- Novembre 2007 -

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Jusqu'ici, les tensions entre ma mère et moi s'étaient un peu tassée. J'avais acquis un bon niveau au violoncelle et en solfège et suivais des cours supplémentaires au conservatoire. J'étais également la meilleure élève de ma classe dans tous les cours. Sûrement par peur que maman ne me retire une fois de plus l'une des choses auxquelles je tenais plus que tout, j'obéissais sagement et faisais ce qu'on attendait de moi.

Mais ma vie se corsa lorsque, à mon entrée en quatrième, je commençais à m'intéresser aux garçons. J'ai entendu des adultes parler de cette période de la vie d'un ado comme de « l'âge con ». Et me concernant, ce n'était pas peu dire !

Autour de moi, des couples se formaient, ce qui me donnait envie de goûter au bonheur d'avoir un petit-ami. Je lorgnais depuis quelques temps un garçon de ma classe, Arnaud, pour qui je n'existais pas. Il était du genre populaire. Pas moi. Quant à Louna, elle sortait avec un dénommé Kevin. Pas le plus intelligent dans son genre, mais il n'était pas méchant et nous rigolions bien. C'était également l'une des rares personnes à affectionner le même genre musical que ma meilleure amie et moi.

Dans une région où les collégiens écoutaient très majoritairement du rap ou de l'électro, nous étions des excentriques. Bon, surtout Louna avec ses tee-shirts de groupes de metal, ses grosses bottes et ses treillis. Ceci expliquait entre autres pourquoi Arnaud ne me regardait pas comme moi je le regardais. De plus, je m'habillais de manière très classique, ce qui me permettait de passer inaperçue la plupart du temps. Mes parents n'ayant aucune connaissance de ma passion pour cette musique un peu violente, je ne pouvais décemment pas me ramener les bras chargés de vêtements noirs, où des mots comme « Nœud coulant » ou bien « Mort » seraient inscrits dans une typographie agressive. De plus, je ne voulais pas risquer de perdre ma seule véritable amie, la seule chez qui je pouvais m'allonger des heures durant pour écouter System Of A Down, Motörhead ou encore Slipknot.

Cependant, même si je ne trouvai pas l'amour cette année-là, ma vie prit tout de même un tournant.

Un samedi, alors que Louna et moi nous promenions comme souvent en plein centre-ville, nous sommes tombées sur un artiste de rue que nous croisions régulièrement. Ce qui m'a interpellée en premier chez cet homme, c'est qu'il était gaucher. Il jouait du violon et de la guitare dans un style contemporain un peu jazzy, il était bourré de talent, et il avait un sacré matos. Une boîte à rythme, une grosse enceinte qui rendait un son clair, et toute une batterie de pédales lui permettaient d'enregistrer plusieurs séquences pour en faire une chanson. À chaque rencontre, nous nous arrêtions une bonne demi-heure pour l'écouter et lui laissions toujours une pièce pour l'encourager.

Mais ce samedi-là, il faisait un peu froid et les passants se faisaient rares. Je ne sais pourquoi, il joua deux ou trois chansons avant de venir vers nous.

— Bonjour, jeunes demoiselles !

Nous lui répondîmes en cœur, un peu intimidées. L'homme, qui devait avoir une petite trentaine d'années, nous sourit.

— Comme vous êtes mes seules spectatrices aujourd'hui, est-ce que ça vous plairait que j'vous joue que'que chose ?

Étonnée, je regardai Louna. Après une brève conversation télépathique, nous hochâmes la tête d'un air entendu, avant de lui demander s'il avait des chansons de metal ou de rock dans son répertoire. La main sous le menton et les yeux perdus dans le vague, il réfléchit quelques secondes avant de claquer des doigts.

— J'crois qu'j'ai c'qu'il vous faut !

Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant