Chapitre 18 : La Concurrence

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Les jours défilaient inévitablement. A chaque pause déjeuner, Aron venait réclamer son dû. Auparavant, il se contentait d'une unique goutte mais rapidement il en prit deux puis trois... Delyth songeait qu'elle était en bonne voie pour le rendre accro.

Mais cela fonctionnait trop bien, comme il ne la quittait plus. Etrangement, il lui faisait penser à un chien fidèle qui lui collait aux basques. Elle ne lui dit pas, ayant peur de sa réaction. Monsieur le Vampiris arrogant avait bien changé.

Pendant qu'Aron s'était lui-même inclus dans leur petite bande d'amis de trois membres, le groupe de Lycanthropes gardait toujours un œil sur Elyana et Delyth, sans pour autant interrompre leur vie quotidienne.

Le jeudi, trois garçons humains, qu'Elyana reconnu comme ses plus grands persécuteurs et propagateurs de rumeurs, vinrent la voir. Tout tremblants et apeurés, ils implorèrent son pardon devant une multitude d'autres élèves.

Quand la jeune femme ne sut pas quoi répondre, ne voulant ni les pardonner pour leurs insultes, ni les humiliés devant les autres, ils décidèrent à sa place. Comme les pauvres larves qu'ils étaient, ils se mirent à genoux et promirent solennellement de traiter les autres comme ils le méritaient : avec respect.

- C'est vraiment gênant, avait simplement répondu la Nymphe, avant de tourner les talons et de partir en traversant la foule qui observait la scène avec curiosité.

Ce jour-là, Delyth avait beaucoup ri. Elle était même allée trouver les loups, ravalant sa fierté d'avoir presque menacée ceux qui se trouvaient être, finalement, de formidables alliés.

Le jeune à la queue de cheval l'accueilli sans animosité, comme s'il savait que ce jour viendrait.

- C'était bien joué, les félicita Delyth en levant ses pouces devant son visage. Je ne veux pas savoir par quoi ils sont passés, mais je me réjouie de les avoir vu se ridiculiser.

Le meneur du groupe acquiesça en silence.

- Pas très loquace ? Pourtant, mardi tu m'avais semblé beaucoup moins farouche. Je ne pensais pas que tu étais du genre à avoir besoin d'être apprivoisé, se moqua-t-elle.

- C'est vrai que tu sembles douée pour amadouer les autres. Surtout quand je vois ce Vampiris remuer la queue dès que tu passes dans son sillage.

Son sourire se redressa. Ce Lycanthrope ne manquait pas de répartie, ni de mordant. Il savait où frapper pour toucher sa cible... et Delyth aimait cette façon d'être. Elle appréciait être désarçonnée.

- Ah oui, Aron ? Disons qu'on se sert mutuellement l'un de l'autre, d'un commun accord.

Elle haussa les épaules dans une attitude désinvolte. Elle ne pouvait de toute façon pas avouer que s'il agissait ainsi, c'était uniquement car Delyth était sa dose quotidienne, comme un drogué un manque qui gardait sa pitance comme le plus précieux des trésors.

Elle allait bientôt devoir travailler sur lui, pour le faire purger de sa dépendance. Au moins, maintenant, il ne s'intéressait plus du tout à l'hémoglobine des autres individus, son attention toute entière au liquide rouge qui coulait dans les veines de la Draccubus.

- Je vois, donc vous n'êtes pas ensembles ? C'est fortement instructif.

- Je rêve ou tu me fais du rentre-dedans ? s'étonna la jeune femme.

- C'est interdit ?

- Non, je dirais plutôt que c'est... inédit. Surtout que je ne connais même pas ton prénom, nous sommes tout au plus des connaissances.

Le Lycanthrope plissa les yeux et afficha un sourire entendu. Il se pencha suffisamment pour se trouver à la même hauteur que la jeune femme.

- Pour mon prénom... c'est Rahyan. Enchanté, mon amie, Delyth, prononça-t-il d'un ton mielleux.

Elle serra sa poigne tendue en maudissant son organe sanguin qui battait à tout rompre. Puis, après cette salutation embarrassante, elle avait fui en retrouvant ses deux amis.

Le soir venu, son cœur battait encore rapidement quand elle y repensait. Le lendemain serait le dernier jour de la semaine mais elle avait peur d'y retourner, de recroiser ses yeux couleur bronze et de revoir ses pupilles se dilater, alors qu'il l'observait avec attention.

Elle tapa des pieds sur son lit et réalisa qu'avec toutes ses péripéties, la maison n'avait toujours pas changée, niveau aménagement. Elle avait simplement choisit le style qu'elle voulait pour sa nouvelle chambre. Elle songeait à se rendre à l'antiquaire avec son père le dimanche où elle n'avait rien de prévu. Mais elle était trop préoccupée pour s'intéresser à l'ameublement du salon, de la cuisine et de la salle à manger. Il y avait bien trop à faire ! Elle décida de remettre ces tâches à plus tard car elle avait trop en tête.

Samedi, elle reverrait enfin ses amis. Elle avait brièvement vu Kasper et Faël, sans avoir aperçu Markus. Mais elle anticipait avec délectation leur prochaine rencontre et la journée qu'ils pourraient passer tous ensemble. Plus les jours passaient et approchaient du week-end, plus le manque qu'elle ressentait était exacerbé.

Le vendredi, elle passa sa journée complètement dans les nuages. Elle ne remarquait pas Aron qui la suppliait du regard de lui donner quelques gouttes de sang, ni le Lycanthrope dragueur qui voulait tenter une approche.

- Elle va bientôt pouvoir revoir ses amis, expliqua Elyana, alors qu'elle en eut assez de voir les deux garçons chercher à attirer son attention.

- Quels amis ?

- Principalement trois Lycanthropes, dont son ami d'enfance. Elle ne les a pas vu depuis des mois et a enfin eu l'autorisation de les rencontrer. Je sens qu'elle se fait du souci...

- Elle devrait pourtant être heureuse, fit Rahyan.

- Tu n'y es pas, le contra Aron. Elle a tous failli les tuer, il y a quelques mois. Toute la meute, même. Elle s'en voulait tellement que l'ILIM l'a fait enferm-

Il se tut quand Elyana le frappa derrière la tête.

- Ce n'est pas à toi de divulguer pareilles informations, abruti de Vampiris !

Il se frotta l'arrière du crâne avec une moue gênée.

- Oui, oui, désolé. En tout cas, je la comprends. Moi je serai elle, j'aurais quitté le pays. Elle est courageuse d'y faire face.

- Ce n'est pas du courage, expliqua Elyana. Elle les aime. Ils lui manque trop pour qu'elle puisse abandonner l'idée de les retrouver. Je suis certaine que même s'ils venaient à la détester, elle ne pourrait pas leur en vouloir.

- Comment tu peux savoir ça ?

- Car j'arrive à savoir ce qu'elle ressent, quand elle me parle d'eux. Moi je vous le dis, vous avez de la concurrence, ria la Dryade en allant retrouver son amie.

Et sourit d'autant plus quand les deux mâles croisèrent mutuellement leurs regards d'un air indignés.

Monstres - Tome 2 : SuccubusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant