Chapitre 32 : Joaquin

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Almeria - 14 Août 2020 - 08h36

Les yeux dans le vague, elle restait accroupie face à la portière, partagé entre ses envies et ses besoins. Je savais que ma façon d'agir n'était pas la bonne mais je n'avais trouvé que cela pour la retenir. Je n'avais pas compris pourquoi elle préférait quitter la sécurité du foyer de mes parents jusqu'à ce que je me rappelle des regards que Bethany et elle nous avaient lancé alors que nous nous enlacions tous, déborder par la joie de nous revoir. Puis Bethany avait parler de leur famille rester aux États-unis. Elles n'avaient pas supporté de nous regarder, impuissantes. Elles devaient se douter que leur famille n'avait pas survécu mais gardé un espoir. Voulait-elle ramener sa fille là-bas ? Comment ferait-elle sans avion, ni bateau ?

Je ne pouvais pas la laisser faire. Cela était trop dangereux et je devais me l'avouer, je ne voulais pas qu'elle s'en aille. Je voulais qu'elle reste avec les garçons et moi. Je ne savais rien de cette femme, excepté ses petites confidences, quelques heures plus tôt. Elle n'était pas très loquace mais je voulais en apprendre davantage de sa fille et d'elle. Quelque chose en elle m'attirait indubitablement.

Elle releva ses beaux yeux bleus, empli d'une colère noire. Bien, au moins, je ne la laissais pas indifférente.

- C'était bas, grogna-t-elle.

Je détournais le regard sur ma famille, qui nous scrutait de loin, avant de revenir à elle.

- Je joue les cartes que j'ai à ma disposition, Charlie.

Ses narines frémissaient de rage. Elle inspira profondément.

- Les garçons ? Bethany ? Vous ne voulez pas aller jouer le temps que nous ayons une conversation d'adulte.

Bethany se détacha rapidement pour attraper la main de Rory et prendre Tate dans ses bras, comprenant que sa mère était en colère. Charlie se redressa et s'éloigna d'eux sans les perdre de vue.

- Tu es vraiment un enfoiré, cracha-t-elle.

- Parce que je veux que vous restiez ici, en sécurité ?

Je vis ses mains trembler. Elle se retenait de me frapper.

- J'aurais dû vous laisser dans ce magasin, chuchota-t-elle d'une voix sombre.

Je savais que c'était la colère qui parlait et non elle. Je ne m'en formalisais donc pas.

- J'ai fait ça pour vous, Charlie, mentis-je qu'à moitié.

Elle ricana.

- Arrête de mentir. Je ne suis pas conne, Joaquin.

- D'accord, pas uniquement.

Elle passa ses deux mains dans ses cheveux et les tira avec force.

- Putain, je te déteste tellement à cet instant, si tu savais.

Ces mots me firent étrangement mal mais n'en montrait rien.

- Tu comptais faire quoi, hein ? Tenter de rentrer chez toi ?

Elle releva la tête, le visage contracté.

- Qu'est-ce que cela peut te faire, bordel ?

- C'est de la folie, merde, m'énervais-je à mon tour.

- Je n'ai pas besoin d'un protecteur si tu ne l'avais pas remarqué.

- Tout le monde a besoin de s'appuyer sur quelqu'un.

- Va te faire foutre.

Nous étions, maintenant, tous les deux, en train de gueuler si fort que tout le monde pouvait entendre chacune de nos paroles. Cela ne nous empêchait pas de continuer à nous écharper.

- Non, mais tu te crois invincible ou quoi ?

- Pas invincible non mais je m'en sortirais toujours mieux que toi, abruti.

Lorsqu'elle s'approcha brusquement de mon visage pour se poster à deux centimètres de celui-ci, je ne reculais pas. Je savais qu'elle pouvait se battre. Elle savait où tapé pour faire mal mais j'étais persuadé que ce n'était pas ce qu'elle voulait. Elle avait seulement besoin de décharger sa colère, sa peur et sa frustration sur quelqu'un. J'étais prêt à tout encaisser.

- Cela ne veut pas dire que vous en ressortirez vivante, Marisol, Bethany et toi. Pense à elles, merde.

- Je ne fais que ça depuis huit ans, connard. Ne viens pas m'apprendre comment prendre soin de ma fille. Personne ne touchera jamais à un seul de leurs cheveux. Je les tuerais, tu m'entends, hurla-t-elle alors que des larmes commencèrent à rouler sur ses joues ; je les tuerais tous s'il le faut.

Elle avait dû tant prendre sur elle depuis le commencement de cette nouvelle vie. Oubliant ses propres peurs, ses propres envies ou bien ses propres besoins qu'elle en avait oubliés d'être, tout simplement, humaine. Elle se laissait dicter par ses instincts primaires qui la faisaient vivre sur le fil du rasoir à longueur de temps. Elle ne pouvait continuer ainsi.

Pousser par ses larmes, je passais mes bras autour d'elle alors qu'elle se débattait pour que je la lâche. Elle poussait des grognements apeurée alors qu'elle me frapper le torse de ses poings. Cela faisait mal mais je ne m'éloignais pas pour autant. Elle avait besoin de cette tendresse qu'elle distribuait aux personnes qui comptaient pour elle sans rien demander en retour. Prise d'une impulsion incroyable, elle parvint à s'arracher à ma prise en me balançant en arrière, me faisant tomber. Hébété, je la regardais alors qu'elle inspirait par le nez comme un buffle avant que son expression faciale ne change. Je vis le moment où elle se rendit compte de ce qu'elle venait de faire. La culpabilité se lisait très clairement sur son visage. Ses yeux erraient sur chaque personne présente pour finir leur course sur les enfants. Son visage se ferma, soudainement et elle prit le chemin inverse de tout ce monde. Elle se dirigeait vers le jardin arrière. Je me relevais dans l'intention de la suivre quand une main me stoppa.

- Laisse-lui un peu d'air, mon fils. Cette jeune femme à besoin d'un peu de temps à elle... conseilla-t-il les yeux rivés sur le dos de Charlie qui partait en furie loin de nos yeux scrutateurs.

N'a-t-elle pas plus besoin de soutien ?

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