Chapitre 26

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C'est le matin où j'ai levé le nez vers le ciel en souriant pour saluer les monticules paisibles des nuages blancs que j'ai su que j'étais en train de guérir.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas souri pour une raison aussi bête qui était celle de simplement me réveiller le matin sous les lueurs encore timides du soleil, de me rendre compte que je respirais encore même à travers l'épaisseur du silence, et que j'étais simplement heureuse d'entamer un de ces nouveaux jours qui font de vous un rescapé passant entre les doigts de la fatalité qui essaie furieusement de vous rattraper.

J'étais simplement contente à l'idée d'aller retrouver Lee quelques instants plus tard sur le terrain d'entrainement, pour suer sur l'une de ces sessions de taijutsu qu'on avait l'habitude de partager pendant des années et que j'avais abandonné lâchement depuis des mois. J'avais repris un train de vie rythmé, un entrainement rigoureux qui mettait mon corps encore souffreteux à rude épreuve, ponctué par la présence et les visites intempestives de mes amis qui, je le réalisai seulement, m'étaient devenus indispensables. Je me demandais encore pourquoi je m'étais efforcée de me m'enfoncer dans une solitude craintive si longtemps, et il avait fallu que je devienne sourde pour me rendre compte qu'être seule sans arrêt était synonyme de dépérir à petit feu. Je réalisais que c'était par les autres que nous existions, que les voir nous saluer le matin suffisait à nous donner la preuve tangible que nous étions là, que ce simple geste anodin appuyait avec une force insoupçonnée la garantie que nous respirions pour quelque chose.

Je m'étais surprise plusieurs fois pendant les semaines après mon retour de ma première mission à distribuer des sourires sans raisons, à rire sans être effrayée que ma propre voix ne vienne pas résonner dans mes oreilles. J'avais le cœur lourd, encore et toujours, et c'est dans l'obscurité de mon appartement comme sous le plus clair des jours que l'amertume venait encore me frapper parfois, sans raison, en me susurrant que j'étais toujours seule dans mon silence et que jamais, au grand jamais, quelqu'un ne pourrait m'atteindre au milieu de ces brumes. Mais je crois que je commençais à mettre ce chagrin constant qui battait sans cesse en moi au second plan, pour privilégier toutes ces autres choses si rayonnantes qui m'aidaient à l'oublier. J'avais l'impression d'atteindre un paroxysme, comme si je n'avais jamais autant accepté ma situation et que je ne parviendrais jamais à faire mieux, parce que j'étais parvenue au dernier palier de ma guérison.

Et même si cette idée était alléchante, je savais que ce n'était pas vrai. Du moins, pas totalement.

Kakashi-sensei était encore parti sur une mission de longue durée. J'avais la vague impression qu'il me fuyait les rares fois où il était à Konoha, autant que moi je le fuyais. J'avais cassé quelque chose, cette étrange complicité et douceur qui planait entre nous, et je sais que je m'en voudrais éternellement. Ça me manquait, profondément, toutes ces petites choses qu'il avait petit à petit disséminées autour de moi et qui m'avaient fait grandir alors que j'étais au plus bas. Les regards souriants en demi-lune, les mains qui s'enlacent au milieu de la foule, une signature de chakra chaude et sèche, qui grésille comme de l'électricité. Les mots silencieux, si insupportables par leur non-sens premier mais surtout cléments par leur douceur, comme un baume régénérateur qu'on appliquerait sur une plaie ouverte et qui viendrait la fermer immédiatement, doucement, sans savoir quel était son pouvoir étrange. Et surtout, ce visage sans masque et cette beauté brute qui faisait s'effondrer les remparts que le temps avait construit autour de moi pour venir tout faire chavirer, d'un seul coup.

Je ne savais pas trop quoi penser de tout cela, de tout ce qui s'était passé, de ce que cela promettait pour plus tard. Ça me faisait un peu mal aussi, alors je décidai souvent de mettre cette zone d'ombre de côté pour me concentrer sur ce que j'avais à faire dans l'instant, ce qui m'occupait l'esprit.

𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant