Chapitre 9

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A mesure des jours passés, une certaine routine s'était installée sans vraiment que je ne le décide.

Lee venait me voir presque tous les jours. Il faisait toujours irruption dans mon champs de vision sans que je ne m'y prépare, et à force, je me disais que je menaçai sérieusement de mourir d'un infarctus. Terriblement agacée par la sale manie qu'il avait de rentrer comme s'il était chez lui et de me faire peur de la sorte, je lui faisais souvent comprendre en hurlant qu'il serait bien dommage de mourir de cette façon à mon âge.

Plus généralement, ne pas entendre les gens entrer ou même savoir que j'avais de la visite avant de voir mes invités en question me déstabilisait grandement. A chacune de ses entrées fracassantes et pourtant effroyablement silencieuses, je sentais ma patience s'émietter et le peu d'optimisme que j'avais réussi à rassembler pendant la journée s'effondrer lamentablement. J'étais donc souvent d'humeur massacrante, d'une part à cause de ça et d'autre part parce que je m'ennuyais royalement, à tourner en rond dans mon appartement comme un lion en cage. J'avais alors tendance à mettre mon voisin dehors plus violemment que prévu, avant de me sentir éreintée par ce soudain élan d'émotions et de finir par m'endormir comme une masse aussitôt qu'il soit parti. C'était particulièrement dérangeant de voir à quel point chaque infime sensation m'épuisait, à quel point chacune de mes actions les plus futiles me coûtaient des heures entières de sommeil en contrepartie. J'avais l'impression que mon corps au même titre que ma tête ne supportaient plus rien, et me voir sombrer aussi facilement dans une telle inconscience pendant les trois quarts de mes journées me faisait presque peur. Mais cela avait au moins le mérite de faire passer le temps.

Les rares fois où je n'avais pas envie de dormir, je lisais. Beaucoup.

J'avais mis mon appartement entier en branle à la recherche de précieux livres, quel qu'ils soient, puisqu'ils avaient le don béni des dieux d'apaiser ma bougeotte et de m'occuper l'esprit des heures entières avant que je ne m'écroule de fatigue. Je pâlissais tous les jours un peu plus en voyant ma maigre bibliothèque se vider à mesure que j'entassais les bouquins sur ma table de chevet, et je me disais qu'il était urgent que je m'en procure d'autres avant que cela ne soit la panne sèche. Seulement, l'idée même d'entrer dans une bibliothèque ou de m'adresser à un libraire me donnait envie de vomir tant j'avais peur de voir des bouches bouger sans qu'aucun son n'en sorte. J'avais réussi à surmonter cette étrange phobie avec les gens qui m'étaient les plus proches, mais il m'était encore difficile d'envisager de parler à un inconnu en me disant que jamais je ne pourrais connaître le son de sa voix. Je savais que je n'avais pas la force de le supporter.

J'évitais le plus possible de penser. C'est pourquoi lire me vidait l'esprit, me faisait voyager loin de ma triste réalité, et même le pire des navets était pour moi un précieux échappatoire où je m'empressai de m'engouffrer. Au delà d'être devenue complètement sourde, ma petite carrière de kunoïchi semblait dangereusement compromise, et je n'avais aucune envie d'y penser. Si je le pouvais, j'annihilerai définitivement cette petite voix intérieure qui me terrorisait tant en me disant que je n'avais plus aucun avenir. Alors je lisais. Encore et encore, pour ne pas penser.

Je m'autorisai à réfléchir seulement tôt le matin ou tard le soir, quand je savais les rues de Konoha épurées de ses habitants et qui me laissait donc la voie libre pour sauter de toits en toits sans qu'on me voie vers le cimetière. J'avais fait de cet endroit un précieux point d'attache, où je me précipitai dès que j'avais l'énergie nécessaire sans risquer de m'effondrer d'épuisement sur les tuiles d'une maison quelconque, pour y retrouver un semblant d'apaisement et de plénitude. Parfois, je me disais qu'il était étrange de trouver plus de réconfort auprès des morts que des vivants, mais je m'étais faite à l'idée; les vivants silencieux m'effrayaient profondément, tandis que le mutisme des défunts me semblait bien plus logique et naturel. Mes parents, qui avaient été jusque là des inconnus pour lesquels je me forçais à visiter dans un minimum de respect, étaient devenus mes plus proches amis, avec qui j'aurais voulu passer l'essentiel de mon temps si le jour n'avait de cesse de ramener avec lui des gens que je n'avais aucune envie de voir; des vivants silencieux, horriblement silencieux. J'étais consciente que nouer une amitié avec une pierre tombale sur laquelle était gravé mon propre nom était plus qu'étrange, si bien que parfois, je me demandais si je n'avais pas déjà définitivement passé la frontière de la folie; mais c'était là un des seuls moyens que j'avais trouvé pour apaiser mon esprit tourmenté de voix que je n'entendais plus, et à force, je m'étais décidée à profiter de chaque pansement à mon mal qui m'ait été donné, quel qu'il soit.

𝕊𝕚𝕝𝕖𝕟𝕔𝕖 | Kakashi x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant