Monstres - Tome 2 : Succubus

Chapitre 23 : Le Bilan de Santé

~ Elyana ~

L'intervention des Satyres avait totalement refroidi la volonté du groupe de continuer leurs achats. Tout le monde était retourné vers la voiture sans quitter Elyana d'une semelle.

Finalement, Aeddan donna une petite liasse de billets au Draconis, payant d'avance les meubles qui lui seraient bientôt livrés. Il ne perdit pas plus de temps avant de s'asseoir à l'avant de la voiture. Dans le rétroviseur, il jeta un œil aux trois jeunes adultes blottis les uns contre les autres. Elyana avait posé sa tête sur l'épaule de Delyth qui tenait sa main dans les siennes.

À l'extérieur de l'habitacle, Caderyn et Camaël semblaient avoir une discussion enflammée qui concernait la sécurité de la jeune Nymphus. Finalement, l'Angélus partit en prenant son envol, devenant invisible aux yeux de tous et Cadeyrn alla dans la voiture en claquant fortement la portière en soupirant, les yeux tournés vers l'immensité du ciel gris.

— Aeddan, fit-il, on va à l'hôpital.

— Pour tes blessures ?

— Non, pour le stress d'Elyana, c'est mauvais pour la grossesse et je veux être sûr que tout va bien, grommela-t-il.

La Dryade allait protester mais se tut en voyant le regard inquiet de l'Incubus. Elle se dit finalement qu'elle y gagnerait à rassurer tout le monde en prouvant que sa fille allait bien. Qu'elles allaient bien toutes les deux. Même si ses mains tremblaient encore et que son cœur battait un peu trop rapidement, la situation n'était pas si terrible.

Delyth sentit le trouble de son amie et serra davantage sa main. Pourtant, elle dû la lâcher peu de temps après, quand son amie dû sortir du véhicule, accompagnée de Cadeyrn. L'hôpital faisait face à leur voiture et la rouquine gardait un œil bienveillant sur la Dryade enceinte, comme pour lui conférer du courage à distance.

— J'espère que tout va bien, souffla Delyth, stressée par l'attente.

— Tout ira bien, confirma Aron en posant une main maladroite sur son genou.

La jeune femme se retourna pour montrer un visage désemparé, rongé par l'inquiétude. Des larmes brillantes semblaient danser dans ses yeux, semblables à des gemmes étincelantes. Engloutie par le chagrin et la douleur, comme si elle venait de réaliser ce qu'il s'était joué un peu plus tôt, comme si la peur qu'elle ait ressentie alors venait tout juste d'être libérée de ses gonds.

Les yeux noirs d'Aron rougeoyaient devant ce spectacle, il mordilla sa lèvre inférieure, se demandant de quelle manière il devait agir devant cet être si puissant et si fragile à la fois. Finalement, ne sachant pas quoi faire pour la rassurer mis à part de manière humaine, il l'attira à lui pour la prendre dans ses bras protecteurs. Ceux-ci n'étaient pas larges ou massifs, non taillés pour impressionner ou pour former un bouclier défensif pour les jeunes femmes en détresse. Non, sa musculature se contentait d'être sèche et familière, son accolade assez douce pour venir bercer les soucis d'autrui. Des larmes vinrent mouiller son épaule mais il s'en moquait, après tout ses propres yeux se mirent à larmoyer, comme en écho aux émotions de la jeune femme qu'il enlaçait. 

Dans le rétroviseur central, il put croiser le regard indescriptible d'un Draconis millénaire mais même cela ne lui fit nullement desserrer les bras de sa prise. Aeddan ne semblait ni ennuyé ni même soupçonneux, il observait simplement d'un air atone sa fille qui pleurait, se demandant comment réparer sa douleur, comment atténuer ses peurs. Qu'était un père qui ne pouvait protéger son propre enfant de toute la misère du monde ?

Dans ses yeux noisette, chacun pouvait lire son impuissance face à son plus grand trésor, à celle qui valait selon lui plus que sa propre vie. Son rôle de père lui conférait la responsabilité de la rendre heureuse par tous les moyens, pourtant il réalisa qu'elle était maîtresse de sa propre vie et de ses propres erreurs. Il pouvait être là pour elle mais ne pouvait l'obliger à acquérir le bonheur qui lui revenait de droit, puisqu'il était imprévisible et se construisait de règles personnelles bien trop complexes pour que quiconque puisse les appréhender.