49. Sagittarius

13 7 7
                                    


La lutte entre les deux Armadas se poursuivit durant une dizaine de minutes, dans une grande confusion. Les tirs amis ne furent pas rares, mais personne ne put en tenir le décompte.

Puis Mjöllnir mit fin à l'illusion.

Durant tout ce temps, l'Armada dédoublée n'avait fait que suivre la stratégie prévue. Cette stratégie était sur toutes les lèvres, dans tous les esprits ; or Hélios avait lu ces esprits dans leurs grandes lignes.

Alors qu'ils n'étaient plus qu'à dix millions de kilomètres de Sol Perago II, disparaissant dans la lumière du premier soleil éclaté, Mjöllnir arrêta brutalement les marteaux. L'illusion poursuivit son mouvement quelques secondes, sans objet. Cet inattendu brisait la symétrie ; les vaisseaux fantômes furent happés par un nouveau banc de brume scintillante.

« Que se passe-t-il ? lança l'amirale Ek'tan.

— L'inattendu » dit Adrian.

Mjöllnir et ses marteaux avaient désormais dépassé l'Armada, qui naviguait à peine dans leur sillage ; ils formaient un groupe de points brillants minuscules face au soleil furieux. Ek'tan ordonna qu'on obtienne une image plus précise de la flèche argentée, que l'on traita pour en ôter la luminosité. Mjöllnir était de nouveau immobile par rapport à Sol Perago II. Il se retournait vers eux. Il tournait le dos à Hélios, leur ennemi !

« Mais que fait-il ? s'exclama l'amirale, au bord de la crise de nerfs.

— Il fait ce qui doit être fait.

— Soyez plus précis !

— Vous croyez que je lis dans ses pensées ? Si Mjöllnir agit ainsi, c'est qu'il a un meilleur plan. Un plan qu'il ne pouvait pas vous révéler, sous peine de le révéler également à Hélios ! Vous savez ? Le gars qui s'est mis dans un phare, au milieu du système, qui voit tout et qui lit nos pensées de surface ?

— Essayons de comprendre » proposa Ivan.

Là encore, ce ne fut pas nécessaire.

Une crête de flammes hautes de milliers de kilomètres apparut sur tout le diamètre de l'étoile. Sol Perago II se brisait en deux comme une noix. Sa surface se boursoufla comme une montgolfière qui éclate ; l'étoile explosa sous leurs yeux.

Comme il était prévu, les mille cinq cent marteaux se mirent en marche durant un quart de seconde ; le temps de dévier la vague de feu stellaire qui s'abattait sur l'Armada.

Ils baignèrent dans un océan de lumière, puis le plasma se dispersa, se refroidit et l'explosion sembla se rétracter jusqu'au centre du système, où les restes de Sol Perago II rejoignirent ceux de son jumeau sur l'orbite originelle du soleil.

« Mjöllnir... où est-il passé ?

— Il s'en va, dit Adrian.

— On dirait qu'il se dirige vers le pont d'Arcs Perago B, crut un pilote.

— Il est en train de mener Hélios à Stella Rems ! »

Un point de lumière sortit du champ de débris incandescents de l'étoile et fendit l'espace, tout près de l'Armada. Les relevés furent formels : sa masse gravitationnelle était celle de plusieurs étoiles. Le corps d'Hélios avait échappé à Hadès ; le trou noir, éjecté lors de l'explosion, s'évaporerait comme un pétard mouillé. Hadès était un leurre. Mjöllnir les avait tous dupés.

« Ivan ! lança Ek'tan. Fermez le pont.

— Pardon ?

— Il faudra dix minutes pour que l'information parvienne au disrupteur. Nous n'avons pas le temps d'attendre ! Fermez le pont !

Nolim III : Les Trois Noms du dieu-soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant