Chapitre 6 : Joaquin

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Almeria - 16 Juin 2020 - 00h46

J'étais clairement bourré. J'avais bu plus que de raison. Je tenais à peine assis sur ma chaise. Esteban tapota mon épaule.

- Allez mon frère, il est temps d'aller au lit.

Je tentais, vainement, de le repousser.

- Laisse-moi putain.

Tout était flou autour de moi. Je m'en foutais.

- Pourquoi il a pris cette putain de décision ? Il n'a pas compris qu'elle était nocive pour eux ? m'énervais-je en chutant de mon siège avant que mon frère me rattrape.

- Il est impartial, Joaquin. Il voit les choses dans sa globalité.

- Dans sa globalité, hein ? Tu dis que de la merde, gueulais-je.

Il passa un bras sous mes aisselles pour me porter jusqu'à sa voiture.

- Je comprends tes motivations. Je t'assure mais ils ont besoin de leur mère, Joaquin.

- Une mère lamentable...

- La garde alternée est un bon compromis, je trouve personnellement.

Je soufflais. La fatigue me fis fermer les yeux dès que mon cul se posait sur le siège avant de la voiture.

- Je veux ce qui a de mieux pour mes fils...

- Je sais ça, mon frère, mais ils ne sont pas malheureux. Paola prendra peut-être un jour conscience de la chance qu'elle a d'avoir des petits garçons aussi fantastiques.

Un ricanement mauvais me vint.

- Oui s'ils arrivent plus tard à gagner assez d'argent pour l'entretenir. Là, ils auront de la valeur à ses yeux.

Il ne répondit rien car il savait que j'avais raison. Seul l'argent avait du pouvoir sur l'affection que pouvait porter Paola aux autres.

Le sommeil finit par l'emporter après ces paroles, malheureusement, pleines de vérité. C'était empli de regret, de lui avoir donné des enfants, que l'inconscience alcoolique m'attrapa dans ses serres.

Une sonnerie stridente et franchement agaçante me réveilla. Je tentais d'ouvrir les yeux mais le simple fait de tenter l'action, cela déclenchait une nausée. Je cherchais alors à taton l'origine de ce son insupportable. Mon téléphone. Je décrochais.

- Ouais, grognais-je.

- Tu émerges, ricanait la voix au bout du fil que je reconnus instantanément.

- Qu'est-ce que tu veux, bordel ?

Tout mon corps se contracta.

- Je venais aux nouvelles. Je me doutais bien que tu étais partis boire après notre rendez-vous avec le juge, s'amusa Paola.

- Je répète. Qu'est-ce que tu veux ?

Elle soupira de déception.

- Toujours aussi brut de décoffrage lorsque tu as la gueule de bois. Je voulais savoir si tu étais prêt à envisager un possible retour à la maison. Tu pourrais avoir tes fils quand tu le voudrais en revenant, laissa-t-elle planer.

- Ce n'est pas le moment-là, Paola, grognais-je.

- Ce n'est pas un non, se réjouissait-elle.

Je raccrochais brutalement pour ne plus entendre sa voix guillerette. Elle savait qu'elle était en train de gagner. J'étais prêt à tout pour mes fils même envisager de rentrer à la maison. Ne pas être avec eux, comme avant, me tuait à petit feu. Les savoirs seuls, élevés par Susanna, me rongeait. Susanna était une très bonne nourrice mais elle n'était pas leur mère. Elle avait sa propre vie de son côté. Ses propres enfants. Elle n'avait pas à prendre la place de mère auprès d'eux. Il leur fallait, au moins un parent, qui leur était dévoué. Lorsque j'étais encore à la maison, j'étais cette personne. Ils avaient besoin de moi.

Mon mal de tête était si fort que je n'arrivais pas à me lever de mon lit.

La porte de ma chambre s'ouvrit soudainement. Esteban entra, un verre de la main.

- C'est supportable ? parla-t-il doucement pour ne pas accentuer mon mal.

Je lui en étais reconnaissant.

- Je savais que tu aurais besoin d'aide alors je suis resté ici. J'ai dormi dans une des chambres d'invités.

Il prit place près de moi, sur le lit.

- Tiens, bois ça, me conseilla-t-il en me tendant le verre.

J'engloutis l'aspirine comme un assoiffé en plein désert et retombait sur l'oreiller en soupirant.

- C'est Paola qui vient d'appeler ?

Je me contentais de répondre par l'affirmatif dans un mouvement de tête.

- Elle va gagner, hein ? demande-t-il en voyant mon air défait.

- Ils ont besoin de moi.

Il baissa la tête, dépité.

- Tu ne devrais pas faire ça. Ils ne sont pas malheureux, Joaquin.

- Mais ils ne sont pas heureux, non plus.

Il resta silencieux en hochant de la tête.

- Je vais te préparer un petit déjeuner de remise en forme. Je reviens.

Je posais mon bras sur mes yeux, ne supportant plus la lumière.

- Tu es le meilleur.

Il partit en ricanant.

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