Chapitre 44 : Joaquin

866 71 1
                                    


Sud de la France - 18 Septembre 2020 - 16h02

Nous pénétrions dans la cour où discutait ma famille et amis, avec précipitation, main dans la main. Tous se tournèrent en notre direction. Je les observais avec espoir.

J'avais abandonné l'espoir qu'ils en rechaperaient tous et voilà, que je venais d'apprendre qu'il en serait autrement. Nous allions tous nous en sortir. Nous allions tous survivre à ces deux mois d'enfer. Nous étions bénis.

Nous nous arrêtions, à deux mètres d'eux, et prîmes un moment pour réussir à formuler une phrase cohérente tant l'excitation nous avait gagné.

- On va partir d'ici, annonça Charlie.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Les enragés approchent ? nous mitrailla Marisol, paniquée.

- Non... Non, rassure-toi, tempéra-t-elle.

- Alors pourquoi ? demanda ma mère.

- Les militaires arrivent pour nous évacuer sur un site sécurisé, parviens-je enfin à prononcer.

Tout le monde se figea à cette annonce. Aucun d'eux n'avait pensé que cela arriverait un jour. Retrouver un monde plus sûr, plus accueillant, ne faisait plus partie de leur espoir. Pourtant aujourd'hui, cela allait se produire. Nous serions plus esclaves de nos peurs. Nous allions plus survivre jour après jour. Nous serions entourés d'une armée d'homme et de femmes surentraîner, prêts au combat. La mort ne serait plus à notre porte, prête à toquer pour qu'on lui ouvre afin de nous emporter avec elle. Nous étions sauvés.

Bethany coura dans les bras de sa mère, les joues souillaient de larmes, un grand sourire sur les lèvres. Ma mère tomba au sol, les mains jointes. Mon père vacilla de soulagement. Esteban et Sonia se jetèrent dans les bras de l'autre en rigolant comme des déments. Lorenzo et Maria en firent de même avant de s'embraser à pleines bouches. Marisol soupira de soulagement tout en s'avançant vers Charlie et la prit dans ses bras dans une étreinte maternelle. Paola, rester à l'écart, baissa la tête pour cacher les larmes qui ruisselaient sur le visage. Il ne manquait plus que deux personnes pour que notre petite troupe soit au complet. Je me retournais dans l'intention d'aller les chercher mais fut stopper dans mon élan. Une femme menue, portant le voile traditionnel des religieuses, se tenait sous l'abri du soleil. Elle tenait la main de mes fils, aux regards ensommeillés. Je m'avançais en leur direction et souriais à la sainte femme puis m'abaisser au niveau des garçons.

- Il va falloir faire vos valises, une nouvelle fois, les garçons. Nous partons.

La réaction de Rory ne se fit pas attendre.

- Encore ? s'exaspéra-t-il ; j'en ai marre de la voiture, papa.

Je rigolais face à son air buté.

- Ça tombe bien alors que nous ne partions pas en voiture, hein ?

Il prit un air perdu.

- Nous allons monter dans un hélicoptère, mon trésor, intervint Charlie, en se plaçant près de moi.

- On va dans le ciel ? s'extasia-t-il.

- Oui. Nous allons voler parmi les oiseaux.

Rory lâcha la main de la religieuse pour me sauter dans les bras avant d'en faire de même avec Charlie, ce qui donna le signal à Tate, qui s'approcha à son tour pour me serrer le cou entre ses petits bras.

- Ils seront là d'ici deux ou trois heures. Il vous faudra être prêts au décollage. Les survivants se font rares, malheureusement, mais existants. Il leur faut se montrer rapide et efficace pour chacun d'entre vous, expliqua la jeune religieuse.

Charlie se releva.

- Nous serons prêts, affirma-t-elle ; nous vous remercions pour tout ce que vous avez fait pour nous. Je sais que vous ne vouliez pas quitter le couvent mais vous avez peut-être changé d'avis..

La femme secoua la tête.

- Non. Nous sommes chez nous, ici. Nous sommes au plus près du Seigneur. Notre place est en ces lieux.

Attristée de laisser derrière nous, ces femmes, nous ne rechignions, néanmoins, pas de leurs choix. Je me tournais vers les autres et lançais à la cantonade qu'il était temps pour nous de rassembler nos affaires. Ils ne se firent pas prier et démarrèrent au quart de tour en partant, chacun, dans leurs chambres provisoires.

Je pris la direction de ma propre chambre, tout à ma joie de voir le chemin que nos vies prenait. Dans cette apocalypse, j'y avais trouvé beaucoup. Ma carrière m'avait conduit à prendre des chemins qui m'avait éloigné de ma famille. En effet toujours sur les routes, je ne les voyais plus autant que je l'aurais souhaité.

Esteban, Sonia et moi avions toujours été très proches, ne passant pas une seule journée sans communiquer mais le monde musical me semblait bien plus exigeant que mon ancienne carrière. De ce fait, je ne passais plus autant de temps avec eux et je devais avouer que cette distance qui s'était établie entre nous, avait été pénible.

Ma mère et mon père, qui avait toujours été un exemple pour moi, m'avaient manqué, également. L'amour, qu'ils me renvoyaient était un bel exemple à suivre. Ils ne s'étaient jamais quitté. Je ne les avais jamais entendues élever la voix, l'un contre l'autre. Ce fut cela que j'avais recherché toute ma vie. Je m'étais bien trompé, néanmoins. Trop aveuglé par la beauté des femmes, je n'ai jamais su voir plus loin et choisir la beauté du cœur. Jusqu'à aujourd'hui.

Dans ce désastre sans précédent, j'y avais trouvé une femme plus belle, plus forte et indépendante, que j'aurais crue possible. Charlie avait été une bénédiction, un cadeau. Elle possédait, certes, un caractère bien à elle, parfois difficile mais j'avais déjà goûter à la facilité et cela pouvait s'avérer ennuyeux au possible. J'étais prêt à parier sur l'avenir avec elle. D'autant plus qu'elle avait entrouvert la porte pour moi. J'étais bien décidé à ne pas gâcher cette opportunité, sachant qu'elle ne serait pas prompte à m'accorder de seconde chance. «Pas le temps pour ces conneries», disait-elle à longueur de temps. J'espérais que le soutien des forces militaires l'aiderait à se détendre et ne plus être sur la défensive, rendant possible une histoire naissante entre nous.

J'espère que tu es prête pour moi, ma jolie, parce que moi, je suis plus que prêt pour toi...

The new beginning of our livesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant