Chapitre 34

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Cela fait maintenant une semaine qu'Alix est dans le coma. Je n'ai pu la voir que très rarement, deux ou trois fois, à mon grand désarroi. Son père était présent une grande partie du temps, ce qui est tout à fait logique et normal. Cela m'empêchait de venir, car il aurait sûrement trouvé suspect ou bizarre qu'une de ses profs viennent lui rendre visite aussi régulièrement. Cette semaine, il n'est pas là, ce qui me permet de passer tous les soirs. Je compte bien passer chaque minute de mon temps libre avec elle. Avec les élèves de sa classe, nous lui préparons un petit cadeau pour son réveil. Nous ne savons pas quand il aura lieu, mais cela nous permet à tous de garder espoir. Car cet incident survenu en classe ne me touche pas uniquement moi. L'ensemble de ses camarades de classe étaient présents et certains font partie de ses amis proches. C'est un moment très difficile à vivre pour tout le monde.

Cette journée de Lundi est interminablement longue. Sûrement parce que je suis impatiente de retrouver Alix. Je termine mon dernier cours, celui de ma classe de terminale. Depuis la semaine dernière, ce cours est une épreuve relativement douloureuse, car faire l'appel en voyant la chaise d'Alix vide est une souffrance. Cela me rappelle à chaque fois qu'elle est dans un lit d'hôpital, en train de se battre pour se réveiller. À la fin de l'heure, je range mes affaires et répond brièvement aux questions sur le cours. Beaucoup concernent l'examen de la semaine prochaine, mais Chloé, qui est visiblement très amie avec Alix, me demande comme chaque jour si j'ai des nouvelles concernant son état de santé.

« Je suis désolée Chloé, mais je n'en sais pas plus que toi... Il faut croire en elle, c'est une personne forte, je suis sûre qu'elle gagnera ce combat. »

J'essaie de lui gratifier un sourire, mais ce dernier est faux et cela doit se voir. Elle me remercie et quitte la salle de classe. Je prends mes affaires et me dirige rapidement vers la sortie. Je suis impatiente de voir Alix, c'est la première fois que je peux le faire en étant moi-même, sans devoir jouer le rôle de la prof un petit peu trop inquiète.

Je me gare sur le parking puis entre dans l'établissement. Je déteste les hôpitaux, entre l'odeur de désinfectant et l'impression que la mort est assise en salle d'attente, patientant qu'un malade décède me file la chair de poule. J'ai un gros nœud à l'estomac, comme à chacun de mes passages. La voir dans cet état est difficile à vivre. Entre le tuyau du respirateur qui sort de sa bouche, les perfusions et autres fils attachés à son corps et son teint plus que pâle, on dirait un pantin inanimé. Cette image me procure des frissons d'horreur. Je m'approche d'elle et lui embrasse le front. Je m'efforce de lui dire bonjour, de lui dire qui je suis. Les infirmières m'ont dit qu'elle pouvait tout entendre alors je fais mon possible pour normaliser la situation. Je m'assieds à ses côté et commence mon monologue. Des larmes coulent déjà sur mes joues et je sais qu'elles ne s'en iront pas avant plusieurs heures, une fois que je serais partie et remise de mes émotions. Je n'y fais pas attention, car depuis une semaine maintenant, elles font partie de mon quotidien.

« Bonjour Alix, j'espère que de là où tu es, tu m'entends. Tu me manques beaucoup. Je vais venir tous les jours te voir. J'espère que tu te réveilleras bientôt... on a un contrôle la semaine prochaine et il serait dommage que tu le rates... »

j'essaie de faire de l'humour. C'est très difficile, mais je sais que c'est ce qu'elle voudrait. Notre relation était basée là-dessus, les taquineries, l'humour.

Je reste à la regarder pendant de longues minutes avant de m'endormir, ma main dans la sienne. Une infirmière vient me réveiller au bout de quelques heures, il est 18h et les visites sont terminées. Elle repart afin de me laisser lui dire au revoir.

« A demain, j'espère que tu seras réveillée d'ici là... Accroche-toi, fais le pour moi... pour ton père aussi, ne le laisse pas seul, ne me laisse pas seule, j'ai besoin de toi. Je l'embrasse à nouveau sur le front en fermant les yeux, sèche mes larmes d'un revers de manche, puis me dirige vers la sortie. J'aimerais embrasser ses lèvres si douces, si sucrées. Mais le respirateur m'en empêche.

Relation InterditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant