- 9 Décembre 2011 -

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Durant la convalescence qui suivit mon accident, je passais mes journées à bosser les cours que Chris avait suivis la veille. Le soir, Alex et nos trois meilleurs amis passaient pour m'amener les devoirs, prendre de mes nouvelles et jouer un peu de guitare avec moi, histoire que je ne perde pas la main. Forcément, nous avions dû annuler le concert prévu une semaine après tout ce bazar. Léo m'avait rapporté que, loin d'être gênés par ce contretemps, le gars qui organisait la fête avait surtout demandé de mes nouvelles et souhaité que je me rétablisse au plus vite.

Voir mes amis tous les jours me faisait un bien fou au moral, d'autant plus que j'étais seule le reste de la journée. Noël était trop proche et mon père n'avait pas pu prendre de congés pour veiller sur moi. La mort dans l'âme, il m'avait demandé de lui promettre de l'appeler à son travail si je sentais la moindre douleur, même si ça me semblait anodin.

En bon père, il avait tenu ma mère informée des derniers événements. Mais elle ne m'avait pas appelé et n'était pas non plus venue me voir. Une fois de plus, elle me prouvait tout l'amour qu'elle me portait ! Ce qui n'était pas vraiment surprenant, en somme.

Celui qui me surprit, en revanche, fut papa. Le vendredi précédent mon retour au lycée, il proposa à Alex de rester manger et dormir chez nous.

— Euh, vous êtes sûr, Éric ? demanda mon petit-ami, visiblement mal à l'aise.

Assis à même le tapis sur lequel reposait la table de salon, Léo, Chris et Louna se retenaient de se moquer de notre guitariste. Mon père appuya son épaule contre le buffet haut et croisa ses bras sur son torse.

— Alex... Toi et Amélia êtes ensemble depuis combien de temps ? demanda la figure paternelle, une lueur amusée dans le regard.

— Ça a fait deux ans la semaine dernière, répondit-il.

Je ne pus m'empêcher de le fixer avec stupéfaction. Nous n'étions pas de ces couples à fêter ce genre de choses, mais je ne me doutais pas qu'il se souvenait de la date avec autant de précision.

À côté de nous, nos amis avaient de plus en plus de mal à contenir leurs rires.

— Hum... grogna mon père avant de se tourner vers nos amis. Faites bien attention, bande d'idiots. Vous en mènerez pas beaucoup plus large que lui le jour où ça vous arrivera ! Allez, oust ! Rentrez donc chez vous avant que je raconte à vos parents des mensonges qui vous garantiront une punition exemplaire !

Malgré son ton autoritaire et son air menaçant, aucun de nous n'était dupe. Mon père était un grand blagueur et il aimait beaucoup faire peur à mes amis. La bande d'idiots en question se leva tout de même, remballa ses cours en quatrième vitesse avant de nous saluer et de partir comme s'ils avaient le diable aux trousses. La porte était à peine fermée que nous les entendîmes rire à gorge déployée. Le sourire aux lèvres, papa vint s'asseoir à côté de moi sur le canapé et posa son bras sur le dossier derrière moi.

— Ne reste pas planté là, Alex ! Assis toi, je ne vais pas te mordre.

— Et pourtant t'en es capable, marmonnai-je en me retenant de rire.

L'air tout à fait mal à l'aise – ce qui ne lui ressemblait pas – Alex s'assit à l'autre bout du canapé, le plus loin possible de moi.

— Bon, ça fait deux ans que vous êtes ensemble et tout ce que je connais de toi me vient d'Amélia ou de tes parents. Je pense que c'est plutôt sérieux entre vous deux. Tu ne peux donc pas me reprocher de vouloir apprendre à te connaître, si ?

— Non, vous avez raison, répondit mon petit-ami d'une voix hésitante.

— Et, par pitié, arrête de me vouvoyer ! s'exclama papa en levant les yeux au ciel. Ça me donne l'impression d'être vieux et grabataire.

— D'accord. Euh... Je devrais peut-être appeler mes parents pour les prévenir.

— Déjà fait, répliqua mon père. Yoann et Mathilde viennent manger avec nous, ils vont passer chez toi récupérer quelques affaires que ta mère t'aura préparé.

— Pitié, tout sauf ça... gémit Alex en surjouant un peu. Je la connais : elle va me mettre un vieux slip kangourou et un tee-shirt ignoble, tout ça pour me faire chier !

J'éclatais de rire, tout comme mon paternel, et le masque de mon tendre amour se fendilla jusqu'à ce qu'il joigne son rire aux nôtres.

— Vous... pardon. Tu es sûr que ça ne te dérange pas que je passe la nuit ici ? reprit Alex avec hésitation. Je veux dire... Le canapé me convient parfaitement mais...

— Arrête donc ! le coupa mon père en se levant, l'air exaspéré. Alex, toi comme ma fille serez majeurs dans quelques mois.

— C'est ça, faites comme si j'étais pas là, grommelai-je.

L'air renfrogné, je m'installai au fond du canapé et croisai les bras sous ma poitrine.

— Je suis tout à fait conscient qu'elle ne peut plus entrer au couvent depuis longtemps, continua le paternel sans se soucier de moi. Et je suis prêt à mettre ma main au feu que tu y es pour quelque chose.

Alex devait se sentir pris au piège. Il commença à blêmir et à gigoter à mes côtés. Mais c'était mal connaître Éric Favre que de penser qu'il était ce genre de père. Ce dernier enchaîna avec un ton plein de vigueur.

— Et tu sais quoi, gamin ? Ça me va très bien comme ça ! Pascale, mon ex-femme, aurait bien voulu la garder pure et chaste jusqu'au mariage, expliqua-t-il en me désignant d'un geste du menton. Ce qui est une belle connerie, si tu veux mon avis. Vous profitez de votre jeunesse, vous essayez de réaliser vos rêves et vous êtes quand même, tous autant que vous êtes, responsables et un minimum réfléchi. Et donc...

Papa passa sa main sur sa barbe de trois jours et me regarda, sourcils froncés.

— Où est-ce que je voulais en venir déjà ? demanda-t-il.

— Le couchage, papa, lui soufflai-je en souriant.

— Ah oui ! Donc, c'est pas vraiment au canapé que je pensais quand je t'ai proposé de dormir ici ce soir, si tu vois où je veux en venir.

Il joua de ses sourcils pour se donner un air... Je ne sais pas vraiment ce qu'il voulait se donner, mais c'était carrément ridicule. Alex pouffa tandis que je retenais un soupire d'exaspération.

— Papa, tu veux bien arrêter, s'il-te-plaît ? Je crois qu'on a compris et ça devient super gênant, là !

Mon père éclata de rire avant d'annoncer qu'il devait encore terminer de faire à manger.

Mon frangin et Mathilde se pointèrent environ une demi-heure plus tard, alors que mon tendre amour et moi-même jouions une reprise de Secondhand Serenade. Oui, c'était un peu cucul en comparaison de ce que nous jouions habituellement, mais c'était un bon exercice de fingerpicking et la chanson est très jolie. Le repas se déroula dans la bonne humeur, mon père, mon frère et Mathilde racontèrent à Alex toutes les anecdotes les plus gênantes sur mon compte, avant de poser une tonne de questions à mon petit-ami pour en savoir le plus possible sur lui.  

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Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant