J'avais fait de mon appartement le sanctuaire de mes cents pas.
Je passais mon temps libre à tourner autour de ma table basse, à l'image des réflexions qui tournoyaient sans arrêt dans ma tête. Je réfléchissais à une énième vaine stratégie pour vaincre Shikamaru au shôgi, je relisais sans arrêt un nouveau passage du Livre des Radieux en espérant percer son mystère, j'effectuai silencieusement quelques mudras rien que pour essayer de sentir mon chakra bouillir au fond de moi, même si je savais que là n'était qu'une fausse piste. Je malaxai mon chakra continuellement, jusqu'à ce que la fatigue physique ne me fauche et ne m'enserre dans un profond sommeil. Je réfléchissais à ce foutu roi, qui était peut-être moi, peut-être nous, s'il était nécessaire de le voir chuter ou s'il fallait à tout prix le protéger.
Contrairement aux débuts de ma nouvelle surdité où mes propres pensées me faisaient peur, le brouhaha dans ma tête pleine me faisait à présent oublier un tant soit peu le silence infini de mon environnement, et je m'en délectai. Alors je passais en revue toutes ces interrogations qui remplissaient mon esprit vide, que je tournai et retournai dans tous les sens, juste pour le plaisir d'avoir quelque chose à penser autre que ma situation bancale. Le reste du temps, je triai une nouvelle infinité de papiers en la compagnie chaleureuse d'Iruka-sensei, je jouais au shôgi avec Shikamaru dans la plus grande des sérénité, je passais quelques fois au cimetière et mes deux coéquipiers venaient au moins une fois par semaine me chercher pour aller manger chez l'Ichiraku, en m'escortant sur les toits en chemin comme s'ils avaient été mes gardes du corps.
C'était là le résumé de mes journées dont je faisais part à Tsunade chaque mardi, et cela durait depuis un mois, maintenant.
Et cela faisait également un mois que je n'avais pas vu l'ombre d'un cheveu gris et d'un masque baissé.
Je me demandai souvent ce qu'il faisait, où est ce qu'il pouvait bien être, s'il était en menacé par le danger d'une mission difficile. Alors, je me trouvais bête de me poser de telles questions ; je secouai la tête toute seule comme une imbécile, en murmurant de ma voix que je n'entendais plus que je n'avais pas à m'intéresser à ce genre de choses. Il était adulte accompli et qui plus est un shinobi d'élite, et moi simplement une élève, à peine entrée dans l'âge adulte, qui essayait de se débattre faiblement avec son propre silence. Non, c'était sûr, Kakashi-sensei avait d'autres chats à fouetter.
C'est ce que je me disais une énième fois en tournant en rond autour de ma table basse une soirée d'automne, Le Livre des Radieux dans une main, sourcils froncés, chantonnant en silence. Parce qu'on a tous une drôle de façon de gérer nos flots de pensées à l'intérieur de notre crâne, j'avais choisi de chanter lorsque j'étais en pleine concentration. Chanter était un grand mot; je me contentais de doucement mettre en rythme le fond de ma pensée, de leur attribuer des paroles et un chant comme si cela les rendait plus visibles, plus faciles à décrypter. Je ne m'étais pas déliée de cette étrange habitude même après m'être noyée dans le mutisme de mon existence, pour la seule et bonne raison que je ne m'en rendais même pas compte. Et puisque je ne pouvais même plus mesurer la justesse de mes fredonnements, j'avais fini par oublier l'existence de cette manie que je faisais perdurer envers et contre tout, inconsciemment.
Alors, je chantais sans même le savoir, traçant de longs cercles tout autour de mon salon. Je réfléchissais à la raison pour laquelle Iruka-sensei s'évertuait à reléguer sa classe à un collègue depuis un mois, juste pour s'occuper de moi. Je pestai contre notre Hokage qui ne semblait pas avoir fini de m'infantiliser, en me disant chaque fois qu'il fallait que je me décide à ce que j'allais faire de ma vie, alors que je rêvais uniquement d'aller me défouler sur un terrain d'entraînement qui m'était interdit. Je n'osais pas passer outre cette proscription, néanmoins; désobéir à Tsunade m'avait déjà montré à quel point cela pouvait être douloureux, tellement douloureux. Alors, au fond de moi, je n'attendais plus que le retour de cette image d'un sensei au visage découvert qui m'avait promis que tout cela allait changer, qu'il avait une solution miracle qui me permettrait de me sortir de cette affreuse panade dans laquelle je m'embourbais toujours plus malgré mes légers progrès en terme de relations sociales, et d'estime de moi même. Mais même avec ça, j'avais l'impression de me noyer sous la houle de mes réflexions, que mon corps fatigué et encore affaibli par mon accident ne parvenait pas à suivre convenablement.
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𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x Reader
Fanfic" 𝘑𝘦 𝘯'𝘦𝘯𝘵𝘦𝘯𝘥𝘢𝘪𝘴 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘳𝘪𝘦𝘯. " Rien. J'avais l'impression d'être en pause tandis que le monde continuait de tourner sans moi. Je courrai après le bruit qui n'existait plus, me laissant seule avec les échos de mon esprit au milieu...