Chapitre 10

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- Je lis. Je dors. Je vais au cimetière. Je dors. Lee vient m'embêter. Je dors. Je lis. Je dors.

Je vis Tsunade longuement soupirer de lassitude face à mon sarcasme grossièrement dissimulé. Mais j'en avais franchement assez que mes examens de santé hebdomadaires s'éternisent à chaque fois en une séance de psy improvisée.

"Il y a des fois où j'aurais préféré que tu perdes ta langue plutôt que tes oreilles", lus-je à la va vite en l'imaginant grommeler ces mots.

Si je n'avais pas été psychologiquement traumatisée, je crois que j'aurais ris.

- Quand est ce que je pourrais reprendre l'entraînement ? demandai-je pour la millième fois depuis ma convalescence, les yeux pleins d'espoir en l'attente de ce jour où je verrai ses lèvres me dire "demain".

Mes rêves de me voir lancer des shuriken à tout va et brandir un kunaï étincelant volèrent en éclat lorsque Tsunade secoua la tête, visiblement contrariée.

- Vous m'aviez dit deux semaines ! Je suis peut-être encore un peu fatiguée, mais j'arrive à rester éveillée cinq heures de suite, maintenant ! C'est assez pour aller m'entraîner !

Le chef de notre village leva une main sévère pour m'inciter au silence, avant d'enfoncer ses prunelles noisette dans les miennes. La résolution inébranlable de ce regard me dit frissonner. Et franchement, ça ne présageait rien de bon.

"Écoute... "

Elle secoua la tête après avoir articulé ce simple mot. Les gens pensaient souvent que chaque verbe en rapport avec l'ouïe qu'ils employaient avait le même effet que s'ils me lançaient une bombe au visage. Mais ils n'avaient pas idée d'à quel point j'en avais strictement rien à cirer; au contraire, ça me donnait l'impression qu'ils me parlaient comme si tout était normal, et me confortait dans l'idée qu'un jour peut-être, je finirais par m'habituer à tout ce foutoir.

Voir Godaime s'embarrasser d'un tel détail ne fit que m'alerter davantage.

"Je ne pense pas que tu puisses reprendre ton activité de shinobi un jour. "

J'eus l'impression que le ciel venait de me tomber sur la tête.

Et je fis ce que j'étais capable de mieux en ce moment: pleurer toutes les larmes de mon corps.


***


Lorsque je passai la porte de sortie de l'hôpital, la pluie battante me faucha sans aucune pitié.

Je restai un instant là à observer le ciel gris pleurer, comme s'il reflétait mon propre état d'esprit à cet instant. Les gouttes s'abattaient violemment sur mes joues et je me surpris à rire nerveusement en me disant que pour une fois, ces larmes n'étaient pas nées de mes propres yeux.

La seule bonne nouvelle, c'est qu'il n'y avait pas âme qui vive dans les rues de Konoha. Je m'autorisai donc à déambuler librement dans chacune de ces allées que je n'avais pas osé fouler depuis mon réveil, en me fichant royalement de l'immonde sensation de l'eau imbibant petit à petit mes vêtements jusqu'à avoir l'impression de me tenir nue sous la pluie. Non, franchement, je n'en avais plus rien à foutre.

Et dans ce même élan de pensées désabusées, j'esquivai l'embranchement qui menait à mon appartement pour me diriger vers la périphérie du village, épurée de ses habitations, laissant place à ces grands terrains verdoyants encadrés d'arbres immenses. Idéal pour la kunoïchi lamentable que j'étais, déchue de ses fonctions, qui s'en allait faire ce qu'il lui était à présent interdit à jamais.

𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant