- 16 Février 2011 -

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Après le jugement du divorce, nos vies devinrent plus agréables que jamais. Yoann, papa et moi avions passé Noël avec les Ledoux, et Alex avait invité toute notre bande à célébrer le nouvel an chez lui. 2011 allait être une année de changements et de nouveautés, mais je ne me doutais pas à quel point.

Vers la mi-Février, comme tous les mercredis, Monsieur Vial anima mon dernier cours de la journée : musicologie. Après les fêtes, et suite à notre plantage général au dernier contrôle de l'année, il avait décidé de reprendre les bases : notes, clés, partitions, gammes... Tout y passait. Autant dire que pour quelqu'un qui, comme moi, avait derrière lui des années de solfège, c'était à mourir d'ennui. Mais on ne peut bien comprendre la musique que si on sait la lire, n'est-ce pas ?

Et ce jour-là, notre prof annonça ce que tout élève normalement constitué redoutait le plus :

— Vous allez me montrer que je ne me casse pas le cul depuis sept semaines pour rien, c'est bien clair ? tonna la voix de Monsieur Vial.

Non, cet homme ressemblant à Georges Clooney dans Ocean's Eleven, les cheveux mi-longs en plus, ne se gênait pas pour utiliser un langage familier.

— On a deux heures. Chacun de vous va être évalué individuellement.

Interrogation orale devant toute la classe, donc. Et en musique, quand on parle d'interrogation orale, on ne parle pas que de théorie. Il faut aussi montrer qu'on sait mettre en pratique.

 — Vous allez me jouer une gamme avec l'instrument de votre choix – je peux tout de suite mettre zéro aux petits malins qui pensaient utiliser le triangle – et ensuite avec votre voix.

La blague du professeur déclencha quelques rires. Mais Monsieur Vial avait braqué son regard sur moi et prononçant les derniers mots, et je ne pus cacher le mélange d'horreur et d'angoisse que cette annonce provoquait en moi. Je refusais catégoriquement de chanter depuis son premier cours, l'année dernière. Et aujourd'hui, il avait décidé de me les briser menues en me mettant au défi d'y échapper une fois de plus.

À mes côtés, Alex attrapa ma main et la serra dans la sienne en signe de soutien. Je tournai le regard vers lui et me perdis dans ses yeux émeraude. Puis il afficha un sourire compatissant. Il était à croquer, mais même ça ne parvint pas à me calmer.

— Je sais que tu peux le faire, murmura-t-il sans vraiment émettre de son.

Je hochai la tête avec beaucoup d'hésitation, puis reportai mon attention sur le prof.

— Oui, Amélia, ça veut dire que tu vas devoir nous faire entendre ton joli timbre, ajouta ce dernier avant de se tourner vers son piano.

J'eus le temps d'apercevoir un sourire narquois illuminer le visage de mon prof.

Quelle enflure !

— Et comme je suis un professeur exceptionnel, continua le sadique, je vais abréger tes souffrances et te faire passer en premier.

— Quoi ?! m'écriai-je en me levant d'un bon de ma chaise. Non, m'sieur ! Vous pouvez pas me faire ça !

— Et depuis quand il est autorisé de me contredire ? Je suis ton professeur, Amélia. Bouge-toi, attrape le seul instrument avec lequel tu puisses jouer dans cette pièce, et vient poser tes fesses sur cette chaise ! m'ordonna-t-il en désignant l'inconfortable meuble installé non loin de son piano.

J'avais toujours eu horreur de me faire remarquer. Alors je lâchai la main d'Alex, serrai les poings, et attrapai le seul instrument de gaucher dans la classe : le violoncelle. Monsieur Vial l'avait acheté d'occasion l'année dernière, afin que je ne me retrouve pas en marge des autres. Si son cours était surtout théorique, il aimait bien nous faire pratiquer de temps en temps, ce qui me réjouissait. Enfin, jusqu'à aujourd'hui.

Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant