Metal Queen - Tome 1

- Septembre 2008 -

J'ai passé les dernières semaines de l'année scolaire et tout l'été à ruminer ma rancœur envers mes parents. Même si bosser mes cours et trier de la paperasse dans l'agence de ma mère n'était pas dans mon top des choses à faire durant les vacances, le fait de travailler m'avait fait du bien et m'avait permis de mettre un peu d'argent de côté. Argent dont je savais déjà quoi faire, car j'avais un plan pour passer à travers les barbelés électrifiés dans lesquels mes parents m'emprisonnaient.

J'attendis quelques jours après la rentrée pour annoncer :

— J'ai discuté avec mon professeur principal aujourd'hui. Il y a un programme de renforcement pour préparer ceux qui en ont besoin à l'épreuve du brevet. J'aimerais m'y inscrire.

Non, je n'avais pas retourné ma veste. Attendez donc la suite avant de me juger !

Les trois membres de ma famille stoppèrent leurs gestes d'un même mouvement et me dévisagèrent. Mon frère avait la bouche fermée et les joues gonflées de nourriture comme un hamster, le verre d'eau de mon père était à quelques centimètres de ses lèvres, et ma mère venait de planter sa fourchette dans ses raviolis.

Il y a une bonne raison pour laquelle je choisissais toujours l'heure du repas pour faire ce genre d'annonce. Premièrement, j'aurais pus essayer de n'en parler qu'à mon père, mais il était trop honnête pour ne pas en discuter avec ma mère une fois notre conversation terminée. Prendre mes parents à rebrousse poils n'aurait servi à rien d'autre que mettre mon père dans l'embarras, et je le savais déjà assez mal à l'aise dans ses baskets comme ça. Deuxièmement, j'étais sûre de trouver mes deux parents au même endroit au même moment et je n'aurais donc pas à me répéter. Troisièmement, mon frère serait forcément présent et donc témoin de toute la scène. On ne sait jamais, en cas d'homicide involontaire, ça pouvait servir.

La fourchette de ma mère finit par riper sur la porcelaine en produisant un son strident qui nous fit tous grimacer de douleur. Mon père reposa son verre et sourit.

— C'est une bonne idée, ma puce. N'est-ce pas, Pascale ?

L'intéressée cligna des yeux comme si elle avait eu un moment d'absence.

— En effet. Si ça peut t'aider à réparer la catastrophe qu'a été ton année de quatrième et que ça t'aide pour obtenir ton brevet avec mention très bien, je n'y vois pas d'inconvénients.

Seul mon second trimestre avait été catastrophique. Et encore, j'en connais qui auraient voulu avoir ma moyenne. Mais passons.

Je souris et les remerciais avant de répondre à leurs interrogations en matière de logistique.

— J'ai également pensé que comme j'ai travaillé cet été, je pourrais moi-même payer ces cours supplémentaires, ajoutai-je quand mon père amena le dessert.

Là, je n'étais vraiment pas sûre que ça marche. Il le fallait pourtant, car c'était l'un des points cruciaux de mon plan : si maman se pointait au collège pour payer des cours qui n'avaient jamais existé, ce serait moi qu'ils mangeraient au prochain dîner !

— Mais non, enfin, Amélia ! s'exclama papa, un sourire tendre sur les lèvres. Je comprends que tu veuilles racheter ta faute mais nous pouvons...

Comme très souvent, maman leva la main pour lui intimer le silence avant de déclarer :

— Je pense que c'est une bonne chose que notre fille apprenne la valeur du travail et de l'argent, Éric. Si tes économies de cet été ne suffisent pas, nous verserons le complément. J'irais voir ton professeur principal dans la semaine pour discuter du programme avec lui.

J'aurais sauté de joie de voir qu'elle acceptait que je paye mes cours. Mais ça m'aurait grillé. Et de toute façon, sa dernière phrase me forçait à rester dans mon rôle. Heureusement, je savais ma mère méfiante et j'avais donc prévu le coup. Avec un sourire avenant, je sortis de la poche arrière de mon jean une feuille sur laquelle figurait le logo de mon collège et la liste d'un programme de renforcement, tous deux trouvés sur internet. Mon heure d'étude au CDI avait été productive, en un sens.