- Septembre 2009 -

110 26 24
                                    

La nouvelle année scolaire marqua mon entrée au lycée. Et avec elle, je prenais possession de ma chambre d'internat, que je partageais avec trois autres filles de ma classe.

En été, maman travaillait plus que le reste de l'année – les cadres et autres patrons profitaient de cette période de vacances pour dénicher la maison de leurs rêves – et elle laissa à mon père le soin de me trouver un établissement convenable qui saurait me recadrer. Il porta son choix sur un lycée catholique privé où les élèves étaient obligatoirement internes. Même si cela impliquait que je ne verrais plus ma mère en semaine, la nouvelle ne m'enchantait qu'à moitié. Ma génitrice, elle, fut ravie.

Mon père vanta les mérites du lycée et de son système éducatif. Lorsqu'il fut question de mon cursus scolaire, la dispute éclata entre mes parents. Ma mère voulait que je fasse un bac scientifique, diplôme le plus réputé par tous les établissements d'enseignement supérieur. Heureusement pour moi, mon père me connaissait assez pour savoir que ce n'était pas ce que je voulais et, je ne sais par quel miracle, il réussit à convaincre maman qu'un bac littéraire était un meilleur choix. D'après lui, cela m'ouvrait les portes pour devenir professeur et ainsi m'assurer un revenu convenable tout au long de ma carrière, ainsi que la sécurité de l'emploi.

Ce n'est que lors de l'inscription aux cours optionnels que je compris à quel point mon père était génial et combien il m'aimait : ce cursus me permettait de choisir un cours de musicologie en plus de mes cours obligatoires ! Mon futur commença à se dessiner plus nettement dans ma tête car, avec ce bagage en poche, je pourrais poursuivre des études pour devenir professeur de musique si mon plus grand rêve n'aboutissait pas. Non, je ne doutais pas de mes capacités à réussir, j'étais seulement consciente qu'il est difficile de se faire un nom et une place dans le monde de la musique. Je savais que beaucoup avant moi avaient voulu percer comme musiciens professionnels et n'y étaient jamais parvenus malgré tous leurs efforts. Il me fallait donc une bouée de sauvetage si je ne voulais pas me retrouver à mendier sur un trottoir, mon berger allemand pour seule compagnie et deux euros par jours pour manger.

Je découvris la seconde surprise que papa avait caché à la mégère en lisant le règlement intérieur de l'internat : chaque étudiant était libre de décorer son coin de chambre comme il le désirait, dans la limite du raisonnable et du respect des autres, et nous pouvions y amener tout ce que nous voulions – alcool et produits illicites mis à part – l'établissement se déchargeant néanmoins de toutes responsabilités en cas de vol. Forcément, il ne me fallut pas cinq minutes pour envoyer un SMS à Louna avec mon portable flambant neuf et lui demander de ramener ma guitare le soir même. Comme je n'avais pas besoin de beaucoup de vêtements pour tenir une semaine et que je rentrais chez moi tous les vendredis soir, j'enfermai l'instrument à double tours dans mon petit placard.

C'est tout de même le cœur lourd que je commençais ma première journée de cours, séparée de ma meilleure amie, cette personne que je considère comme une sœur et avec qui je partageais et vivais tout depuis ma plus tendre enfance. Elle était, comme Mathilde, dans le même lycée que mon frère, à une quinzaine de minutes de marche de mon bahut. Mais avec les cours et les devoirs que nous avions à faire, il nous était impossible de nous voir tous les jours. Pour mon frère, c'est surtout sa relation toute neuve avec Mathilde qui l'empêchait de venir me voir. À la place, lui et ma meilleure amie m'appelaient au moins une fois par semaine. Il restait les week-ends, bien sûr. Mais même si ma punition avait été levée, ce n'était pas comme avant.

Comme je ne pouvais pas vivre comme ça, je décidais dès la deuxième journée de cours de me faire de nouveaux amis. J'avais de la chance, contrairement à certaines, car les filles qui partageaient ma chambre étaient sympa. J'avais entendu parler d'une fille du couloir parallèle au mien qui se faisait martyriser par ses colocataires. Elle dû échanger de chambre avec quelqu'un d'autre et ce fût pire. Au bout de la troisième piaule, elle trouva un équilibre. Oui, j'avais vraiment de la chance. Marie, Alix et Thaïs, mes colocataires, étaient agréables et nous faisions en sorte de nous entendre.

Les secondes avaient le droit de sortir deux soirs par semaines et j'en profitais pour m'évader dans les rues de la ville tout en gardant un œil sur l'heure pour ne pas louper le dîner au self. Parfois mes trois colocataires m'accompagnaient pour s'aérer la tête. Nous allions acheter quelques cochonneries à la supérette du coin avant de nous rendre dans un parc situé derrière le lycée, et nous nous installions sur les balançoires et autres jeux pour enfant pour grignoter, discuter et apprendre à nous connaître. Souvent, nous finissions par parler de garçons. Mais parler de musique me manquait. Et comme elles avaient toutes les trois pris Art Appliqué en option, je me retrouvais parfois à l'écart de la conversation. Alors j'aimais aussi échapper à leur compagnie de temps à autre. D'autant plus qu'elles avaient une taille mannequin et moi, une fâcheuse tendance à prendre facilement du poids. Je stoppais net cette mauvaise habitude lorsque la balance afficha cinq kilos de plus que mon poids habituel.

Si les filles étaient cool, c'est surtout avec mes camarades du cours de musicologie que je m'entendais le mieux. Lors de mon premier cours, qui avait lieu tous les vendredis après-midi, je fus surprise de voir le nombre d'élèves qui affectionnaient le même genre de musique que moi. Un grand sourire étira mes lèvres tandis que je lisais les noms des groupes de metal et de rock inscrits sur plus de la moitié des tee-shirts que portaient les élèves présents dans la salle. Des garçons, pour la majorité, dont beaucoup avaient les cheveux longs. Je sympathisais rapidement avec quelques-uns d'entre eux, mais ceux qui retinrent vraiment mon attention furent Corentin, Léo, Chris et Alex. Surtout Alex.

Lorsque je le vis entrer dans la salle de classe pour la première fois, j'eus l'impression que le temps s'était suspendu pour me permettre d'admirer son physique. Il avait alors tourné la tête et, quand son regard émeraude avait rencontré le mien, il m'avait adressé un sourire à tomber. Mais, étant l'un des plus beaux mecs du lycée, je le savais inaccessible pour quelqu'un comme moi, et je préférais l'admirer de loin.

Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant