Chapitre 45 : Charlie

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Sud de France - 18 Septembre 2020 - 20h00

Toujours rien. Pas un bruit.

Nous étions tous réunis dans le cloître, attendant le signe évident qu'il était temps pour nous de prendre sac, arme et enfant sous le bras et de courir en direction de la sortie sud du monastère. Nous étions prêts. Nous n'attendions plus que le bruit sourd des hélices lointaines des hélicoptères cobra. Il n'allait pas tarder à faire nuit. Par expérience, je savais que fuir un lieu en pleine nuit était plus risquer. Notre vision était amoindrie. Cela me stressait grandement. Je n'étais visiblement pas la seule dans cet état. Tout le monde s'agitait nerveusement. Les enfants se collaient aux personnes prêts d'eux comme nous leurs avions commander. Ainsi, Rory s'était posté dans les jambes de son père, Tate était déjà dans les bras de Marisol et Bethany s'accrochait à mon débardeur, en me regardant de ses grands yeux bleus. Je tentais un sourire rassurant afin de l'apaiser. Il était primordial que la manœuvre fonctionne. Il en allait de la santé mentale de tous. Nous en avions tous assez de vivre sur le fil du rasoir. Nous étions trop épuisés pour continuer ainsi. Mes pensées ne cessaient de me mener à la même image qui nous avait conduit à nous trouver ici.

Cette femme courant dans cette allée piétonne commercial, destinée à la frivolité saisonnière, le visage en sang, un bout de joue manquante. Puis cette horde d'enragés se dirigeant tout droit sur nous. Les garçons ramassés à la va-vite et enfin notre fuite, toujours plus loin afin de nous préserver. Je revis tous les combats que j'ai dû mener. Toutes les fois où j'aurais pu y laisser la vie. Si je n'avais pas eu toutes ces connaissances en combats et en tirs, je serais probablement plus là pour vivre au milieu de toutes ces personnes formidables. Dans mon malheur, je me sentais chanceuse.Malgré ma tristesse d'avoir perdu ma mère et mes amis, je n'étais pas seule. Je baissais le regard sur Beth, avec émotion. Nous n'étions pas toutes seules.

Je relevais les yeux sur Joaquin. Je n'avais pas seulement trouvé des amis. J'avais lutté contre ce qu'il faisait naître en moi de toutes mes forces mais cela avait été vain. Il était obstiné et persuasif. Mon mauvais caractère ne l'avait pas fait reculer. Il n'avait pas lâché le morceau. Il s'était battu pour me prouver qu'il était celui que je voulais. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il n'avait pas besoin de tout cela pour que j'en prenne conscience. Je le savais déjà depuis un moment et c'était cela que j'avais cherché à fuir. Ces émotions, qu'il ravivaient en moi, m'avaient effrayé. Nous vivions dans un monde où s'attacher à une personne était une énorme erreur à ne pas commettre. J'avais eu peur. J'avais été terroriser par les sentiments engendrés par sa gentillesse, sa combativité, son cœur tendre. Il était la force tranquille, là, où j'étais la force sauvage. Tourmenté par mes démons, je ne parvenais pas à le voir réellement. Les sauveteurs et leur arriver imminente m'ouvraient enfin les yeux. Joaquin était une personne formidable et je m'estimais chanceuse d'avoir retenu son attention.

D'une impulsion du bras, je pris sa main dans la mienne, tout en le fixant jusqu'à ce que ses yeux se plantèrent dans les miens. Je pris une grande inspiration, me purgeant de tous ce mal qui ne m'avait pas quitté depuis le premier jour puis lui sourit tendrement, laissant une larme solitaire glisser sur ma joue. Il releva sa main libre, et l'essuya doucement avant de s'abaisser à mon niveau pour déposer le plus doux des baisers que j'avais reçus.

- Merci, chuchotais-je près de ses lèvres.

- Pourquoi me remercies-tu, ma guerrière ?

Je posais mon front contre le sien, prenant un moment pour réaliser ma bonne fortune. Un petit sourire en coin, je lui répondis en lâchant ses lèvres des yeux pour le regarder dans les yeux.

- Merci d'être toi, tout simplement.

L'étincelle dans ses yeux se raviva et fut éblouissante alors qu'il prit à son tour une longue inspiration et fondit sur mes lèvres. Ce fut un baiser bien différent. Plus vorace, plus déterminé. Il voulait me faire comprendre, à cet instant, qu'il me serait impossible de me débarrasser de lui. Je n'en avais, aucunement, l'intention. Je le voulais. J'avais bien compris qu'il était mien depuis cette fameuse nuit chez ses parents, lorsqu'il avait effleuré mes lèvres des siennes avant de partir se coucher auprès de Rory. Il était temps qu'il sache que j'étais sienne, à présent. J'étais prête à remettre mon cœur dans le jeu de la roulette russe, en priant pour ne pas me tromper. Je savais, cependant, qu'avec Joaquin tout serait différent.

Des applaudissements se firent entendre lorsque nous nous relâchions. Heureux pour nous, tous nous félicités en tapant dans leurs mains, allant chacun de leurs répliques alors que nous avions du mal à descendre de notre nuage.

- Enfin !

Gregorio.

- Pas trop tôt !

Esteban.

- Je suis si heureuse !

Consuela.

- Goal, frérot !

Sonia.

- Il y a des chambres, hein !

Lorenzo.

Lorsque le calme fut revenu, je me permettais de lever les yeux au ciel en penchant la tête de côté face à la gaminerie de certains. Je n'en fus pas moins amusée. Il était bon de se laisser aller à être moi. Je parvenais enfin à me détendre suffisamment afin qu'ils puissent entrevoir qui était la Charlie de Beth, Jo, Craig, John et Ashley.

Une petite main tirait sur mon haut et je baissais la tête vers Beth, qui réclamait mon attention. Elle tira un peu plus pour me faire comprendre qu'elle voulait que je m'abaisse à sa hauteur, ce que je fis, immédiatement. Ses yeux emplis de larmes contrastaient, grandement, avec son sourire. Je passais mes mains sur ses petites joues. Mon cœur se serra à cette vue. N'écoutant que mes sentiments, je m'étais laissé dicter par mes instincts sans prendre en compte ma fille. Cela fut la première fois que j'agissais par égoïsme envers elle. Peut-être n'était-elle pas ravie de ma soudaine relation avec Joaquin.

- Qu'est-ce qu'il se passe, mon bébé ?

Elle renâcla, comiquement, et je sus que je venais de faire une erreur.

- Je ne suis plus un bébé, maman, j'ai huit ans, je te rappelle, contesta-t-elle.

Je rigolais, doucement, à sa litanie.

- Excuse-moi... Qu'est-ce qu'il se passe, ma grande fille ?

Elle zieuta en direction de Joaquin avant de revenir vers moi. Elle rapprocha sa tête de la mienne.

- Est-ce que ça veut dire que j'ai un papa, maintenant ?

Prise par surprise, mes yeux s'écarquillèrent, sous le ton suppliant qu'elle avait employait. Mon cœur se brisa littéralement. J'avais cru qu'elle ne validait pas ce qu'elle venait de voir mais au contraire, elle me demandait si elle avait enfin droit à un papa. Tout s'effondra autour de moi en me rendant compte qu'a trop voir par elle, j'avais fini aveuglé par mes propres convictions de ses supposer besoin.

Attristé par ce constat, j'ouvris la bouche pour lui répondre mais fut couper dans mon élan par le son, reconnaissable entre mille, de pales d'hélices en action. Les secours arrivaient enfin. Les yeux au ciel, je constatais qu'il était temps pour nous de partir. Je plongeais dans les yeux illuminés de ma fille, lui promettant que cette conversation n'était pas fini et qu'elle aurait ses réponses.

The new beginning of our livesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant