Chapitre 23

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Il y avait des gens qui riaient, qui chantaient, qui dansaient.

Je les observais avec fascination, comme s'ils avaient été une espèce d'animal exotique que je rencontrai pour la première fois. Mon cœur battait fort, et une certaine crainte demeurait tapie dans le fond de mon ventre et semblait difficile à déloger. Alors je restais moi aussi cachée dans un coin d'ombre, là où je me sentais chez moi, et j'observais ces rayons de soleil déferler autour de moi alors qu'il avait déjà disparu dans le ciel depuis longtemps.

J'essayai d'imaginer ce que toute cette cacophonie pouvait donner. Et bizarrement, cela me fit moins de mal que je me l'imaginais. Mon cœur se froissait lorsque je voyais ces gens armées de flûtes et de guitares souffler et gratter allégrement sur les cordes, et pourtant il m'était impossible de détourner les yeux. J'étais déchirée entre ce charme festif qui m'attirait et m'excluait à la fois. J'étais envahie par cette joie contagieuse et anéantie par la déception qui émanait de moi. J'étais actrice et spectatrice, tout et rien à la fois, baladée entre ces deux versants extrêmes des émotions humaines sans parvenir à choisir.

J'avais l'impression d'être entrée dans un nouveau monde, si différent du mien, que je découvrais avec des yeux de nouveau né. Je me disais que j'avais participé à ce genre de festivités un jour, ce qui me donnait l'impression de remonter à une éternité, où j'aurais pu être à la place de cette jeune femme là bas qui riait aux éclats et qui était si belle sous les lumières dansantes de l'allégresse estivale. C'était une impression étrange que d'avoir la sensation d'être bien là et absente en même temps.

Si ma crainte immuable s'était muée en une curiosité maladive, c'était bien grâce à la main de Kakashi-sensei qui n'avait pas lâchée la mienne. 

L'homme argenté se laissait docilement balader au gré des mes envies, sans jamais montrer de résistance lorsque je tirai sur son poignet. Me sentir accrochée à lui d'une certaine manière me donnait l'impression d'un pilier qui m'empêchait de tomber. Je n'étais pas seule au milieu de ce brouhaha muet, mes jambes avaient cessé de flageoler sous la pression écrasante de tous ces visages souriants autour de nous. Alors que j'étais imperméable à cette chaleur joyeuse et criarde dans l'air, j'avais la chance d'y goûter quand même grâce à celle logée au creux de la paume de Kakashi-sensei collée contre la mienne. Et ça me suffisait bien.

Lorsqu'une foule dense faisait l'impasse, mon sensei prenait le relai. Il se plaçait devant moi et fendait le cortège pour me créer un passage, sans lâcher mes doigts. Je ne m'étais jamais tenue aussi près de passants mutiques, d'inconnus aux bouches silencieuses, et même si je me sentais respirer fort sur le coup de la pression qu'ils exerçaient sur moi, je les lavais des yeux et les détaillais minutieusement tandis que je passais lentement entre eux. Personne ne prêtait attention à la touriste aux allures indécise et égarée que je devais laisser paraître; il y en avait tant, autour de moi, et je réalisai que je parvenais à me fondre assez bien dedans tandis que Kakashi-sensei me guidait doucement.

Lorsque ce genre d'obstacles étaient passés, je prenais le temps d'admirer l'avenue illuminée qui pétillait de mille feux dans la nuit. J'avais du mal à croire que je me tenais bien au milieu d'une rue bondée, bouillonnante et animée, saturée d'allégresse et de fébrilité. Je m'approchai alors timidement de certains stands, les yeux pétillants, alléchée par les odeurs succulentes émanant de partout et qui venaient sans arrêt titiller mon nez. Mon regard restait longuement accroché aux gestes maîtrisés des cuisiniers derrière leurs fourneaux, aux couleurs éclatantes des costumes étranges que certaines personnes portaient, aux pirouettes folkloriques des danseurs de rues qui sautillaient çà et là. Tout ce beau grabuge était captivant, presque enchanteur, si bien que mes yeux ne savaient plus où se poser. 

𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant