- Septembre 2000 -

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Le soir de la rentrée des classes, maman nous fit la surprise de venir nous chercher à la sortie des cours. Au lieu de rentrer à la maison, elle nous conduisit dans une école de musique. Je vis le panneau sur la devanture et repris espoir. Je souriais de toutes mes dents. Jusqu'à ce que je comprenne qu'elle m'inscrivait à des cours de violoncelle. Non mais quelle idée ! J'étais tellement déçue que je ne pus me retenir :

— Mais non, maman ! C'est des cours de guitare, que je veux !

Le prof leva le nez de la feuille qu'il était en train de remplir et interrogea ma mère du regard, comme si elle avait fait l'erreur sans le vouloir.

— Le professeur de guitare est juste à côté, madame.

— Non, non, répondit maman. Il n'y a pas d'erreur.

Puis elle se tourna vers moi.

— Ma puce, si tu dois apprendre à jouer d'un instrument, je préfère que ce soit quelque chose de plus classique que la guitare. Si nous voyons que tu as de vraies capacités, nous t'inscrirons au conservatoire.

Alors que le professeur ouvrait la bouche pour répliquer, ma mère lui adressa son fameux regard noir, ce qui tua sa phrase dans l'œuf. Il fronça les sourcils et fit signer le formulaire à ma mère.

Je suppose qu'il voulait signaler à ma mère que le conservatoire formait tout autant à la guitare qu'aux instruments plus... Traditionnels, disons. Symphoniques. Et, pour la plupart, les cours se cantonnent à la guitare classique, même si de plus en plus de conservatoires proposent des cours de guitare moderne. Mais ma mère n'aurait jamais permis à quiconque de lui prouver qu'elle avait tort. Encore moins devant ses enfants.

Tout en classant ma feuille d'inscription dans un trieur, mon professeur me regarda d'un air compatissant.

— Je suis monsieur Bertin, mais tu peux m'appeler Olivier. On se verra tous les mardis, Amélia. Et tu verras madame Samson, la prof de solfège, tous les samedis matin.

— Le solfège est obligatoire ? demanda ma mère d'un air affligé.

— Si on veut qu'elle sache lire une partition, je crains que oui. C'est un passage obligé pour tous les musiciens, madame.

Elle hésita quelques instants avant de conclure, résignée :

— Très bien.

— À mardi, Amélia, me lança joyeusement monsieur Bertin.

Je hochai mollement la tête et le saluai de la main, ma mère tirant l'autre vers la sortie. Dans la voiture, mon frère posa sa main sur la mienne en signe de réconfort tandis que maman me grondait pour l'avoir contredit devant le professeur. Ensuite, elle m'expliqua que tous les guitaristes célèbres dont elle avait entendu parler ne jouaient que de la musique de sauvage et qu'ils finissaient tous drogués. Et, forcément, elle ne voulait pas de ça pour moi.

Quand nous rentrâmes à la maison, mon père nous attendait dans le salon, une grande boîte ornée d'un nœud posée contre l'accoudoir du canapé.

— Bonsoir, ma grande ! Viens donc ouvrir ton cadeau, m'incita mon père en désignant la boîte.

Un grand sourire ourlait ses lèvres. Méfiante, je m'approchai de l'objet, le posai à terre, et ouvrai les attaches en métal pour soulever le couvercle. Enveloppé dans un écrin de velours, un violoncelle m'attendait. Ma déception augmenta : mes parents ne m'avaient même pas laissée choisir l'instrument ! Mais je me souvins de la réaction qu'avait eue ma mère lorsqu'elle avait compris que je n'aimais pas mes cadeaux d'anniversaire, et souris en les remerciant. Puis je sortis l'instrument et son archet, m'assis sur ma petite chaise, et essayais de jouer. La note que je produisis arracha une grimace à tout le monde, même moi.

Metal Queen - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant