Je me souviens de ce jour où j'ai été moi-même prisonnière des affres de la pluie, en proie à des tourments qui s'étaient mis à posséder mes propres gestes sans que la raison n'intervienne.
Ce jour où j'ai cru que ma surdité m'avait arraché l'une des dernières choses qui donnait un peu de sens à mon existence, il pleuvait aussi. Enfermée dans une transe colérique en croyant ne plus mériter le bandeau que j'avais sur le front, je m'étais mise à faire du mal aux arbres, à hurler en silence sous le chagrin du ciel.
Je pense qu'on a tous une manière différente de gérer les démons qui nous dévorent à l'intérieur de soi. J'avais choisi la colère.
Kakashi semblait avoir opté pour s'engouffrer dans le vide qui habitait ses propres yeux.
Ce qui me faisait tout drôle, c'était que ce jour où j'avais perdu la raison sous la pluie, il était venu me sortir de là ; aujourd'hui, c'était à mon tour de le faire entrer dans mon propre appartement, de stopper l'ascension des gouttes d'eau qui avaient traversé ses vêtements et imprégné sa chair, de lui offrir la chaleur d'un endroit sec où il ne serait pas seul, où je pourrais peut-être le faire revenir à la vie.
J'avais pioché à la va vite quelques serviettes de bain ainsi que ses propres vêtements qu'il m'avait aidé à enfiler ce fameux soir de pluie où j'avais découvert que j'étais profondément amoureuse de lui. Je les avais gardés tout au fond du tiroir de ma commode en pensant les lui rendre un jour, et voilà que j'en avais enfin l'occasion.
A présent plantée devant lui alors qu'il semblait perdu au milieu de mon propre salon, je croisai ce regard terne qui me terrifiait. Son corps entier frissonnait d'avoir tant bravé le déluge qui tombait au dehors, et il ne semblait même pas s'en rendre compte.
- Il faut enlever ça. Vous allez attraper la mort.
Il ne réagit pas, et je cherchais quelque chose dans son œil sombre qui me dirait s'il comptait se débarrasser seul de ses vêtements imbibés d'eau qui pesaient aussi lourd que la pierre.
Rien. Rien de rien.
En soufflant par le nez, non pas d'agacement mais d'anxiété, je posai doucement mes doigts sur la tirette de son gilet vert avant de le dézipper avec une lenteur qui visait à ne pas le brusquer.
Dieu, cet homme que je croyais si invulnérable me parut tellement fragile, à cet instant. Comme s'il avait été fait de cristal et que j'avais peur de le briser en mille morceaux rien qu'en le touchant.
C'était la deuxième fois que j'entrevoyais quelque chose de... brisé, chez lui. Et même si cela pouvait s'apparenter à de la désillusion, je ne me sentais déçue de rien. Oh non, ça, au grand jamais ; mon corps comme mon esprit s'étaient profondément inclinés envers Kakashi Hatake, et même si ses blessures paraissaient béantes, insurmontables, je les prenais avec. C'est ce qui faisait qu'il était lui, et c'était de lui dont j'étais tombée amoureuse.
Je parvins non sans mal à le débarrasser de son gilet qui avait difficilement voulu quitter son buste ; je le jetai sur le sol sans trop d'attention, passant à l'étape suivante.
Son chandail, dont la couleur originelle semblait être bleu marine, était à présent noir comme la suie et lui collait à la peau. Voulant retarder le moment où je serai obligée de lui enlever moi-même le plus possible, je préférai me mettre sur la pointe des pieds, passer mes bras au-dessus de ses épaules pour aller chercher le nœud de son bandeau frontal dans l'épaisseur de ses cheveux mouillés et le faire tomber de son front. Je le fixai intensément en même temps, observait la façon dont ses mèches détrempées se plaquaient contre son front, comment son regard morne semblait passer à travers moi, ainsi que la pâleur alarmante de sa peau.

VOUS LISEZ
𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x Reader
Fanfic" 𝘑𝘦 𝘯'𝘦𝘯𝘵𝘦𝘯𝘥𝘢𝘪𝘴 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘳𝘪𝘦𝘯. " Rien. J'avais l'impression d'être en pause tandis que le monde continuait de tourner sans moi. Je courrai après le bruit qui n'existait plus, me laissant seule avec les échos de mon esprit au milieu...