- Mai 2011 -

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Louna débarqua un jour dans le garage de Chris en faisant comme si elle était chez elle. J'étais seule avec les garçons et nous répétions. Nous jouions une version arrangée à notre sauce de « Wherever I May Roam » de Metallica. À la fin de la chanson, mon amie applaudit et sourit vivement.

— Je vois que vous progressez rapidement !

— On est pas encore prêts à se produire devant des gens, mais c'est mieux au fil des semaines, concédai-je.

— Tu veux encore brûler les étapes, bébé, me rappela Alex, les yeux emplis de tendresse en caressant mon épaule nue du bout des doigts.

— Ouais, mais je suis tellement pressée que le groupe décolle et tout !

— C'est pas en jouant des reprises que vous deviendrez le meilleur groupe de metal de tous les temps, affirma Louna. Et c'est pour ça que je vous ai ramené ceci.

Comme si elle venait de découvrir le Saint Graal, elle sortit de son sac une bonne dizaine de petits carnets que je ne connaissais que trop bien. Les regards curieux des garçons firent l'aller-retour entre ma tête horrifiée et les calepins.

— Oh, non ! m'exclamai-je et bougeant les paumes de mes mains face à elle. Me dit pas que t'as été fouiller dans ma chambre !

— En fait, c'est ton père qui les a retrouvés en rangeant les derniers cartons. Il m'a appelé pour que je te les apporte. Il pensait que ça te ferait plaisir et que vous pourriez peut-être piocher là-dedans pour faire vos propres chansons.

— Louna, tu sais très bien que ce ne sont que des gribouillis de gamine !

J'étais hors de moi qu'elle ait pu penser que quoi que ce soit d'hypothétiquement potable puisse être écrit là-dedans. De plus, elle me connaissait assez pour savoir que je serais embarrassée à l'idée que mes amis lisent ça. En fait, non : j'étais complètement paniquée ! Mais la curiosité des garçons fut trop forte et, comme Louna ne savait pas tenir sa langue, elle leur avoua que c'était mes chansons, consignées depuis des années dans ces petits calepins.

J'avais honte de la plupart de ces textes, dont les plus vieux dataient de mes douze ans, âge auquel j'avais pris l'habitude de coucher sur le papier tous mes soucis pour me les sortir de la tête. La majorité de ce que j'écrivais se retrouvait sous forme de vers et de strophes sans que je ne le veuille vraiment. Mais Louna avait raison : on ne pouvait pas espérer se faire un jour repérer par un producteur en ne jouant que des reprises. Il nous fallait quelque chose de frais et d'original. Quelque chose de nouveau.

Je sortis fumer une clope pour réfléchir et fut bien vite rejoint pas Louna.

— Ton père m'a aussi dit que tu t'entraînais à chanter tous les soirs. C'est bien.

Je grimaçai de honte et elle rit.

— Je sais que t'aimes pas ta voix, poulette. Mais je t'assure que tu fais un malheur, derrière un micro.

Je rougis, lui adressai un sourire timide et la remerciai.

De retour dans le garage, je donnai mon accord aux garçons pour qu'on joue certaines de mes chansons. Mon beau guitariste m'apprit alors qu'il écrivait aussi et qu'on pourrait prendre quelques-unes des siennes.

Alors que nous reprenions place derrière nos instruments, Louna s'exclama :

— Hey, Alex. Et si t'en profitais pour nous montrer ce que tu sais faire en matière de chant saturé ?

Chris et moi dévisageâmes l'intéressé, qui rentra la tête dans les épaules comme un gosse prit en faute.

— On parle bien de ce que je pense ? demanda le batteur.

Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant