d'un air un peu plus calme.

— Je veux juste que mon entourage me foute la paix...

— Tu peux me mentir autant que tu veux, mais arrête de te mentir à toi-même. Tu cherches autre chose dans ce plan... et tu le trouves. Et t'es encore plus perdue maintenant.

Soudainement, je sentis mes yeux au bord de la rupture. Les larmes étaient en train de douloureusement y monter, sans que je sois capable de réellement l'expliquer. Pourquoi je réagissais à ce point à ses paroles ?

— Tu ne me connais même pas ! m'écriai-je, le souffle rapide. T'es comme tout le monde, personne ne me comprend !

— Arrête de prétendre avoir un masque avec moi. T'as autant échoué que moi là-dessus.

— Arrête de raconter n'importe quoi et assume un peu au lieu de jouer les connards arrogants !

Je pris une pause, m'en voulant d'être un peu trop agressive envers lui. Mais il ne semblait pas vexé par mes propos. Au contraire. Je voyais un brin de peine dans son regard. Il se tourna un instant et passa sa main dans les cheveux.

— Peut-être que tu ferais mieux de te reposer un peu chez toi et réfléchir à tout ça. Y a aucun de nous deux qui est au clair là-dessus. Mais en attendant, fais comme si les évènements de la veille n'ont jamais existé. Ça t'aidera peut-être un peu pour mieux comprendre la situation...

— Ouais... J'ai besoin de recul...

Mes paroles respiraient plus la colère qu'autre chose, mais j'avais été incapable de lisser mon ton. Tandis que lui semblait extrêmement calme dans cette situation, comme si ça ne l'atteignait pas tant que ça.

— D'ailleurs, peut-être que tu devrais reprendre notre liste du début, lança-t-il d'un ton un peu trop réprobateur à mon goût. Celle où tu avais noté ne pas vouloir qu'on s'embrasse.

— Ne t'en fais pas, je ressortirais cette liste vu que ça a l'air de te faire tant plaisir !

— Fais comme tu le sens surtout, mais préviens-moi quand tu seras fixée.

Il laissa échapper un petit sourire, bien trop sûr de lui. Franchement, j'étais à deux doigts de le gifler. Il pouvait dire ce qu'il voulait sur moi, mais il n'était vraiment pas mieux dans le genre.

Je soupirai longuement — et peut-être un peu trop bruyamment —, en me demandant si j'avais encore quelque chose à lui dire. Mais voyant que la conversation ne mènerait à rien, je quittai son appartement.

Je l'avais à peine salué en partant, sauf que mon esprit était désormais pris par trop de réflexions pour me rappeler des règles de bienséance.

Immédiatement, je me jetai dans mon lit pour m'y allonger et fixai le plafond d'un air vide. Toutes les paroles de Ben tournaient en boucle et j'aurais bien voulu le faire taire, juste pour cinq minutes, mais impossible.

Est-ce que je recherchais vraiment autre chose dans ce faux couple ? Une certaine validation de mes proches ? Pourquoi ça m'importait tant que ça dans le fond ?...

Merde.

Il avait peut-être mis le doigt sur quelque chose...

Je le déteste.

Comment (ne pas) se faire oublier | TOME 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant